Tout a été dit sur cette élection présidentielle : hold-up, élection imperdable perdue, chamboule-tout, populisme, berezina des partis dits de gouvernement, dédiabolisation du Front national… et bien d’autres encore. En réalité tout ceci est vrai. Même si, isolement pris, cela ne donne pas le sens de cette élection présidentielle qui demeurera à n’en pas douter dans les annales historiques, évidemment, mais également de sciences politiques.
1. Ce fut d’abord une élection de renoncement et de défaites pour les plus hauts responsables politiques de ces vingt dernières années. Un président en exercice empêché de tous côtés et qui renonce ; un ancien président de la République et deux anciens Premiers ministres, une ancienne ministre et patronne des Verts, écartés abruptement à l’occasion de leurs primaires respectives.
2. Ce fut ensuite la remise en cause de la légitimité des instructions judiciaires en cours, tant du côté du candidat de la droite que de celle de l’extrême droite. Ce n’est pas, tout de même, un fait mineur de la part de deux candidats possiblement finalistes que la remise en cause de l’indépendance d’un pouvoir dont il devrait en assurer… l’indépendance s’ils étaient élus à la présidence !
3. Ce fut également la fin, et de quelle manière, de l’évidence du soutien au candidat républicain opposé au candidat du Front national. Ce fut fait avec l’éclat que l’on sait par un Jean-Luc Mélenchon assommé au soir du premier tour. Plus inquiétant est bien sûr que ce choix ne fut pas dû à un effet de sidération mais bien à un renversement historique. Qui n’est pas sans remémorer de tristes souvenirs de l’attitude de l’Internationale communiste au début des années 1930. Mais il est bien apparu que cette décision rencontrait un véritable écho tant au sein des forces militantes de La France insoumise qu’auprès de l’électorat. Quant à une partie de la droite, elle ne fit que remettre au premier plan une division perçue de longue date.
4. Ce fut, bien évidemment, la défaite des deux partis de gouvernement dont les candidats étaient perçus par nos concitoyens comme bien éloignés du corps central électoral, laissant un vide sidéral occupé avec opiniâtreté par Emmanuel Macron. Leur défaite est telle, avec une ampleur bien particulière pour le Parti socialiste, avec à peine plus de suffrages pour Benoît Hamon que le nombre de votants de la primaire de la Belle Alliance populaire de fin janvier, que leur devenir en tant qu’organisation, et à quelques encablures des législatives, est bel et bien posé.
5. Ce fut enfin la consécration électorale de l’émergence de nouveaux clivages qui, sans faire disparaître ceux qui ont structuré la vie politique française, les ont, peut-être momentanément, supplantés. On les avait déjà vus apparaître à l’occasion d’élections intermédiaires ou de référendums, mais jamais ils n’avaient encore caractérisé l’élection reine de la Ve République, l’élection présidentielle. Ouverture versus fermeture, optimisme versus pessimisme: cette caractérisation semble également se retrouver territorialement, dépassant ainsi les seuls prismes sociologiques.
S’il est encore trop tôt pour être certain que cette élection chamboule-tout finira de renverser le jeu politique à l’occasion des élections législatives, la première étape a bel et bien eu lieu.
À l’occasion de cette élection présidentielle « hors norme », la Fondation Jean-Jaurès s’associe au Huffington Post pour apporter son éclairage sur la campagne électorale : rapport de forces, thèmes et enjeux structurants, opinion des Français. La Fondation mobilise un certain nombre de chercheurs et de personnalités pour fournir des analyses jusqu’au scrutin, et après.