Les interventions militaires récentes ont mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements dans le soutien des forces armées, fonctions peu visibles mais essentielles. Dans un contexte budgétaire difficile, il est possible d’améliorer l’efficacité de notre outil de défense. Cette note propose quelques pistes.
Les interventions militaires récentes de l’armée française ont mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements, qu’il s’agisse du matériel, de la logistique ou de l’entraînement. Ces dysfonctionnements au cœur même des « fonctions de soutien » à la défense ont des conséquences cruciales : perte d’efficacité de « l’outil de défense », conséquences quant à la réussite des opérations, poids important sur les budgets militaires…
En outre, de par la conjoncture économique actuelle et l’enjeu de la réduction des déficits publics, le maintien en condition opérationnelle de notre système de défense pourrait être sacrifié alors qu’une utilisation plus efficace et plus rationnelle des ressources existantes apporterait les réponses attendues.
Bien que souhaitables, les gains qui pourraient émaner d’une coopération européenne renforcée en matière de défense ne seront pas pour demain, tant pour le fonctionnement que pour l’industrie. C’est donc du côté des moyens déjà existants et disponibles au sein du ministère de la Défense (et dans l’industrie) qu’il convient de trouver des leviers d’action pour améliorer l’efficacité des systèmes de soutien. Deux objectifs : réduire le coût global de possession des équipements militaires et rendre plus productif l’argent injecté dans la fonction « soutien ». Les réformes incessantes dont est victime la Défense ont mis à mal la bonne gestion et la bonne direction des projets innovants. C’est tout l’enjeu d’une réforme efficace, pérenne et innovante.
Après un audit complet de la situation actuelle, trois projets pourront être lancés assez rapidement : des travaux de révision du livre blanc, une nouvelle programmation des équipements militaires, et un audit des grandes fonctions de soutien.
L’autre enjeu crucial des « fonctions de soutien » aux forces armées repose en outre sur la maîtrise des dépenses militaires, apparaissant comme une opération intrinsèquement difficile. Représentant environ 10 % des crédits de fonctionnement de l’Etat, le ministère de la Défense constitue un enjeu de taille pour la dépense publique. Cependant, bien que l’effort budgétaire en matière de défense ait connu de profondes transformations ces dix dernières années (baisse de 30 % sur la période 1982-2012, stagnation depuis dix ans), le budget des équipements et les dépenses de fonctionnement sont identiques à ceux votés en 1980 (en pleine Guerre Froide), et ce malgré une réduction des effectifs et des parcs matériels due au nouveau format de l’armée. Il est en effet difficile de stabiliser les coûts liés notamment à la professionnalisation des armées.
En outre, le maintien en bonne condition des matériels coûte de plus en plus cher, tandis que le dispositif de contrôle des coûts est défaillant et qu’une absence d’économie et d’efficacité est relevée après l’instauration des nouvelles bases de défense. De plus, les systèmes de formation sont en déficit chronique de formateurs, de modernité et d’investissement, et la mise en œuvre des partenariats public-privé semble encore balbutiante.
Les multiples restructurations ont de fait entraîné une absence de visibilité quant à la conduite des programmes d’armement. Le ministère de la Défense a perdu de son autonomie dans la prise de décision (direction de projet confiée au secteur privé) tandis que les armées et la Direction générale de l’armement (DGA) peinent à s’entendre.
Pour ce qui est de l’industrie, comme rappelé plus haut, le manque d’harmonisation à l’échelle européenne empêche une rationalisation de la production. Le coût du maintien en bon état des matériels demeure important, tandis que les besoins de l’armée française ne cessent de grandir et d’évoluer.
C’est avant tout l’absence d’un quelconque débat qui empêche une refondation en profondeur de cette fonction de soutien, faisant apparaître un constat problématique : l’écart est de plus en plus grand entre les ambitions capacitaires du Livre blanc et la réalité.
Plusieurs propositions pourraient être étudiées pour réaliser des projets concrets et mobilisateurs : redéfinir les fonctions des bases de défense, réformer la formation, revenir sur l’entretien programmé des équipements… Une structure ministérielle animerait et piloterait ces différents projets. Cette structure devrait effectuer un bilan de l’efficacité du dispositif de soutien, déterminer un nombre de projets exemplaires au cours d’une mandature (et y associer les moyens nécessaires pour une mise en œuvre pérenne) puis mettre en place une nouvelle organisation qui permettrait l’autonomie dans la conduite de projets puis le passage vers des coopérations renforcées à l’échelle européenne.
Bien évidemment, cette structure ministérielle se devra d’établir un dialogue nécessaire avec les instances représentatives du personnel afin de partager les diagnostics et les priorités. Sur la base des travaux du Livre blanc, cette structure devrait s’intégrer au sein de la Loi de finances 2014 et s’inscrire dans la Loi de programmation militaire 2014-2020.
Ainsi, pour ne pas sacrifier les dépenses militaires et revoir apparaître une nouvelle fois la question de l’opportunité des dépenses militaires en pleine crise des dettes publiques, le nouveau président de la République, également nouveau chef des armées, et son gouvernement n’auront pas beaucoup de temps pour diagnostiquer les problèmes. Mais il est certain que la mise en œuvre d’un audit complet permettra d’insuffler des projets concrets et mobilisateurs, nécessaires à l’efficacité de notre politique de défense et à la bonne marche de notre armée sur les théâtres mondiaux.