Repenser notre fiscalité. Manifeste pour une imposition plus simple et plus équitable

L’intérêt des Français pour les questions fiscales n’aurait-il d’égal que leur ignorance en la matière ? Brice Gaillard, docteur en science politique, cherche à déterminer dans ce rapport les leviers à actionner pour remettre à plat un système dépassé, injuste et générant beaucoup de travers. Il plaide pour une profonde transformation de l’impôt, condition sine qua non de sa réhabilitation de comme acte citoyen.

PRÉFACE
Patrick Kanner

Alors que « l’esprit français tend à se défier et à s’écarter de toute conception qui ne lui laisse pas espérer qu’elle se réduira finalement à une formule nette et sans équivoque », la complexité et la diversité des questions qui se jouent en matière de fiscalité contraignent le contribuable à se contenter de la satisfaction esthétique que procure la contemplation des arabesques de Gaudi. La systématisation et l’agencement cadencé des idées se heurtent aux principes et aux exceptions, à la multiplication des niches fiscales, des taxes, des cotisations et des impôts. On parcourt nos régimes fiscaux comme on arpente les chemins ruraux de notre pays. Leur richesse peut susciter la curiosité et la fascination mais la complexité de leur tracé et la multiplicité des embranchements sont source de suspicion pour les contribuables.

Notre fiscalité n’est pas seulement devenue illisible, son efficacité est aussi remise en question. À quoi servent les 1000 milliards de prélèvements obligatoires annuels ? Comment garantir aux citoyens la bonne utilisation des deniers publics ? Comment s’assurer que les services et prestations dont bénéficie le citoyen sont à la hauteur de leur contribution publique ? Le délitement du consentement à l’impôt mine la légitimité républicaine de l’intervention publique, en particulier la légitimité des services publics et la nécessité de se donner collectivement les moyens de les financer. C’est pourquoi l’État doit combattre les idées reçues sur son action et mettre en valeur nos services publics. Cessons la fuite en avant qui consiste à promettre moins d’impôts. Il faut tenir un discours unique plutôt que multiplier les exceptions. Réduire l’impôt à une charge dans un bilan comptable appauvrit un discours politique qui peine à afficher d’autres objectifs que le retour de la croissance ou la réduction des dépenses publiques. Faut-il seulement qu’une pandémie s’abatte sur nous pour que les Français mesurent l’importance de nos services, biens et agents publics ?

La justice fiscale, condition sine qua non de l’acceptabilité de l’impôt est également battue en brèche. L’impôt sur le revenu, impôt progressif, ne représente que 70 milliards d’euros dans le budget de l’État quand les impôts proportionnels que sont la TVA et la TICPE atteignent le double. Une contradiction majeure accentuée par la hausse des impôts à la consommation, qui pèsent de plus en plus fortement sur les personnes de condition modeste. Et comme si cela ne suffisait pas, Emmanuel Macron a débuté son mandat en imposant des mesures fiscales iniques au profit des plus riches, avec la suppression de l’impôt sur la fortune au profit d’un impôt sur la fortune immobilière qui peine à démontrer son efficacité et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (« flat tax ») de 30% pour les revenus du capital, qui sont soustraits à l’impôt progressif.

Ce faisant, le gouvernement alimente, bien au-delà du camp des ultra-libéraux convaincus des vertus d’une puissance publique minimale, les discours variés des opposants à l’impôt. La thématique du « ras-le-bol fiscal » fédère aujourd’hui des intérêts totalement antagonistes. Cette vague de mécontentement joue en faveur des détracteurs du modèle social français et de son financement tenu pour principal responsable des difficultés économiques de la France.

La réhabilitation de l’impôt comme acte citoyen passera par sa profonde transformation. Moyen de financement et d’amélioration des services publics, outil de correction des inégalités, l’impôt doit retrouver son sens citoyen pour garantir notre système providentiel. L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est en ce sens d’une redoutable modernité.

Je remercie Brice Gaillard d’esquisser quelques réflexions en faveur d’une imposition plus simple et équitable, qui contribueront, je l’espère, à réhabiliter l’impôt.

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

Préface, par Patrick Kanner

Introduction

Trop d’impôts en France ?

Quel niveau de fiscalité pour quelle action publique ?

Percevoir et/ou redistribuer ?

L’impact des dépenses fiscales : un impôt réellement universel ?

Redevance, taxe, impôt : quel modèle de recettes ?

L’imposition des revenus et consommation : un ensemble disparate, mais calibré et globalement anti-redistributif et insuffisamment incitatif

La nécessité d’une fiscalité du patrimoine plus adaptée aux nouvelles réalités économiques et répondant au creusement des inégalités

Une fiscalité économique et des prélèvements sur les entreprises critiques et inadaptés aux enjeux du XXIe siècle

Conclusion

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