La France se réinterroge sur l’action publique, ses objectifs et ses modes d’organisation. Bien que toujours centralisée, elle est travaillée par une série de mutations profondes, tendant à recomposer les appartenances, à développer la participation dans de nouvelles gouvernances multi-niveaux et multi-acteurs.
Les évolutions législatives de l’organisation territoriale – instauration des métropoles, renforcement de l’intercommunalité, création des communes nouvelles, agrandissement et renforcement des régions, clarification des compétences – sont l’occasion d’approfondir les enjeux de territorialisation de l’action publique.
Lors de la Révolution française, la France a fait le choix d’un dispositif d’action publique territoriale reposant sur l’État, avec comme relais les communes et les départements. Cette organisation territoriale n’a pas bougé durant 190 ans. La décentralisation engagée en 1982 a ouvert une nouvelle période, transformant l’action publique, essentiellement en libérant, à côté de l’État, l’initiative locale.
Les territoires sont en recomposition accélérée sous les effets combinés du double mouvement de mondialisation et de recentrage sur le microsocial et le local ; de la dématérialisation et de la déterritorialisation croissantes de la connaissance et des références ; des conséquences de la crise, qui est à la fois financière, économique, sociale, environnementale.
Il faut d’abord démystifier une série d’affirmations présentées comme des évidences et comme des contraintes indépassables : la France serait la championne des dépenses publiques et il n’y aurait plus d’argent public disponible ; la France devrait copier le modèle allemand, plus efficace ; l’Europe nous obligerait à des réformes drastiques ; le « mille-feuille territorial » et en particulier l’existence de 36 000 communes. Autant de handicaps essentiels. Si chacune de ces affirmations repose sur des faits réels, il existe dans tous ces domaines de réelles marges de manœuvre pour les pouvoirs publics et l’action collective, qu’il convient de recenser et de valoriser.
Le cœur de la réflexion de Pierre Bauby se situe dans le passage du gouvernement à la gouvernance. La gouvernance est un mouvement à la fois descendant et ascendant, qui permet une dynamique « multi-niveaux » et « multi-acteurs ». En même temps, il s’agit de privilégier le temps long et de reconnaître la diversité comme composante essentielle de la nouvelle conception du territoire. Cela implique d’abandonner notre modèle unique actuel pour créer des régimes différents applicables à des situations différentes, au sein d’une temporalité longue. La loi MAPTAM va dans se sens en ce qu’elle crée un statut spécial pour les métropoles de Paris, Lyon et Marseille. Cette diversité ne doit pas pour autant être le facteur d’une concurrence entre les collectivités territoriales mais au contraire elle doit servir la coopération et ainsi mettre fin au cloisonnement des territoires. Les collectivités possèdent des atouts différents. Les conférences territoriales de loi MAPTAM devraient permettre de favoriser la coopération. La solidarité doit se renforcer à travers une réorganisation du système de péréquations, qui mériterait d’être simplifié, afin de promouvoir la cohésion économique, sociale et territoriale.
La démarche proposée par Pierre Bauby se caractérise par sa soutenabilité et sa durabilité ; il inclut les grands enjeux actuels que sont la maîtrise et la hiérarchisation des dépenses, les nouvelles technologies et l’environnement. De grandes interrogations subsistent comme celle concernant la suppression ou la limitation de la clause générale de compétence mais aussi la séparation des fonctions exécutives et législatives dans les collectivités. Enfin, il faut insister sur l’importance de la participation de tous les acteurs.
Les sentiments d’appartenance évoluent : si la commune définissait autrefois l’identité, on peut désormais évoquer une « multi-appartenance » qui comporte les grandes agglomérations, les régions, les pays et l’Europe. Nous devons approfondir le processus de démocratie participative afin de mettre fin à la défiance vis-à-vis du politique. Elle passe par l’information sur les choix publics, la consultation et la concertation, l’expérimentation et l’évaluation. Elle doit intégrer tous les acteurs, les agents publics, le personnel et les organisations syndicales et permettre de combiner démocratie représentative et démocratie participative.