Pour lutter contre les inégalités de santé et faire face aux véritables lames de fond qui traversent notre système de santé, avec notamment la transformation du rôle des complémentaires, les auteurs proposent, pour Cartes sur table, un nouveau partage du risque dans la couverture santé des Français.
Les Français s’intéressent à la santé. Ils la considèrent comme un élément central du pacte social républicain et le rappellent régulièrement dans les sondages d’opinion. Pourtant, le débat public sur la santé se focalise le plus souvent, soit sur la maîtrise des dépenses (le fameux « trou de la sécu »), soit sur l’enjeu de l’accès aux soins (notamment dans son acception territoriale).
La véritable problématique nous semble être celle de la couverture santé : quel partage du risque entre l’assurance maladie et les organismes privés ? Quel rôle pour ces organismes dans le système ?
Plusieurs mutations sont à l’œuvre :
– les dépenses des soins en affections de longue durée (ALD), remboursées à 100 %, augmentent continuellement, tandis que les soins courants sont de moins en moins bien remboursés ;
– le rôle des organismes complémentaires dans le système est en mutation constante sous les effets conjugués d’une concurrence accrue, de l’application du droit européen, et de la contrainte grandissante sur la dépense publique ;
– la part de la dépense de santé remboursée par l’assurance-maladie reste stable, mais celle remboursée par les complémentaires augmente.
Deux mouvements accompagnent ces mutations :
– des réformes aux conséquences incertaines : création de la CMU complémentaire, généralisation de la complémentaire pour les salariés, etc. ;
– des évolutions spontanées : hausse du reste à charge et du prix des contrats pour les retraités, développement du conventionnement entre les organismes complémentaires et les offreurs de soin (réseaux de soins), retour en grâce des mutuelles locales, etc.
Dans ce contexte, le politique doit redonner du sens et proposer une vision claire. Nous faisons le pari d’une extension de la couverture santé tout en tenant compte des contraintes, notamment économiques. Ce choix induit un équilibre nécessaire entre les solutions qui peuvent être apportées par la puissance publique et par le secteur privé. Nos propositions visent d’abord à réduire le reste à charge des Français et à lutter plus efficacement contre les inégalités de santé.
Pour cela, nous proposons :
– le vote par le Parlement d’un taux de remboursement par l’assurance-maladie de l’ensemble des dépenses de santé, en complément du vote sur l’objectif de dépenses (ONDAM) ;
– la gratuité des soins pour les mineurs afin de s’attaquer aux inégalités de santé à la racine ;
– la création d’une complémentaire publique (où chacun contribuerait selon ses moyens) qui remplacerait l’ensemble des dispositifs existants pour permettre à tous de disposer d’une complémentaire de qualité et éviter les ruptures dans la couverture santé (retraite, chômage, changement d’emploi) ;
– la reconnaissance d’un rôle des complémentaires dans la prévention et la gestion du capital-santé de leurs affiliés, notamment par le développement des réseaux de soins.