Tribunes debout : une occasion pour reconsidérer enfin les supporters de football !

Le week-end du 15-16 septembre 2018, les premières « tribunes debout sécurisées » ont refait leur apparition dans les stades Bollaert-Delelis à Lens (L2) et de la Licorne à Amiens (L1). Avec ceux de Geoffroy-Guichard à Saint-Étienne (L1) et Auguste-Bonnal à Sochaux (L2), ils font partie des quatre stades retenus par la Ligue de football professionnel (LFP) pour une expérimentation nationale. Rendue possible par le travail de l’instance nationale du supporterisme, elle est une première victoire pour un football populaire et une première étape dans un dialogue qui doit, en France, enfin associer les supporters.

Depuis plusieurs années, comme nous le décrivions dans une note pour la Fondation Jean-Jaurès intitulée Le peuple des loges, la gentrification des stades de football et la mise en place de mesures sécuritaires ont écarté les publics populaires et les supporters de ces enceintes. Nous proposions alors plusieurs pistes pour y remédier, dont celle, nécessaire, d’un dialogue renoué entres les instances du football, les clubs et les supporters. La réflexion engagée autour du soft-standing en Angleterre et la mise en place d’une expérimentation de « tribunes debout sécurisées » en France, vieille revendication des associations de supporters, sont des occasions à ne pas manquer. 

Le « nouvel ordre des stades »

Le drame du Heysel

En Europe, à la suite de différentes catastrophes survenues dans les années 1980, les normes de sécurisation des stades ont évolué. 

Ainsi, après le drame du Heysel à Bruxelles le 29 mai 1985 (39 morts, 600 blessés), une «Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football», portée par le Conseil de l’Europe, a été ouverte à la signature dès le 19 août suivant et est entrée en vigueur très rapidement, le 1er novembre 1985. Elle visait à prévenir et maîtriser la violence et les débordements du public ainsi qu’à assurer la sécurité des spectateurs lors de manifestations sportives en se fixant trois priorités : la prévention, la coopération et la répression. Dans le sillage de la Convention, de nombreuses recommandations ont par ailleurs été adoptées et promues sans mention particulière des tribunes debout. 

En Angleterre : la lutte contre le hooliganisme, et au-delà…

En Angleterre, cette même année 1985 est également marquée par des envahissements de terrains et des affrontements entre supporters – comme lors du quart de finale de FA Cup entre Luton et Millwal, le 13 mars, à Kenilworth Road (81 blessés, 31 arrestations) – et surtout par l’incendie du Valley Parade à Bradford, le 11 mai (56 morts). Ces incidents ont conforté Margareth Thatcher dans sa volonté d’intervenir pour mettre fin à ces situations et éradiquer le hooliganisme. Dans les années qui suivent, plusieurs lois ont été adoptées en ce sens : le Sporting Events de 1985 qui visait à incriminer l’ivresse, la consommation d’alcool, l’introduction d’objets dangereux (pétards ou fumigènes) dans les stades et l’élargissement du droit de fouille de la police ; le Public Order Act de 1986 qui introduisait de nouveaux délits comme la provocation à la violence, les actes racistes ou l’incitation à la haine raciale conduisant à un accroissement des interdictions de stade ; le Football Spectators Act Bill de 1989 qui prévoyait la mise en place d’une carte d’identité informatisée pour les spectateurs des matches de football, carte obligatoire pour assister à tout match et susceptible d’être retirée en cas de délit (mais qui finalement ne sera pas mise en application).

Quelques années plus tard, le 15 avril 1989, la tragédie d’Hillsborough à Sheffield (96 morts, 766 blessés) a d’abord été attribuée au comportement des supporters de Liverpool avant que diverses enquêtes ne concluent que celle-ci avait été rendue possible par la vétusté des installations et la mauvaise gestion de la foule par la police. Elle a toutefois été utilisée par les autorités britanniques, sous la houlette de Margareth Thatcher, pour enfoncer le clou et poursuivre leur politique par la promulgation d’un arsenal législatif, dont une partie de type répressif, contre le développement de la violence.

Elles se sont appuyées sur le rapport commandé au Haut magistrat Peter Taylor qui visait à définir les causes de la tragédie et à établir des préconisations afin de renforcer la sécurité des événements sportifs et porter un coup d’arrêt au hooliganisme. Parmi les 76 recommandations contenues dans le rapport, la plupart visaient à mieux accueillir les supporters – et même à maintenir des prix de billets peu élevés – et à engager un vaste plan de plus d’un milliard de livres pour rénover les stades vétustes, qui offraient alors des conditions « lamentables » aux spectateurs (page 5), en particulier dans les tribunes populaires et qui étaient alors légion en Angleterre. 

En proposant de créer des infractions nouvelles contre la vente non autorisée de tickets, le lancement de projectiles, les chants, les comportements à caractère obscène ou raciste ou l’envahissement de l’aire de jeu, il préfigure le Football Offences Act de 1991. 

Mais il recommandait aussi, et cette mesure est devenue phare, d’équiper intégralement les stades de places assises (page 12). Son application a modifié considérablement les conditions d’accueil des foules sportives. Ainsi, dans les stades des clubs de première et deuxième divisions anglaises, les tribunes debout, les fameuses terraces, le cœur vibrant des supporters des milieux populaires, sont supprimées et remplacées par des gradins munis de sièges. Elle servira de prétexte à l’explosion du prix des places et à l’exclusion des supporters les plus pauvres des tribunes. En somme, la tragédie d’Hillsborough aura été le déclencheur d’une restructuration sécuritaire et libérale du football anglais.

Les drames des années 1980 sont dus à des mouvements de foule mal gérée ou mal contenue et à une surpopulation dans les tribunes. Aussi, pour les autorités, la réponse a consisté à limiter le nombre de places dans les stades pour les empêcher. Mais certaines ligues, comme l’Allemagne, ont fait le choix de préserver les places debout avec des configurations modulables selon la compétition.

La mesure mise en place en Angleterre a par ailleurs servi de modèle à l’échelle européenne, avec des traductions dans les textes du Conseil de l’Europe et dans les réglementations de l’UEFA. Cette dernière a ainsi imposé que lors des compétitions européennes, les stades soient désormais munis de « sièges coques individuels, fixés à la structure du stade ». En 1991, le Conseil de l’Europe et le Comité permanent de la Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives – en particulier à l’occasion des matchs de football – a recommandé que tout stade de plus de 10 000 places ne comporte plus de places debout.

Furiani : un tournant en France

En France, c’est le drame de Furiani, à Bastia, le 5 mai 1992 (18 morts et 2 357 blessés) qui est à l’origine de la loi Bredin du 13 juillet 1992. Celle-ci porte diverses dispositions relatives à la prévention et à la sécurité des manifestations sportives. Elle dispose que les stades doivent être équipés de places assises et que les tribunes debout sont interdites – sauf cas très particulier ; mais la loi n’interdit pas la station debout. Pourtant, les tribunes debout ne sont pas en cause dans le drame de Furiani et le projet de loi initial ne faisait pas référence à cette interdiction qui a été introduite par un amendement gouvernemental, pendant le débat parlementaire, témoignant d’une volonté de l’exécutif de durcir la réglementation en vigueur. 

Avec ces première mesures, les violences ont diminué, sans toutefois cessé. Les incidents entre des supporteurs du PSG et des CRS le 28 août 1993 au Parc des Princes ont ainsi été l’occasion de renforcer le dispositif répressif. La ministre des Sports, Michèle Alliot-Marie, publie le 6 décembre 1993 une loi relative à la sécurité des manifestations sportives. Dans son article 42-11, elle créée la peine complémentaire « d’interdiction de pénétrer dans une ou plusieurs enceintes où se déroule une manifestation sportive pour une durée qui ne peut excéder cinq ans ».

Aujourd’hui, l’article L.312-5 du code du sport dispose ainsi que « les enceintes destinées à recevoir des manifestations sportives ouvertes au public font l’objet d’une homologation ». En complément, l’article R.312-14 précise que « l’arrêté d’homologation fixe l’effectif maximal des spectateurs et sa répartition par tribune, fixe ou éventuellement provisoire, et hors tribune. Seules des places assises peuvent être prévues dans les tribunes, à l’exception de celles situées dans les enceintes affectées aux circuits de vitesse accueillant des compétitions ». En 1998, l’interdiction a été assouplie. L’article 1er de la loi 98-146 du 6 mars 1998 relative à la sécurité et à la promotion d’activités sportives, accorde en effet une dérogation aux « enceintes affectées aux circuits de vitesse accueillant des compétitions de véhicules terrestres à moteur ou de bateaux à moteur » (codifiée à l’article R. 312-14 du code du sport) – au motif que le déroulement même de ces compétitions amène les spectateurs à se déplacer et à changer de tribune. 

Actuellement, l’interdiction de places debout est notamment reprise par le règlement fédéral des terrains et installations sportives de la Fédération française de football. Ainsi, pour le secteur professionnel spécifiquement, l’article 4.1.2 du règlement fédéral dispose que pour les installations sportives de niveau 1 et 2 accueillant des compétitions professionnelles : « Conformément aux dispositions légales, et dès lors que les installations sportives concernées entrent dans le champ d’application de l’article L.312-5 du code du sport précité, seules les places assises individualisées sont autorisées en tribunes ».

Le football y a gagné en sécurité ce qu’il a perdu en ferveur et en diversité. Les places assises ont entraîné une hausse du prix des billets (pour payer le coût des travaux et contrebalancer une moindre capacité). « Les stades sont aujourd’hui à moitié vides, l’ambiance a disparu, au profit d’un calme plat, aseptisé, dépourvu de toute passion ». Aujourd’hui, on vient voir un match comme on assiste à un spectacle. Chassés des enceintes, les supporters ont été remplacés par un autre public plus fortuné, plus familial, plus « client » que « fan » et qui regarde silencieusement les joutes hebdomadaires, à la recherche des bénéfices externes du football. 

« Aucun kop ne chante assis » : le débat relancé des tribunes debout 

Les supporters, et en particulier les ultras. Les groupes « ultras » jouent un rôle socialisateur et remplissent une fonction d’intégration sociale auprès de leurs jeunes membres. Ils n’ont jamais accepté ce nouvel ordre des stades, perçu comme la dénégation de leurs efforts pour « ambiancer » un match et plus généralement comme un mépris de leur culture qui porte haut les couleurs de leur club. Ces dernières années, ils sont toutefois parvenus à faire entendre leur cause – l’expérience du stade vaut essentiellement pour son ambiance – et à regagner, çà et là, des bouts de territoire. Les « kops » existent encore et tentent tant bien que mal de résister aux politiques qui visent à les marginaliser – en témoigne une banderole des Magic Fans qui alertait récemment sur la « désultrasification » des tribunes. 

Dans les faits, il existe une forte tolérance sur la station debout dans les tribunes équipées de places assises, même quand le règlement intérieur du stade l’interdit comme au Parc des Princes. Actuellement, dans certaines tribunes, les supporters sont donc debout, ce qui pose des problèmes de sécurité car les tribunes ne sont pas conçues pour ça. Il y a un décalage entre l’équipement tel qu’il est pensé et son usage réel. Si certains veulent faire évoluer cette situation pour donner satisfaction aux supporters, d’autres voudraient au contraire faire disparaître complètement les supporters debout. Pourtant, en Autriche (Rapid de Vienne), en Écosse (Celtic Glasgow), aux Pays-Bas (Ajax Amsterdam), en Russie (CSKA Moscou), en Suède et en Bundesliga et récemment en France (Sochaux, Saint-Étienne), des sièges ont été démontés ou adaptés dans les tribunes et des « pelouses » et des « terraces » ont de nouveau vibré aux chants des ultras. 

L’Allemagne, le pays probablement le plus à l’écoute de ses supporters, n’a d’ailleurs jamais vraiment renoncé aux places debout. Elles y ont été aménagées et sécurisées, avec des sièges rétractables, pour s’adapter aux conditions modernes du spectacle en tribune tout en répondant aux normes UEFA lors des matchs européens. Au Signal Iduna Park à Dortmund (40 mètres de haut, inclinaison à 37 degrés), plus de 24 000 supporteurs se pressent pour soutenir le Borussia, ce qui en fait la plus grande tribune debout d’Europe.

En France, le club franc-comtois de Sochaux a décidé de suivre la même voie, à échelle réduite, en s’appuyant sur un dialogue avec les supporters initié dès 2005. Le stade Auguste-Bonal, où évolue le FC Sochaux, dispose ainsi d’un espace sécurisé de 600 places « debout », mais qui sont officiellement considérées comme assises. Pourtant, cette démarche est connue et d’ailleurs de plus en plus de groupes de supporteurs réclament ce type de dispositif et l’Association nationale des supporters a réalisé un document sur le sujet en novembre 2016.

La question des « tribunes debout » a été relancée dans l’Hexagone à la suite de l’effondrement d’une barrière au stade d’Amiens le 30 septembre 2017 (29 blessés, dont trois mineurs, âgés de 14 à 17 ans). D’autant que l’incident n’est pas un acte isolé. Le 25 septembre 2015, au stade Bollaert, à Lens, une barrière de sécurité de la tribune latérale Marek était tombée sous le poids de quelques dizaines de supporters lensois. Comme à Amiens, ces supporters effectuaient « une vague » vers le bas de la tribune pour fêter un but sang et or. Un mois plus tôt, au nouveau stade de Bordeaux, le portillon d’une barrière avait cédé sous la pression des supporters après un but girondin (5 blessés, dont deux mineurs de 12 et 14 ans). Un précédent incident similaire s’était déjà produit lors du match inaugural du stade bordelais le 23 mai 2015. Si les barrières se sont ouvertes « normalement » – évitant des accidents dans les tribunes du type Heysel ou Hillsborough –, il a fallu revoir le niveau de pression déclenchant l’ouverture de la grille. 

Dès lors, quelle solution adopter ? Pousser toujours plus loin dans le tout sécuritaire ? Nier que les ultras sont debout dans des tribunes équipées de places assises ? Répéter à l’envi que les ultras lillois n’auraient pas pu se lancer vers le bas de la tribune si celle-ci avait été équipée de véritables sièges ou admettre qu’ils n’auraient pas davantage pu le faire avec le concept de safe standing ?

Nous considérons qu’il faut aujourd’hui en finir avec l’idée selon laquelle le stade serait un outil d’orthopédie sociale destiné à la la rééducation des supporters. L’accident d’Amiens n’étant pas de portée strictement locale, il doit permettre de poser la question de l’adaptation des stades aux usages réels des supporters, « prendre acte que certains spectateurs suivent les matches debout et penser des stades sécurisés pour les accueillir plutôt que de vouloir adapter une pratique imposée par une architecture », comme le formule justement Nicolas Hourcade. Il est nécessaire d’engager un travail de fond : pourquoi les supporters occupent-ils ces espaces, comment les réfléchir avec eux ? Bref, tenir compte des usages, davantage que des normes architecturales ou des nomenclatures sécuritaires.

En avant pour les tribunes debout 

De Bordeaux à Strasbourg, de Lens à Ajaccio, les supporters les plus fervents continuent de suivre les rencontres de leurs clubs favoris debout et se maintiennent en équilibre sur des sièges peu adaptés à ce type de posture. Inadaptés, incapables de les y contraindre, les nouveaux stades sont donc moins sûrs qu’il n’y paraît.

Déjà, en Ligue 1, les dirigeants de Saint-Étienne ont déjà mis en place la solution la plus proche des tribunes debout sécurisées : en s’inspirant du modèle existant en Allemagne, ils ont adopté des sièges à dossier rétractable pour pouvoir s’adapter à la fois à la réglementation UEFA (le dossier est alors relevé) et à la réglementation française qui veut qu’en Ligue 1, il y a bien des places assises comme demandé par la loi, mais que le dossier du siège puisse être abaissé pour éviter les accidents. Des garde-corps sont en outre disposés en quinconce pour éviter les mouvements de foule. 

Ce n’est donc pas un hasard si une quinzaine de clubs français se sont déclarés favorables à l’expérimentation d’une tribune debout dans leur stade. D’autant que l’approche de la question évolue aussi en Europe. La Convention du Conseil de l’Europe sur une approche intégrée de la sécurité, de la sûreté et des services lors des matches de football et autres manifestations sportives adoptée le 3 juillet 2016 marque un changement dans l’approche de la gestion du supportérisme.

Réclamé depuis plusieurs mois par l’Association nationale des supporters, le sujet du retour des tribunes « debout » dans les stades de football a rebondi dès la semaine suivant l’incident d’Amiens-Lille au sein de l’Instance nationale du supportérisme (INS), qui incarne le dialogue social sur le supportérisme en mettant tous les acteurs autour de la table. Elle s’est saisie du dossier et a souhaité avancer sur les tribunes debout sécurisées. Avec un objectif : reconnaître que dans certains espaces les supporters sont debout et de sécuriser ces espaces pour éviter tant les incidents liés aux sièges que ceux liés à une tribune debout mal équipée. 

Ce processus aboutira à l’annonce par la ministre des Sports Laura Flessel du lancement d’une expérimentation en ce sens dès la saison sportive 2018-2019. Elle a toutefois posé ses conditions dans un communiqué en indiquant que « cette proposition ne devra pas permettre l’augmentation de la capacité des tribunes sélectionnées et (…) devra respecter toutes les normes de sécurité réglementaires ». Par ailleurs, il revient aux clubs de prendre en charge les frais d’aménagement de ses places debout en tribune. Pour rappel, la LFP a été très active sur ce dossier, se déclarant favorable à une expérimentation dès la saison 2018/2019, sous réserve que toutes les conditions de sécurité soient réunies, avec notamment la mise en place de dispositifs anti-déferlement. 

Quatre stades ont donc été choisis : Saint-Étienne, Lens, Sochaux et Amiens. Une expérimentation qui à terme ne se limitera pas qu’aux clubs de foot. Elle sera « ouverte à tous les clubs relevant des ligues professionnelles », précise le ministère des Sports dans un communiqué. D’ailleurs, une seconde vague d’admission à l’expérimentation sera lancée à l’automne 2018, s’il y a des volontaires.

Par ailleurs, au terme de la saison sportive 2018-2019, les clubs retenus pour l’expérimentation participeront, en collaboration avec l’INS (l’instance nationale du supportérisme), les services du ministère des Sports et les autorités préfectorales concernées, à l’évaluation de cette expérimentation, avant d’envisager les suites à donner à ce dispositif compte tenu des enseignements tirés au cours de la saison. Avec une question : quelle place pour les élus dans ce dispositif d’évaluation ? 

Pour Gwendal Rouillard, député LREM du Morbihan, l’enjeu est de taille : « Les droits TV de la Ligue 1 vont bientôt être renégociés et les enjeux sont tels qu’il est important d’avoir une réflexion globale sur l’avenir du football français. La question de l’avenir de nos stades doit donc se poser afin de pouvoir concilier sécurité, spectacle (et ?) attractivité ». Et d’ajouter, à l’instar de plusieurs de ses collègues, « plus on dynamisera l’ambiance dans les stades et plus notre championnat sera attractif ». Probablement. 

Nous nous retrouvons toutefois davantage dans la conclusion du livret en faveur des tribunes debout de l’ANS, qui résumait ainsi le défi en 2016 : « la réintroduction des tribunes debout favoriserait une plus grande ambiance dans les stades, permettrait la mise en vente de places moins onéreuses, limiterait les coûts d’entretien des tribunes et éviterait que des supporters ne se blessent en animant les stades dans des tribunes inadaptées ».

La réalité, c’est en effet que chaque semaine, la configuration inadaptée des tribunes provoquent des phénomènes de compression lors des « vagues » après un but et que de nombreux supporters se blessent. C’est donc d’abord cela qu’il faut arrêter.

La réintroduction des tribunes debout doit être aussi l’occasion de permettre la mise en vente de places moins onéreuses pour favoriser la fréquentation et l’accueil d’un public populaire, ce qui aura un impact sur l’ambiance dans les stades. Cette baisse du prix des places sera rendue possible par la limitation des coûts d’entretien des tribunes et de réparation des sièges qui font régulièrement l’objet de dégradations involontaires.

Il s’agira aussi d’en finir avec certaines situations absurdes vécues par des personnes en fauteuil. Au stade Pierre-Mauroy de Lille pendant l’Euro 2016, « tu pouvais voir 60 à 100 personnes en fauteuil roulant derrière la foule debout, parce que le stade a été pensé et construit pour des gens assis », observe Ronan Evain, qui dirige le réseau Football Supporters Europe.

Un premier pas 

Les tribunes debout sont l’occasion d’opérer une mutation dans la gestion des supporters. En France, comme en Angleterre, un modèle répressif obsolète domine qu’il faut faire évoluer dans le dialogue. 

Cette expérimentation n’est pas un solde de tout compte, mais une porte d’entrée qui doit permettre d’aborder les « sujets qui fâchent » : pourquoi interdire encore aujourd’hui les fumigènes dans les stades quand on les autorise dans les manifestations et même dans la campagne d’un célèbre équipementier ? Pourquoi autant de restrictions dans le déplacement des supporters quand des pays voisins les autorisent – ce qui pose la question de la formation des forces de l’ordre à la gestion des supporters lors de rendez-vous européens ou internationaux ? Pourquoi autant d’arrêtés d’interdictions de déplacement des citoyens dès lors qu’ils sont supporters ce qui constitue une entrave à leur mobilité ? Pourquoi les mesures qui frappent les supporters sont-elles le plus souvent collectives et non pas individuelles, pouvant remettre en cause la proportionnalité de la sanction ?

Les supporters sont des acteurs du football, il est temps de les considérer comme tels et d’inventer avec eux les contours d’un sport digne de la deuxième étoile ramenée de Russie en juillet dernier.

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