Comment définir les mouvements radicaux, des deux côtés de l’échiquier politique ? Existe-t-il des convergences entre les groupes dits de « gauche » et ceux dits de « droite » ? Connaissent-ils aujourd’hui un nouvel essor ? Les analyses livrées dans ce cahier, qui reprend les interventions d’une rencontre publique tenue à la Fondation Jean-Jaurès le 18 mai 2016 sous la houlette de l’Observatoire des radicalités politiques, apportent des éclairages nécessaires à la compréhension de ces mouvements, dans toute leur hétérogénéité, et dressent ainsi un panorama précis et utile des radicalités politiques en France.
Dans le cadre du cycle Urgence de débattre, l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès a proposé une conférence sur le thème des radicalités politiques de l’extrême gauche à l’extrême droite. Si les mouvements radicaux semblaient avoir disparu, depuis quelques années ces derniers réapparaissent aussi bien à droite qu’à gauche comme le montre la perturbation du sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009, ou plus récemment « Le printemps français ». Aujourd’hui, le terme de radicalité est omniprésent dans le débat public, cependant ce mot reste vague et souvent mal employé. Ainsi, le but de cette conférence, animée par David Doucet avec les interventions de Nicolas Lebourg, Isabelle Sommier, Romain Ducoulombier et Jean-Yves Camus, est de réussir à définir cette notion en explorant les différentes extrémités politiques.
Romain Ducoulombier, historien du communisme, tente d’expliquer la nature de l’offre politique du PCF à travers sa construction et sa déconstruction. Si le PCF fut longtemps un parti clé, il connaît dans les années 1960-1970 un fort recul et a aujourd’hui très peu de poids au sein du spectre politique. Romain Ducoulombier s’interroge sur le lien entre le recul du parti et sa perte de radicalité. Le PCF a toujours été un parti paradoxal; un parti “révolutionnaire de gouvernement” de par son adhésion à deux systèmes de nature très différents. En effet, ce parti qui adhérent à la IIIe internationale reste pourtant encré dans le système démocratique, républicain et parlementaire français. Si la radicalité du PCF est liée à sa vocation révolutionnaire, ce parti doit régulièrement compromettre ses idéaux afin de s’insérer dans le système politique et y représenter les ouvriers et paysans. Le processus de “déstanilisation” et donc de déradicalistation au sein du parti dans les années 1970 pourrait expliquer son recul.
Isabelle Sommier, professeur de sociologie, s’intéresse à une période plus récente avec les groupes à la gauche du PC. Pour elle, un groupe radical est un groupe révolutionnaire qui rompt radicalement avec le système politique et social en vigueur. Pour cela, ce groupe peut recourir à des formes non conventionnelles de participation telles que la violence, par exemple. Elle distingue deux temps dans le rapport de la gauche du PC et de la radicalité. Jusqu’au XXe siècle, la radicalité est incarnée par l’extrême gauche composée des formations à la gauche du PC. Ces formations ont pour particularité d’être incubées au sein du PCF et d’être issues de scissions de l’Union des étudiants communistes. Deux groupes se démarquent, les maoïstes et les trotskistes. Tous deux sont attirés par la lutte armée et usent de pratiques violentes notamment par l’antifascisme militant. Dans un deuxième temps, dans les années 2000, c’est l’ultra gauche qui ré-emerge à l’occasion du mouvementent anti CPE en 2006. Isabelle Sommier fait le lien entre cet évènement et les manifestations actuelles contre la loi Travail.
Nicolas Lebourg poursuit de l’autre côté du spectre politique avec l’extrême droite. Le terme “extrême droite” surgit au cœur du 19e siècle, siècle de la révolution industrielle et des empires coloniaux. Il est alors nécessaire de trouver une forme d’unité afin de réunir les gens de la nation. C’est donc dans les années 1880 qu’apparaît le national-populisme qui a pour objectif non pas la fin de la République mais la mise en place d’un nouveau système. Contrairement aux États d’extrême droite, la violence n’est pas une particularité essentielle des mouvements d’extrêmes droite. Après avoir avoir fait part de la particularité du fascisme français et définit le terme d’extrême droite, Nicolas Lebourg met en avant le lien entre ces types de mouvements et la notion de radicalité. Enfin, il finit en abordant la stratégie du Front National et son rapport “centre- périphérie”. Il affirme que le FN n’est pas le parti d’une France périphérique, mais de l’interclassisme. Selon lui, c’est cet interclassisme qui leur permet d’attirer un électorat divers et ainsi de casser le système électoral.
Enfin, Jean Yves Camus clôt la conférence en s’interrogent sur la possibilité d’assimiler des phénomènes théologiques récents à des radicalités. Pour explorer le lien entre radicalité politique et phénomènes théologiques, il choisit de se concentrer sur la Ligue de défense juive et les mouvances catholiques traditionalistes intégristes. Selon lui, la Ligue de défense juive n’est pas un mouvement religieux et n’agit pas le but d’instaurer un modèle théocratique. L’unique préoccupation de ce mouvement est de faire cesser l’antisémitisme en France. Ce groupe peut être considéré comme radical de par les méthodes qu’il emploie mais il est difficile de le rattacher à l’extrême droite. Il opère de façon spontanée, peu hiérarchisée, et si ses membres sont généralement de droite, leurs convictions idéologiques restent peu affirmées. Pour Jean Yves Camus, le rapport entre l’extrême droite et les mouvements catholiques intégristes est plus intéressent. Il constate que ces mouvements, de par la notion d’obéissance et le rapport à l’Etat véhiculée par la religion catholique, entretiennent de nombreux liens institutionnels avec les mouvements d’extrême droite.
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