Un dimanche d’uppercuts

Le premier tour de l’élection présidentielle en France, dimanche 23 avril, n’a pas déçu. Émeric Bréhier, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation, nous dit qu’il a même bien tenu toutes ses promesses: un vrai dimanche d’uppercuts.

Pensez donc :

1- le Front national qualifié pour le second tour de l’élection majeure du système politique français où près de 80% du corps électoral s’est rendu aux urnes. Bien sûr, on pourra toujours expliquer que cette qualification était certaine depuis longtemps, que cette certitude avait même structuré la vie politique ces dernières années, mais quand même ! Et on ne peut que constater de plus que la candidate a recueilli plus de 7,6 millions de voix, en nette progression par rapport à la dernière élection présidentielle et même aux dernières élections régionales de 2015. Alors, bien évidemment, on peut toujours rappeler que les sondages il y a quelques semaines mettaient la candidate bien plus haut. Certes.

2- un OVNI politique ayant lancé son mouvement il y a à peine une année se qualifie au second tour de l’élection présidentielle en recueillant plus de 8,5 millions de suffrages, étant ainsi en tête du premier tour ! Son positionnement central a profité pleinement des choix des partis dits de « gouvernement » dont les candidats étaient perçus par nos concitoyens comme positionnés aux extrêmes de l’échiquier politique. Il a ainsi pu développer son discours, et son programme, de dépassement des clivages, « de droite et de gauche ». Au final, que les suffrages se soient portés sur son nom par adhésion à sa démarche, par conviction programmatique, ou pour éviter un second tour François Fillon/Marine Le Pen, cela n’a aucune importance. À ce stade.

3- le candidat des Républicains dont on avait pu penser qu’un surcroît de mobilisation ces derniers jours pourrait lui être profitable se voit défait et a l’honneur d’être ainsi le premier candidat de cette famille politique à ne pas parvenir à la qualifier pour le second tour de cette « élection reine », pour reprendre la formule d’Édouard Balladur, de la Ve République. Famille politique dont les tiraillements à venir, et qui sont en gestation depuis plusieurs années, n’auront rien à envier à ceux du Parti socialiste.

4- le représentant du parti d’Épinay a quant à lui mordu la poussière, pris en tenaille entre le candidat d’En marche ! et celui de La France insoumise. Il n’est à l’évidence pas parvenu à s’extraire de ce piège dans lequel il s’était en partie lui-même mis aux lendemains d’une primaire qu’il avait parfaitement maîtrisée.

5- reste donc le candidat de La France insoumise qui a parfaitement réussi la dernière phase de sa campagne, notamment à partir de sa réunion place de la République et lors du débat entre les cinq principaux candidats. C’est bien à ce moment que l’inversion des courbes avec le candidat issu de la primaire de la Belle Alliance populaire s’est opérée. Il n’en reste pas moins qu’il a raté sa sortie en ne prenant pas position pour le second tour dès dimanche soir, rejetant ainsi l’évidente tradition républicaine. Voici un mystère dont les conséquences sont à ce stade insondables, tant pour lui et sa force politique que pour le résultat final du second tour.

Ce second tour s’annonce au final bien plus incertain que l’on veut bien le croire : le taux de participation demeurera-t-il élevé ou s’affaissera-t-il ? Les électrices et les électeurs du candidat de La France insoumise se mobiliseront ils pour celui d’En Marche ! ? Et que feront celles et ceux du candidat Les Républicains ? Selon le résultat d’Emmanuel Macron le 7 mai prochain, la scène politique sera assurément bien différente. Vivrons-nous un remake de 2002, tel un accident de l’histoire politique, ou vivrons-nous au contraire une nouvelle étape de la déstructuration de la vie politique française telle que nous la vivons depuis plus de cinquante ans ? En réalité, cette élection présidentielle ne comprend pas deux tours mais bien quatre. La fin de celle-ci n’est pas programmée le 7 mai au soir. Mais bien le 18 juin, lors du second tour des élections législatives.

 

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