Le Rwanda de l’après-génocide peine à trouver les modalités de la réconciliation. En témoigne le sort réservé à Victoire Ingabire, présidente hutue des FDU-Inkingi, condamnée en octobre dernier à huit ans de prison au terme d’un procès politique et inéquitable.
Synthèse :
Au mois d’octobre dernier, Victoire Ingabire, présidente hutue des FDU-Inkingi (Forces démocratiques unifiées), était condamnée à huit ans de prison pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et négation du génocide des Rwandais tutsis en 1994. Rentrée au Rwanda au début 2010 dans l’objectif de se porter candidate contre le président Paul Kagame, elle est arrêtée au mois d’octobre suivant. Son procès, marqué par son caractère à la fois politique et inéquitable, est emblématique de la nature profonde du régime.
Le régime rwandais s’est doté, depuis son accession au pouvoir en 1994, d’un arsenal législatif censé lui permettre d’empêcher un retour de la violence en le mettant en capacité de sanctionner toute incitation à la discrimination et à la haine « ethnique ». La définition juridique de ces crimes est tellement vague, imprécise, voire ambiguë, que toute critique de l’action gouvernementale est susceptible de tomber sous le coup de cette législation. De même, une caste de dignitaires tutsis, proche du président, monopolise le pouvoir politique et économique du pays. Ces différents éléments apparentent le Rwanda davantage à une démocratie de façade au bénéfice d’une certaine élite tutsie et de son parti-Etat, le FPR (Front patriotique rwandais).
Parmi les chefs d’accusation à l’encontre de Victoire Ingabire, figuraient notamment la propagation de l’idéologie du génocide, une « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et la « propagation de rumeurs » visant à inciter la population à se soulever contre l’Etat. De telles charges s’avèrent néanmoins peu vraisemblables, Victoire Ingabire reconnaissant sans ambiguïté le génocide dont ont été principalement victimes les Tutsis. L’ensemble de son discours semble au contraire être un appel constant à un changement politique pacifique, de même veut-elle s’inscrire dans une démarche politique de réconciliation entre Rwandais.
Victoire Ingabire était accusée d’avoir collaboré avec des rebelles hutus exilés des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). Il n’existe cependant aucune preuve tangible d’un tel projet. L’accusation et le jugement rendu sont ainsi principalement fondés sur le témoignage d’anciens membres des FDLR, détenus et soumis à d’intenses pressions.
Victoire Ingabire n’aura pas eu de procès équitable. Le système judiciaire rwandais reste une institution dépendante du pouvoir et les ingérences de l’exécutif n’ont pas manqué. Six mois avant le verdict de la Cour, Victoire Ingabire annonçait qu’elle ne participerait plus aux audiences à venir.
Le cas de Victoire Ingabire suscite un double sentiment. Admiration d’abord car, sachant ce qu’elle risquait, Victoire Ingabire quitte pourtant enfants et famille pour servir la cause à laquelle elle croit et celle de son pays. Inquiétude ensuite, concernant l’avenir du Rwanda. Les hutus, la part la plus nombreuse de la population, sont amenés à se considérer comme marginalisés. De même, l’absence d’une réelle opposition démocratique peut ouvrir la voie à de possibles violentes confrontations. En cas de mécontentement combiné à des événements difficilement maîtrisables par le pouvoir, la situation pourrait facilement s’envenimer.