Taxe carbone pour les ménages : l’Union européenne a-t-elle trouvé le bon format ?

Le Parlement européen a adopté plusieurs textes importants du Pacte vert pour accélérer la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Parmi les mesures annoncées pour 2026, l’extension des quotas d’émission de carbone aux ménages à travers le transport routier et le chauffage domestique. Théo Verdier, co-directeur de l’Observatoire Europe de la Fondation, décrypte les enjeux autour de cette nouvelle forme de taxe carbone.

Quatre ans après les « gilets jaunes », mouvement de colère né d’une taxation dite verte du carburant, la France peut voir d’un œil prudent la mise en place du dispositif. D’autant plus en période de forte inflation. Les députés français de gauche se sont ainsi majoritairement abstenus ou ont voté contre le texte, rompant pour les écologistes et socialistes avec le positionnement du reste de leurs groupes politiques.

Un financement direct de mesures sociales

Le dispositif européen s’inscrit dans un mouvement de réforme globale visant à augmenter le prix du carbone à l’échelle européenne. Et ce, tout en respectant une certaine équité vis-à-vis des différents acteurs économiques. Une donnée clé quand on sait que l’équité perçue des mesures de transition contribue pleinement à leur acceptation146% des Français se déclarent prêts à des changements importants dans leurs modes de vie à condition qu’ils soient partagés de façon juste entre tous les membres de la société. Voir dans « Représentations sociales du changement climatique : 23e vague du baromètre », OpinionWay pour l’Ademe, octobre 2022.. Ainsi, le Parlement européen a donné son accord à la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, permettant d’aligner les exigences climatiques pesant sur les entreprises européennes aux matières premières puis aux biens manufacturés importés dans l’Union. Les quotas gratuits d’émissions ou les permis de polluer du transport aérien sont également supprimés ou réduits progressivement.

Les recettes émises par l’extension du marché carbone sont allouées à un nouveau fonds social sur le climat. Estimé à un maximum de 86 milliards d’euros, ce mécanisme est voué à amortir les hausses de prix sur les factures de carburant et de chauffage des ménages. Cette somme suffira-t-elle ? Comment sera-t-elle distribuée ? Ces questions sont entre les mains des vingt-sept États membres qui seront chargés de la distribuer. Le projet propose toutefois dès sa conception un matelas pour amortir le choc financier de sa mise en place. De plus, il bénéficie d’une cohérence interne qui le différencie de la taxe carbone française de 2018. Cette dernière avait pour défaut d’alimenter directement le budget de l’État sans afficher un lien direct entre sa collecte et le financement de la transition écologique.

La longue marche des politiques européennes

Toutefois, les mesures européennes posent une question de visibilité et de calendrier pour être pleinement comprises et acceptées. La France a un problème avec l’information sur l’actualité de l’Union européenne. Seuls 3% du temps d’antenne des principaux journaux télévisés et radios traitent le sujet2Rémy Broc, Rémi Lauwerier, Théo Verdier, « Renforcer l’information des Français sur l’Union européenne : le défi du cycle européen 2019-2024 », Fondation Jean-Jaurès, décembre 2019. ces données ont été confirmées en 2021 à travers un second rapport de la Fondation Jean-Jaurès.. Et le vote du Parlement européen n’a pas fait exception. À titre d’exemple, ni le JT de TF1 ni celui de France 2 n’ont évoqué le sujet le jour J. Il est donc probable que cette politique au long cours, avec une décision prise en 2023 pour de nouvelles charges reposant à long terme sur les entreprises et les ménages, ne soit pas mise à l’agenda du débat public français. Et il sera difficile d’amender ou de reporter leur mise en place lorsqu’elles entreront progressivement en vigueur entre 2026 et 2034.

Comme sur de nombreux sujets européens, les Français apprendront et débattront d’une politique publique européenne en ayant l’impression qu’elle est déjà complètement verrouillée. Alors même que la France a contribué à son adoption à des degrés divers via ses représentants au Conseil européen, au Conseil de l’UE – où sont représentés les ministres – et au Parlement européen. On peut citer de nombreux cas similaires dans les vingt dernières années, comme la privatisation du rail, les limitations dans l’usage de pesticides ou encore, sur un sujet très concret, la mise en place d’un contrôle technique sur les deux-roues motorisées.

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