Un contrat social, écologique et européen : l’horizon possible du Pacte vert

En 2019, une dynamique sans précédent s’est formée en Europe autour de la transition écologique, aboutissant, après quatre ans d’intenses négociations, au lancement du Pacte vert (Green Deal) européen, l’ensemble de lois le plus complet au monde dans ce domaine. Strategic Perspectives, un nouveau think tank européen sur la transition écologique, livre son analyse du Pacte vert européen dans un rapport intitulé Turning the European Green Deal into Reality. Neil Makaroff, son directeur, se penche pour la Fondation sur les implications sociales de ce Pacte, dans un premier volet qui sera suivi de deux autres sur les conséquences pour l’économie et la sécurité du continent. 

Au début de son mandat, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’a cessé de répéter que la transition écologique ne devait « laisser personne de côté ». Un leitmotiv qui apparaît en réponse au mouvement des « gilets jaunes » de 2018. Ce dernier a profondément marqué le débat politique européen sur le Pacte vert jusqu’à aujourd’hui où il est parfois récupéré par ceux qui cherchent un alibi pour ne rien faire sur le climat. Des majorités ultra-conservatrices en Italie et en Pologne aux libéraux allemands, en passant par une partie de la droite européenne du PPE, une partie de l’échiquier politique européen se retrouve dans une attaque aiguisée du Pacte vert. Il est vu comme trop contraignant et trop coûteux. Pourtant, le dilemme entre la fin du monde et la fin du mois a explosé en vol le 24 février 2022. La guerre déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine lie pour de bon le défi social et climatique. Il est désormais clair que les Européens payent le prix fort de leur dépendance au gaz, pétrole et charbon pour se chauffer, se déplacer et s’éclairer. L’explosion des prix des énergies fossiles sur les marchés internationaux a enclenché une inflation galopante en Europe, renchérissant le coût de la vie pour les ménages et exacerbant la précarité. Sur un continent sans gaz, ni pétrole, ce n’est donc pas l’accélération de la transition écologique qui crée un risque de détresse sociale, mais bien son absence. 

Ces derniers mois, le Parlement européen et les États membres ont traduit dans le marbre de la loi européenne les transformations écologiques prévues par le Pacte vert européen. Leur mise en œuvre dépend maintenant en grande partie des gouvernements nationaux. La Première ministre française, Élisabeth Borne, a dressé les premières lignes de sa déclinaison française1France Info Tv, Climat : Élisabeth Borne lève le voile sur une partie du plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici à 2030, 22 mai 2023. le 22 mai dernier, en annonçant vouloir la rendre équitable. Le plan énergie-climat du gouvernement vise à respecter la trajectoire du Pacte vert européen, mais encore faut-il que les mesures et investissements suivent. Alors que le pouvoir d’achat et le changement climatique restent les deux grandes préoccupations des Français2Ifop, Observatoire de la protection, Sondage pour Aéma Groupe, mars 2023., la mise en œuvre du Pacte vert européen en France est une opportunité de nouer un nouveau contrat social et écologique qui améliore concrètement le quotidien. 

La mise en œuvre du Pacte vert européen peut réconcilier l’écologie et le porte-monnaie

Bien que les prix du gaz et de l’électricité retombent depuis octobre 2022, ils ont quasiment doublé par rapport à leur niveau en 20203Household energy price Index, Price data, mai 2023.. « L’ère des énergies fossiles bon marché et abondante est finie », annonçait la Commission européenne4Commission européenne, The Green Deal Industrial Plan, février 2023. en janvier dernier. Un constat qui devrait pousser les gouvernements à l’action : sortir les ménages les plus précaires et les classes moyennes des énergies fossiles devient une priorité sociale, en plus d’être une urgence climatique. Ce doit être au cœur d’un nouveau contrat social qu’il va falloir écrire dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte vert en Europe.

L’accélération de la transition énergétique enclenchée par le Pacte vert européen peut agir comme un bouclier face à la vie chère. Le Parlement européen et les États membres de l’Union ont adopté une série de réformes qui vont changer en profondeur notre consommation d’énergie. Selon l’étude de Strategic Perspectives, l’ensemble de ces lois européennes en faveur de la transition écologique pourrait contribuer à réduire les factures énergétiques des Européens d’un quart en seulement sept ans. Aujourd’hui l’électricité, le gaz et les carburants représentent en moyenne 8,6% du budget total des ménages en Europe et notamment 8,3% en France5Ministère de la Transition écologique, Dépenses en énergie | Chiffres clés de l’énergie – Édition 2022.. Ils pourraient tomber à 6,1% en 2030 grâce à l’accélération de la transition écologique.

Source : rapport de Strategic Perspectives Turning the European Green Deal into Reality. Modélisation par Cambridge Econometrics, voir méthodologie à la fin de la note. 

Mieux, grâce à la réduction de la part des énergies fossiles dans notre mix énergétique, l’inflation se stabiliserait à 1,5% par an d’ici à 2030, selon ce même rapport. Elle est de 7% en avril 2023, selon Eurostat. Une perspective positive alors que beaucoup sont durement affectés par la hausse des prix et une sobriété souvent subie. 

Les quatre grands chantiers européens qui vont réduire les factures énergétiques des ménages

Quatre grands chantiers du Pacte vert européen sont au cœur de la réduction des factures énergétiques des ménages : le déploiement des énergies renouvelables, l’installation massive de pompes à chaleur, la rénovation des logements et le tournant en faveur du véhicule électrique. 

Le déploiement des énergies renouvelables

L’Union européenne a enclenché une très forte dynamique en faveur des énergies renouvelables, renforçant une tendance6Neil Makaroff, La transition écologique au secours de la souveraineté européenne, Fondation Jean-Jaurès, janvier 2023. déjà existante dans une majorité de pays européens suite à la guerre en Ukraine. Si la loi européenne sur les énergies renouvelables est mise en œuvre, en 2030, à eux seuls, l’éolien et le solaire représenteront 55% du mix électrique européen, remplaçant les centrales à charbon et réduisant la part des centrales à gaz, selon Strategic Perspectives. L’obligation européenne d’installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures des hangars, des parkings et des centres commerciaux tout comme les nombreux projets d’éoliennes en mer viennent confirmer ce développement. Le fort déploiement des énergies renouvelables a pour effet direct de réduire le coût de la production électrique, ces technologies étant facilement déployables et compétitives. Les factures d’électricité des ménages et des entreprises seraient réduites d’au moins 7% en 2030. Le nucléaire, quant à lui, devrait rester stable, voire légèrement baisser dans le mix électrique européen en raison de la fin de l’atome en Allemagne et en Espagne. Cela ne devrait pas avoir d’incidence notable sur la variation des prix sauf en cas d’indisponibilité du parc existant comme en 2022, ce qui avait contribué à des records de prix7CRE, La CRE publie son analyse des prix de gros de l’électricité pour l’hiver 2022-2023 et l’année 2023.  sur le marché électrique de gros, largement amortis pour les consommateurs par le soutien de l’État en France. 

Source : rapport de Strategic Perspectives Turning the European Green Deal into Reality. Modélisation par Cambridge Econometrics, voir méthodologie à la fin de la note. 

La France est le seul pays européen8Eurostat, EU overachieves 2020 renewable energy target – Products Eurostat News, janvier 2022. à ne pas avoir atteint son objectif en matière d’énergies renouvelables pour 2020 en raison de contraintes administratives trop fortes et d’un sous-investissement dans le secteur. Elle va devoir rattraper son retard si elle ne veut pas pénaliser les Français alors qu’une majorité d’Européens auront accès à une électricité renouvelable peu chère d’ici à 2030. Par ailleurs, sans développement rapide des énergies renouvelables, le gouvernement ne sera pas en capacité d’électrifier les transports et le chauffage. 

L’installation massive de pompes à chaleur

De la même manière, les lois européennes sur la transition écologique vont accélérer le remplacement des chaudières au gaz et au fioul par des pompes à chaleur, permettant d’alléger les factures de chauffage. Au total, 58 millions de pompes à chaleur devront être installées d’ici à 2030 pour respecter la législation européenne. La hausse des prix de l’énergie a d’ores et déjà entraîné un fort engouement en faveur des pompes à chaleur en Europe et en particulier en France. En 2022, 3 millions de pompes à chaleur9Carbon Brief, Guest post: How the energy crisis is boosting heat pumps in Europe, mars 2023. ont été installées, soit le double qu’en 2021. La France se situe à la seconde place des pays qui les déploient le plus rapidement après l’Italie. Le gouvernement français envisage même d’interdire la vente de chaudières au gaz neuves10Actu-Environnement, Décarbonation des bâtiments : vers l’interdiction progressive des chaudières à gaz, mai 2023. à partir de 2026, provoquant une levée de bouclier des professionnels. Pourtant, acter la fin progressive du chauffage au gaz est un choix en faveur du pouvoir d’achat au moment où les prix du gaz risquent de nouveau d’exploser. Les Pays-Bas et l’Allemagne ont également pris cette décision. 

La rénovation énergétique des logements

Néanmoins, là où l’Union européenne peut améliorer le confort de millions d’Européens, c’est en massifiant la rénovation énergétique des logements. Cela reste le moyen le plus efficace de réduire la consommation d’énergie des ménages et d’éradiquer la précarité énergétique. Inspirée de la loi Climat et résilience adoptée en France en août 2021, la loi européenne sur les bâtiments en cours de finalisation pourrait fixer une obligation de rénovation énergétique des logements pour que l’ensemble du parc immobilier des pays européens se situe en moyenne à la classe énergétique D d’ici à 2030. Cette disposition européenne, combattue d’arrache-pied par la droite de l’échiquier politique, mettrait de facto fin à la plupart des passoires énergétiques en sept ans. Un chantier titanesque. Alors que seul 0,2% du parc immobilier11BPIE, Deep Renovation: Shifting from exception to standard practice in EU Policy, 2021. est rénové chaque année en Europe, ce taux devrait se situer autour de 3% pour atteindre nos objectifs. Un défi que la France12Ministère de la Transition écologique, Le parc de logements par classe de consommation énergétique, septembre 2020. partage avec l’Europe : 4,8 millions de logements sont considérés comme des passoires thermiques, c’est-à-dire de classes G et F, et devraient être rénovés au plus vite pour lutter efficacement contre la précarité énergétique. 

Le tournant en faveur du véhicule électrique

Enfin, avec sa loi sur la fin de vente des voitures essence, diesel et hybrides en 2035, l’Europe donne un coup d’accélérateur au développement du véhicule électrique. 29 millions de voitures électriques circuleront sur les routes européennes, soit une voiture sur dix en 2030. La multiplication des modèles électriques pourrait permettre de réduire son prix et faire émerger un marché de l’occasion, permettant aux classes moyennes d’y accéder. Il s’agit d’une évolution importante qui réduira la consommation de pétrole et apportera des avantages évidents en termes de lutte contre la pollution atmosphérique et du bruit. Néanmoins, la stratégie des constructeurs automobiles13Agence internationale de l’énergie, Global SUV sales set another record in 2021, setting back efforts to reduce emissions – Analysis, 2022. de développer des modèles plus lourds (SUV) et donc plus chers au détriment des petits véhicules risque de limiter le déploiement de la voiture électrique pour tous les ménages qui en auraient besoin. Les SUV sont plus gourmands en matériaux et en énergie, ce qui affaiblit leur efficacité environnementale, même lorsqu’ils sont électriques. Réglementer la taille et le poids des nouveaux véhicules devient de plus en plus essentiel pour éviter la domination des SUV sur le marché. Ils représentent déjà 55% des voitures électriques vendues en Europe. 

Source : rapport de Strategic Perspectives Turning the European Green Deal into Reality. Modélisation par Cambridge Econometrics, voir méthodologie à la fin de la note. 

Cibler les plus précaires et les classes moyennes doit être au cœur de la mise en œuvre du Pacte vert européen 

Si le Pacte vert européen apporte des solutions efficaces pour lutter contre la vie chère et notamment réduire les factures énergétiques, cela ne veut pas dire que les gains seront automatiquement répartis de façon juste au sein de nos sociétés. Contrairement aux plus aisés, les plus pauvres et les classes moyennes n’ont pas les moyens financiers de rénover leurs logements ou de changer de véhicules, surtout en période d’inflation. Ils subissent de plein fouet la crise énergétique14Observatoire national de la précarité énergétique, Tableau de bord de la précarité énergétique 2022. car ils vivent souvent dans des logements mal isolés, loin de leur lieu de travail, et ont des véhicules anciens. Avant la crise énergétique, Eurostat15Eurostat, Inability to keep home adequately warm – EU-SILC Survey. estimait qu’environ 7% de la population européenne n’avait pas les moyens de chauffer correctement son logement. Cela équivaut à 34 millions de personnes. Un chiffre qui a probablement explosé depuis la hausse des prix de l’énergie. Rien qu’en France, l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) a recensé 3,4 millions de ménages en situation de précarité énergétique en 2021. À cela s’ajoute la précarité liée à la mobilité, c’est-à-dire les personnes restreignant leurs déplacements en raison des prix des carburants ou n’ayant pas accès aux transports publics. Ce phénomène touche près de 13,3 millions de Français selon l’ONPE. Sans politiques ciblées en faveur des plus modestes, nous risquons de créer une transition à deux vitesses où seuls les plus aisés sortiront du piège des énergies fossiles. 

Massifier la transition écologique comme le souhaite l’Union européenne implique donc nécessairement de soutenir les ménages afin qu’ils aient accès rapidement aux solutions de transition. C’est d’autant plus vrai qu’autrement les classes populaires et moyennes risquent de subir de plein fouet la mise en place du prix du CO2 européen16Réseau Action Climat, Le marché carbone pour les carburants et le chauffage : quelle porte de sortie ?, 2022. sur les carburants, le gaz et le fioul à partir de 2027. Tout comme la taxe carbone française, cette mesure va renchérir les factures en appliquant une « surtaxe » en fonction des émissions de gaz à effet de serre. Un ménage faisant le plein d’essence ou se chauffant au gaz va devoir payer ce surcoût. Ce système peut s’avérer extrêmement injuste si les plus précaires restent sans alternatives face aux énergies fossiles. C’est le même piège social qui a allumé la mèche du mouvement des « gilets jaunes » en France en 2018. La mise en œuvre du Pacte vert européen par les gouvernements doit donc prendre la forme d’un nouveau contrat social afin de répartir justement les bénéfices de la transition, en premier lieu vis-à-vis des plus modestes. 

L’Union européenne a entrouvert cette voie avec la création du Fonds social pour le climat. Évalué à 86,7 milliards d’euros pour la période 2026-2032, il oblige les gouvernements qui souhaitent en bénéficier à élaborer des plans de transition pour les catégories les plus modestes de notre société. Cet instrument reste certes faible en volume, mais il peut enclencher une dynamique prometteuse pour la justice sociale et la solidarité entre États membres. Certains pays n’ont d’ailleurs pas attendu pour cibler les plus modestes avec une politique climatique et sociale efficace. 

C’est le cas de la Tchéquie et de l’Irlande par exemple, deux pays qui ont mis en place des dispositifs très simples de subventions à la rénovation énergétique des logements pour les plus précaires. En Irlande17Gouvernement irlandais, Government launches the National Retrofitting Scheme., le Free Home Energy Upgrade Scheme couvre 100% du coût des rénovations énergétiques pour les bénéficiaires de l’aide sociale, tels que les chômeurs, les parents isolés ou les personnes en situation de handicap, vivant dans des habitations classées G, F ou E. Une aide financière supplémentaire est également disponible pour l’ensemble de la population afin de couvrir 50% du coût d’une rénovation en profondeur. Même logique en Tchéquie18Gouvernement tchèque, Dotace pro bytové domy – Nová zelená úsporám. qui octroie une aide simple et rapide avant la facturation pour les ménages et les retraités les plus vulnérables. Cela concerne aussi bien la rénovation que l’installation de panneaux solaires, de systèmes de recharge pour véhicules électriques ou de pompes à chaleur. Dans les deux cas, c’est un système lisible, rapide et une assistance technique de la part de l’État pour accompagner les ménages. Un modèle dont la France pourrait s’inspirer pour réformer MaPrimeRénov qui est loin d’atteindre les résultats escomptés19Haut Conseil pour le climat, Rénover mieux : leçons d’Europe, 2020.

Sur le secteur de la mobilité, en revanche, la France pourrait faire figure de bon exemple avec le leasing social d’un véhicule électrique. Cette mesure vise à donner accès à une voiture électrique à 100 euros par mois aux personnes ayant besoin d’un véhicule pour travailler notamment, mais ayant des revenus limités. Aujourd’hui, le coût moyen du leasing d’un véhicule électrique est de 600 euros par mois20Transport et Environnement, Used electric cars are hot, leasing deals are not, 2023.. Un accès facilité à un petit modèle électrique qui pourrait bénéficier à près de 900 000 ménages vivant dans des zones à faibles émissions (ZFE) selon une étude de l’IDDRI et de Transport et Environnement21IDDRI, Transport et Environnement, Leasing social : propositions pour un mécanisme social et industriel innovant et écologique, 2023.. S’il est confirmé, le leasing social d’une voiture électrique pourrait désenclaver un certain nombre de Français tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du transport.

Mais l’accès à un véhicule électrique ne suffit pas à répondre à l’enjeu de précarité liée à la mobilité. L’émergence d’alternatives attractives à la voiture est nécessaire pour accroître la durabilité du système de transport. La mise en place du ticket climat en Autriche, en Allemagne et en Espagne répond au besoin de rendre les transports publics, et notamment le ferroviaire, moins chers et plus simples. Le gouvernement espagnol22RailTech, Spain greenlights extension of free train passes until year-end, octobre 2022. a par exemple mis en place une forme de gratuité pour les usagers réguliers des transports ferroviaires locaux et régionaux. Le but ? Combattre l’inflation en aidant les classes populaires et moyennes, et notamment les salariés, à se rendre sur leurs lieux de travail. Plus de 2 millions de tickets ont été délivrés à l’automne 2022. L’Allemagne, dont le Klimaticket permettait de prendre tous les transports ferrés du pays pour seulement 9 euros par mois, a également rencontré un vif succès avec 52 millions d’abonnements l’été dernier. Il a été remplacé par un billet mensuel de 49 euros, mais certains Länder comme Berlin ont choisi de le maintenir à 9 euros par mois pour les bénéficiaires de l’aide sociale. Cette approche progressive permet de cibler davantage les ménages les plus pauvres et de limiter le prix des transports publics pour ceux qui en ont le plus besoin. Ces exemples pourraient être répliqués en France pour casser la hausse continue des prix du train depuis deux ans23Insee, Indice des prix à la consommation – Base 2015 – Ensemble des ménages – France métropolitaine – Nomenclature Coicop : 07.3.1.1 – Transport de passagers par train.. Alors que les émissions de gaz à effet de serre du transport continuent d’augmenter dans notre pays et que des fractures sociales importantes émergent sur la mobilité, il devient crucial de trouver des solutions créatives pour rendre le ferroviaire plus accessible et populaire. 

Ces exemples montrent qu’une transition écologique plus juste et populaire est possible à travers la mise en œuvre du Pacte vert européen. Le Fonds social européen pour le climat l’encourage, mais cet effort doit être amplifié à l’échelle nationale.

Faire contribuer les pollueurs pour une transition équitable

L’Union européenne peut aller plus loin. La transition que le Pacte vert enclenche va apporter de nombreux bénéfices pour les ménages, et notamment les plus précaires. Mais cela doit aller de pair avec une politique sociale forte qui répartit les solutions équitablement au sein de notre société. Dans cette bataille, le nerf de la guerre reste l’investissement. 

À l’occasion de la crise énergétique, les grandes entreprises pétrolières et gazières ont engendré des surprofits allant jusqu’à 200 milliards de dollars24Energy Monitor, Big Oil profits soared to nearly $200bn in 2022.. Une grande partie de cette manne financière vient directement de la hausse des prix du gaz et du pétrole payés par les ménages. Les États ont largement soutenu la consommation en subventionnant ces énergies afin d’amortir le choc. La taxation permanente des surprofits du pétrole, du charbon et du gaz ne doit pas être un tabou. C’est même un des leviers les plus justes à activer. 

À l’automne 2022, l’Union européenne a adopté une « contribution de solidarité » exceptionnelle sur les entreprises pétrolières et gazières. Un taux de prélèvement minimum de 33% s’applique sur les surprofits, permettant de générer d’importants revenus. Certains pays, comme l’Espagne, ont utilisé cette manne pour financer le ticket climat sur le transport ferroviaire par exemple. Au total, la Commission européenne estime que cette contribution pourrait rapporter 25 milliards d’euros de recettes par an. Dans un monde où notre principale vulnérabilité vient de la consommation d’énergies fossiles, il devient essentiel de faire contribuer de façon permanente les entreprises qui en sont la cause. Transformer cette contribution exceptionnelle devant prendre fin en 2023 en taxe permanente sur les surprofits liés au gaz, pétrole et charbon est une opportunité à saisir en Europe. Elle permettrait de redistribuer cet argent pour financer les politiques climat en faveur des classes populaires et moyennes. C’est une question de justice sociale et d’équité. 

Loin d’être sourde à la crise de la vie chère, l’Union européenne et son Pacte vert apportent des solutions concrètes pour sortir durablement les Européens d’une dépendance coûteuse et nocive au gaz, pétrole et charbon. L’allégement des factures énergétiques qui suit l’accélération de la transition écologique doit être équitablement réparti au sein de notre société. Ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire les plus précaires et les classes moyennes, doivent être les premiers à bénéficier de la transition écologique européenne. C’est précisément ce qui est au cœur du nouveau contrat social sur le climat que la mise en œuvre du Pacte vert européen permettrait de tisser. 

Note méthodologique 
Les données présentées dans cette note proviennent du rapport de Strategic Perspectives Turning the European Green Deal into Reality. Elles ont été modélisées par l’institut Cambridge Econometrics à l’aide du modèle macroéconomique E3ME. Ce modèle a notamment été utilisé par la Commission européenne lors de plusieurs études sur les impacts économiques des politiques de décarbonisation en Europe. Dans le cadre de ce rapport, Cambridge Econometrics a modélisé deux scénarios pour l’ensemble de l’économie européenne : 
– un scénario macroéconomique de référence, c’est-à-dire sans mesure du Pacte vert,
– un scénario avec les mesures du Pacte vert telles qu’adoptées dans la législation (Paquet « Fit for 55 »).
Les scénarios tiennent compte des effets récents de la hausse des prix de l’énergie et des chocs macroéconomiques. Les données présentées dans cette note proviennent de la modélisation du scénario avec les mesures du Pacte vert.

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