Appeler à un retrait d’Afghanistan ne suffit pas. Il faut créer les conditions d’un véritable règlement de la crise, en confrontant les motivations et les intérêts de l’ensemble des acteurs du drame afghan. Ce doit être le but de la France, et celui d’un(e) futur(e) président(e) de gauche.
Le programme adopté par le Parti Socialiste est clair : nos forces militaires n’ont plus rien à faire en Afghanistan. Mais la France, qui a soutenu l’intervention ayant permis de chasser de Kaboul le gouvernement taliban et de neutraliser Ben Laden, ne peut se contenter d’un simple retrait unilatéral. Organiser à Paris une conférence de tous les acteurs du drame afghan, dont beaucoup souhaitent aujourd’hui la fin, permettrait de sortir de l’enlisement. Ce pourrait être le premier acte international d’un président de gauche élu en 2012.
Si l’on identifie facilement les acteurs de terrain – le « camp de la démocratie », les talibans, le Pakistan –, ceux-ci paraissent avoir des objectifs différents. Le président Karzaï veut garder le pouvoir, mais la coalition anti-talibans actuelle, majoritaire, se veut seule détentrice d’un projet politique pour le pays. Les talibans, unis par la conception d’un Etat islamique et par le rejet de toute présence étrangère, sont la principale inconnue du tableau. Le Pakistan, lui, a une obsession : préserver ses frontières.
Les acteurs de la périphérie semblent aussi divisés. L’Inde craint les attentats de groupes intégristes musulmans et est tenté régulièrement de « faire pression » sur le Pakistan via Kaboul. L’Iran, pays majoritairement chiite, désire retrouver une reconnaissance et un rôle à la mesure de son passé ; en accroissant son rôle en Irak et chez les Hazaras afghans, également chiites, il tente d’élargir sa zone d’influence. Pour l’Arabie saoudite, focalisée sur le contrôle du pétrole, un régime taliban à Kaboul cumule bien des avantages : il ferait avancer l’encerclement sunnite de l’Iran, avec, qui plus est, des intégristes wahhabites.
Du côté des grandes puissances, les Etats-Unis veulent mettre fin autrement que par une déroute à une guerre devenue impopulaire, trop couteuse et de plus en plus manifestement ingagnable. La Chine poursuit ses objectifs de renaissance impériale ; son intérêt pour l’Afghanistan est limité mais son intérêt pour le Pakistan considérable. Enfin, vue de Russie, la question islamique est très sérieuse, à cause de la situation caucasienne mais aussi au regard de l’évolution des républiques musulmanes de la CEI.
Tous les intérêts divergent, mais il n’est pas impossible de définir les concessions mutuelles qui donneraient ses chances à la Conférence de Paris. La stabilisation du Pakistan, sans l’accord duquel toute combinaison à Kaboul peut être remise en cause, est fondamentale ; elle passe par la reconnaissance et la garantie des frontières, l’engagement d’une négociation sur un traité de non-agression avec l’Inde ou encore la fin de toute aide aux talibans. En ce qui concerne l’Afghanistan, les éléments d’un accord pourraient être les suivants : l’engagement des talibans à respecter la Constitution afghane actuelle ; une décentralisation administrative du pays, voire une forme de fédéralisme et, évidemment, la reconnaissance par tous des frontières actuelles du pays. Enfin, le maintien pour une longue durée de forces d’observation des Nations unies, chargées de s’assurer de la bonne mise en œuvre des accords, sera nécessaire.