Quelles stratégies pour une mondialisation des territoires en commun ?

Dans un contexte de remises en cause multiples du système néolibéral, Hervé Defalvard, maître de conférences en économie et responsable de la chaire ESS-UGE, montre dans cette note pour l’Observatoire de l’expérimentation et l’innovation locales de la Fondation Jean-Jaurès que les territoires sont les nouveaux lieux de la conflictualité sociale et des alternatives. Et c’est à partir de l’économie sociale et solidaire que les communs pourront être repensés en articulant local et mondial et que l’écologie politique pourra être portée.

L’année 2023 vue de France renforce le constat que notre époque vit une crise d’hégémonie de son système dominant néolibéral caractérisé par la mise en concurrence mondiale du travail et du capital via une financiarisation de l’économie au service de laquelle se sont mis, depuis près de cinquante ans, les États et autres institutions publiques. Le mouvement de contestation du recul de l’âge du départ à la retraite à soixante-quatre ans, les manifestations contre les projets écocides des méga-bassines ou de l’A69, les émeutes dans nos quartiers populaires sont autant de signes d’une mondialisation néolibérale à bout de souffle. Celle-ci nous invite et nous oblige à concevoir une société alternative à l’échelle mondiale dont nous faisons l’hypothèse dans cette note qu’elle passe par la mondialisation de territoires en commun.

Notre emprunt aux réflexions de Gramsci pour penser la perspective de la nouvelle société du commun se double de son actualisation qui, pour aller vite, nous fait passer de l’usine aux territoires car ceux-ci sont devenus les nouveaux lieux de la conflictualité sociale et des alternatives. Nous proposons de dessiner, depuis notre position d’intellectuel organique, l’horizon de la société du commun à partir des expériences de l’économie sociale et solidaire lorsqu’elles prennent sur les territoires la forme des communs dont Elinor Ostrom1Elinor Ostrom, Governing the Commons. The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge, Cambridge University Press, 1990., prix Nobel d’économie en 2009, a mis en évidence les conditions sous lesquelles ces derniers constituent un mode d’allocation des ressources efficace et alternatif au marché comme à l’État. Toutefois, afin de sortir de leurs limites actuelles, ces communs sociaux doivent évoluer vers une structure à la fois plus intégrale et plus translocale en intégrant la plupart de nos rapports sociaux et en articulant leur échelle locale à des échelles extra-locales, y compris mondiale, afin de composer des territoires en commun. Pour nous rapprocher de cet horizon, des stratégies de la puissance sont à mettre en œuvre qui reviennent à des formes d’encerclement de la grande entreprise et de l’État afin de les désatelliser de leur orbite néolibérale pour mieux les orienter vers la logique de la plus-value de vie dont les territoires en commun sont porteurs. 

Pour une écologie politique des territoires

Au moment où le bloc historique néolibéral est remis en cause sous la prise de conscience croissante de ses dysfonctionnements, la question de la conception d’un bloc contre-hégémonique se pose à nouveaux frais. Concept emprunté à Gramsci, un bloc dominant se construit dans le cours de l’histoire en associant les trois volets qui le composent : l’infrastructure où se produisent et s’échangent les biens et les services, la société civile où se produisent et se diffusent les idées et les représentations, la société politique où se produisent et s’imposent les droits et les lois.

À l’inverse d’une certaine tradition marxiste posant la surdétermination de l’infrastructure, Gramsci attribue un rôle important à la société civile et aux intellectuels auxquels reviennent d’élaborer une conception claire et cohérente de la société alternative à même d’offrir aux alternatives dispersées et marginales la possibilité de se réunir autour d’un front commun. Un tel projet requiert aujourd’hui une actualisation de la pensée de Gramsci. Alors qu’à l’époque de la révolution bolchévique et du fordisme, l’usine pour Gramsci est le lieu à la fois de la conflictualité sociale et de l’émergence du sujet politique révolutionnaire avec la classe ouvrière, un siècle après, les territoires ont remplacé l’usine dans cette double fonction.

En effet, les territoires sont devenus le lieu d’une conflictualité sociale aux multiples visages. Luttes victorieuses à Roybon dans l’Isère contre le projet d’un Central Park2Voir « Contre les Center Parcs “qui veulent remplacer la nature” les opposants se regroupent », Reporterre.net, 21 octobre 2020. ou encore contre l’installation de l’entrepôt Amazon de Grand-Lieu en Loire-Atlantique3« En Loire-Atlantique, Amazon recule face à une lutte pugnace », Reporterre.net, 31 mai 2021., lutte en cours contre l’éco-quartier de Suez à la place du bois Lumière à Noisy-le-Grand4« Réaménagement du bois Lumière à Noisy-le-Grand : les opposants rebouchent les trous de la future clôture », Le Parisien, 30 août 2023. : ces exemples révèlent la nouvelle centralité de l’écologie dans les conflits sociaux. Mais celle-ci n’efface pas la centralité du travail dans d’autres conflits où elle se relie désormais aux territoires de vie. On pense bien sûr aux fameux ronds-points investis par les « gilets jaunes » comme le lieu symbolique et réel de leurs luttes. Cette coloration des luttes sociales par le territoire s’impose jusqu’à l’usine. Les luttes des Fralib à Gémenos ou des Jeannettes à Caen en furent une illustration5Hervé Defalvard, « L’entreprise comme commun de territoire », dans Nicole Alix et al.Vers une République des biens communs, Paris, Les Liens qui libèrent, 2018.. Dans les deux cas, un collectif de salariés a lutté victorieusement contre la fermeture de leur usine, promise à la délocalisation pour le site Unilever de Gémenos et à la liquidation pour la biscuiterie Jeannette, n’hésitant pas à franchir le pas de la désobéissance civile afin de sauver leur outil de production devenu une affaire de territoire. Même les cortèges contre la réforme des retraites ont montré leur attachement à leurs territoires en se détournant des grandes messes nationales. Et, pour finir, les émeutes dans nos quartiers populaires en réaction à la mort de Nahel suite à son refus d’obtempérer ont mis en avant d’autres ingrédients des luttes sociales. En allant en Amérique du Sud, on y découvre que les luttes éco-féministes se sont également reliées aux territoires, comme l’indique leur slogan « Mon corps, mon territoire ». Berta Cáceres, militante hondurienne, fut l’une des figures de proue de ces mouvements qu’elle paya au prix de sa vie, assassinée par des tueurs à gage servant les intérêts d’une multinationale construisant des barrages et qui furent les seuls à être condamnés pour ce crime.

De l’usine aux territoires, le travail perd non pas sa centralité mais le monopole de celle-ci qu’il partage désormais avec d’autres centralités car les luttes se rattachent à des territoires vécus. L’universalisme que chaque territoire en commun porte est un universalisme concret et non aligné.

De ces luttes, émerge un nouveau sujet collectif et politique porteur des alternatives. Le fameux « Nous sommes la nature qui se défend » des résidents de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes exprime que ce sujet associe humains et autres qu’humains. Il est intersectionnel au sens où le nouvel espace social qu’il construit a pour visée l’émancipation pour toutes et tous afin de sortir de toutes les oppressions. Ceci oblige à une nouvelle révision de la tradition marxiste qui concerne son concept d’infrastructure : celle-ci n’est plus limitée aux seuls rapports de production et d’échange des biens et services (l’économie) car ces derniers sur ces territoires font l’objet d’un double encastrement : d’abord dans les rapports de reproduction sociale (la société) qui sont les lieux des luttes féministes qui sont eux-mêmes pris dans les rapports d’engendrement de la vie (l’habitabilité), lieux des luttes écologiques. Alors que l’infrastructure définie à partir de l’usine et du marché avait pour boussole l’économie politique, celle associée aux territoires en commun est orientée par l’écologie politique et ses rapports éco-sociaux où « éco » désigne à la fois leur dimension écologique du haut et leur dimension économique du bas. 

Recevez chaque semaine toutes nos analyses dans votre boîte mail

Abonnez-vous

Les territoires en commun de l’économie sociale et solidaire

Dans la tradition d’Elinor Ostrom, les communs correspondent à un mode spécifique d’allocation des ressources qui met en scène, à la place du marché ou de l’État, une communauté dont trois attributs organisent le « commoning » (le faire-commun) : 

1/ la production ou mise en commun d’une ressource ; 

2/ la gestion de son accès ou usage durable par ses membres par un système de droits dans lequel le droit d’usage devient prioritaire ; 

3/ l’autogouvernement de ses règles et de ses sanctions en cas de non-respect des règles et droits. Cette tradition s’est d’abord attachée aux communs de ressources naturelles telle l’eau avec les systèmes d’irrigation en commun ou encore les forêts, les pâturages.

La rencontre entre les communs ainsi définis et l’économie sociale et solidaire (ESS) a eu comme première conséquence d’élargir la définition des communs. En effet, sur un plan historique, l’ESS dès le XIXe siècle développe des communs : les sociétés de secours mutuels organisent la mise en commun d’une épargne pour l’accès à des assurances sociales pour leurs membres ; les coopératives, qu’elles soient bancaires ou viticoles par exemple, sont également une mise et une transformation en commun de ressources pour un usage durable du crédit ou de la vigne. 

En s’appliquant, au-delà des ressources naturelles, à toutes les ressources sociales, la santé, le crédit, l’emploi, la mobilité etc., les communs ont été récemment redéfinis comme des communs sociaux avec l’ajout de deux autres attributs pour la communauté qui les gère : 

4/ la démocratie avec l’égalité de voix entre celles et ceux qui participent au « commoning » que Jacques Rancière appelle « le gouvernement de l’immanence »6Jacques Rancière, Penser l’émancipationDialogue avec Aliocha WaldLasowski, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2022. ; 

5/ l’universalisme des droits d’accès ou d’usage que l’on retrouve présent dans la définition des « biens communs » par la commission Rodotà en Italie qui les associe à des droits fondamentaux7La « commission Rodotà » a rendu en 2010 un rapport sur la « modification du Code civil en matière de biens publics » qui a tenté de judiciariser la notion de biens communs en Italie suite à des mouvements sociaux sur la question de l’eau par exemple, avec pour enjeu de refonder la démocratie représentative et l’État de droit..  

Cette rencontre entre les communs et l’ESS a également eu des conséquences pour cette dernière. En effet, les communs exercent sur l’ESS, comme l’a exprimé Christian Laval, « un effet de miroir anti-lacanien »8Communication aux Rencontres du RIUESS en mai 2016 à Montpellier (non publiée). : dans le miroir des communs, l’ESS ne découvre pas son unité mais ses divisions. Alors que l’ESS dans sa représentation courante se définit comme un ensemble d’organisations dont le périmètre varie quelque peu autour de leurs statuts historiques (coopérative, mutuelle et association), le prisme des communs oblige à l’aborder comme un mode d’allocation des ressources, autrement dit en tant qu’économie. Ce faisant, elle perd son unité car on découvre alors que ses organisations participent à différentes économies de sorte que l’on va distinguer trois familles d’ESS. D’abord l’ESS financiarisée, dont les organisations exercent leurs activités en lien étroit avec les marchés financiers : cela concerne les banques coopératives et les mutuelles, mais aussi de nombreuses coopératives agricoles. Ensuite, l’ESS a minima, dont les organisations dépendent pour leurs activités de l’État néolibéral qui les soumet à l’injonction de minimiser le coût de la solidarité : cela renvoie aux associations du social et médico-social. Enfin, l’ESS en commun dont les organisations, sur les territoires, s’associent à d’autres organisations, de nature privée avec les PME ou TPE, voire les grandes entreprises ou de nature publique avec les collectivités territoriales ou des organismes de formation et de recherche, pour imaginer des stratégies communes de mutualisation et de coopération afin d’orienter leurs territoires vers un mode de développement local, durable et solidaire.

Cette ESS en commun est donc une « ESS plus grande qu’elle-même », pour reprendre la formule de Jérôme Saddier, président d’ESS France, puisqu’elle associe sur les territoires les organisations de l’ESS à d’autres types d’organisation (publique ou privée). Son infrastructure est encore le plus souvent ni intégrale ni translocale : ni intégrale car elle ne concerne qu’une toute petite part des rapports éco-sociaux du territoire ; ni translocale parce que ses rapports éco-sociaux ne s’organisent qu’à une échelle locale sans se relier à des échelles extra-locales. Les monnaies locales complémentaires sont un exemple de cette ESS en commun dont l’infrastructure n’est ni intégrale : les échanges en doumes, pour prendre l’exemple de la monnaie locale du Puy-de-Dôme, ne représentent qu’une infime part des échanges effectués en euros + doumes ; ni translocale car la doume n’organise les rapports éco-sociaux qu’à l’échelle d’un territoire local, comme le nom même de cette monnaie l’indique. 

Il existe toutefois de rares exemples d’ESS en commun de nature intégrale ou translocale. Ainsi, la communauté Emmaüs à Lescar Pau est un exemple d’ESS en commun dont l’infrastructure est à tendance intégrale. À partir de son activité première de revente d’objets donnés, cette communauté a développé au fil du temps des activités de construction, agricoles et aussi culturelles qui en font un lieu de vie géré par des règles communes9Hervé Defalvard, La société du commun. Pour une écologie politique et culturelle des territoires, Paris, Éditions de l’Atelier, 2023, chapitre 5.. Nous avons récemment découvert que malheureusement sa qualité démocratique n’était pas tout à fait au rendez-vous10Emmanuel Clévenot, JB Meybeck (dessins), « Derrière l’utopie d’un village d’Emmaüs, l’exploitation de la misère », Reporterre.net, 28 juin 2022.. La plateforme coopérative de livraison à vélo Coopcycle11Fédération européenne de coopératives de livraison à vélo écologiques et socialement responsables, « CoopCycle : une coopérative contre l’ubérisation », Mediapart, 25 août 2017. est quant à elle une ESS en commun de nature translocale puisqu’elle relie chaque communauté locale à une échelle quasi mondiale puisque cette plateforme est implantée dans quatre continents. 

Les stratégies de la puissance pour les territoires en commun

L’ESS en commun connaît aujourd’hui sur les territoires une évolution vers une infrastructure de plus en plus intégrale ou translocale. D’abord avec les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) que la loi relative à l’ESS définit dans son article 9 comme des regroupements sur un territoire entre des organisations de l’ESS et d’autres organisations (privées classiques et publiques) pour concevoir des stratégies communes pour le développement durable de leur territoire. Certains de ces pôles, tels les PTCE du Pays de Bray dans l’Oise ou Figeacteurs dans le Lot, vont vers une structure intégrale en réunissant ces différents types d’acteurs autour de coopérations qui se déploient dans de nombreux secteurs : l’agriculture et l’alimentation, le réemploi, l’énergie, le logement, la culture, la petite enfance ou le grand âge. Certaines formes de l’ESS en commun conjuguent ses deux propriétés en étant de plus en plus intégrales et aussi translocales. Ainsi, l’expérimentation Territoire zéro chômeur de Thiers dans le Puy-de-Dôme, avec ses quatre entreprises à but d’emploi, intègre de nombreux rapports éco-sociaux tout en construisant un territoire translocal en reliant des solidarités locales à une solidarité nationale qui s’appuie sur l’État social puisqu’une part du financement de ces entreprises est de nature publique. De même, une plateforme comme Les oiseaux de passage qui relie des communautés locales d’hospitalité et des voyageurs concerne de nombreux rapports éco-sociaux sur les territoires reliés entre eux à travers une plateforme développée à l’échelle nationale. Bien souvent, ces formes d’ESS en commun s’appuient sur le nouveau statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour développer leur infrastructure.

Pour émerger et se multiplier, les territoires en commun doivent d’abord s’appuyer sur l’ESS en faisant pivoter l’ESS financiarisée et l’ESS a minima de leur côté. Du côté des grandes banques coopératives ou des grandes coopératives agricoles, l’enjeu est essentiel. Une grande banque coopérative comme le Crédit mutuel Asset Management, via sa politique de dividende sociétal, commence à financer des territoires en commun à travers son soutien, par exemple, à Village vivant. Ou la coopérative agricole ValFrance qui souhaite s’associer à un projet de malterie locale et artisanale sur le territoire de Marne-la-Vallée. Pour l’ESS a minima, ce sont les associations du social qui doivent pouvoir agir de sorte que l’État se détourne de son orbite néolibérale pour redevenir un État social décentralisé et de proximité. Ainsi, dans le pays de Lorris, des associations du social et médico-social ont formé un groupement de coopération social et médico-social avec les collectivités territoriales, la pharmacie du village et l’Agence régionale de santé pour construire une maison de santé pluridisciplinaire afin d’apporter une réponse à la désertification médicale de leur territoire. Elles ont ainsi fait de la santé un bien commun sur leur territoire en faisant de l’État leur partenaire12Voir Michel Beaubois, Estelle Iglésias, « Le groupement de coopération social et médico-social de Lorris : un commun territorial de santé », Cahier de la chaire ESS-UPEM, 2017, pp. 95-100.

Les territoires en commun doivent, plus généralement, encercler les grandes entreprises privées ou publiques pour les orienter du côté de leur plus-value de vie. À l’encontre de la logique de la plus-value pour le capital, importée sur les territoires par le jeu de la mondialisation et de la financiarisation des entreprises, la plus-value de vie oriente les stratégies et actions sur les territoires afin de permettre à ses résidents, humains et autres qu’humains, de bénéficier des conditions de vie nécessaires à leur plein épanouissement. Un tel encerclement s’est, par exemple, produit comme nous l’avons montré dans La société du commun13Hervé Defalvard, op. cit., avec la création du parc éolien citoyen de Bégannes en Bretagne, qui assure avec ses éoliennes l’autonomie en électricité pour les 8 000 ménages du canton, lorsqu’il a encerclé Enedis pour qu’il fasse passer cette énergie sur son réseau national d’électrons. De même, la coopérative Carrefour Varast a été créée en associant Carrefour Roumanie et quatre agriculteurs afin de réunir la production maraîchère de cette région et de la distribuer dans les magasins Carrefour de Bucarest et de Transylvanie. Ce dernier exemple de plus-value de vie montre que les territoires en commun sont aujourd’hui une problématique largement mondiale en réaction contre l’extractivisme du modèle capitaliste. 

Selon cette évolution révolutionnaire, plus les territoires en commun réuniront des forces sociales, plus ils seront à même d’opérer cette sortie du capitalisme pour aller vers la société du commun. Dans cette perspective, la culture a un grand rôle à jouer. Alors qu’elle est aujourd’hui largement prise dans les rets de la financiarisation de nos sociétés comme de nos États, l’alliance de la culture avec les communs peut renouveler sa donne par les deux bouts. Du côté des artistes, certains font déjà évoluer leur art pour qu’ils deviennent un art en commun14Estelle Zhong Mengual, L’art en commun. Réinventer les formes du collectif en contexte démocratique, Dijon, Les Presses du réel, 2020. comme dans le cas des résidences par le collectif Pain commun. Du côté des communs, il convient d’exprimer leur art de la vie en tant qu’art des communs comme autrefois lorsqu’à la fin des moissons, qui avaient réuni pour un dur labeur les habitants du village, ce dernier organisait une grande fête. Alors l’art retrouve le sens que lui attribuait Henry Miller quand il disait que « l’art n’enseigne rien si ce n’est la signification de la vie »15Cité par Andréas Weber, Invitation au vivant, Paris, Seuil, 2021, p. 176..

  • 1
    Elinor Ostrom, Governing the Commons. The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
  • 2
    Voir « Contre les Center Parcs “qui veulent remplacer la nature” les opposants se regroupent », Reporterre.net, 21 octobre 2020.
  • 3
    « En Loire-Atlantique, Amazon recule face à une lutte pugnace », Reporterre.net, 31 mai 2021.
  • 4
    « Réaménagement du bois Lumière à Noisy-le-Grand : les opposants rebouchent les trous de la future clôture », Le Parisien, 30 août 2023.
  • 5
    Hervé Defalvard, « L’entreprise comme commun de territoire », dans Nicole Alix et al.Vers une République des biens communs, Paris, Les Liens qui libèrent, 2018.
  • 6
    Jacques Rancière, Penser l’émancipationDialogue avec Aliocha WaldLasowski, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2022.
  • 7
    La « commission Rodotà » a rendu en 2010 un rapport sur la « modification du Code civil en matière de biens publics » qui a tenté de judiciariser la notion de biens communs en Italie suite à des mouvements sociaux sur la question de l’eau par exemple, avec pour enjeu de refonder la démocratie représentative et l’État de droit.
  • 8
    Communication aux Rencontres du RIUESS en mai 2016 à Montpellier (non publiée).
  • 9
    Hervé Defalvard, La société du commun. Pour une écologie politique et culturelle des territoires, Paris, Éditions de l’Atelier, 2023, chapitre 5.
  • 10
    Emmanuel Clévenot, JB Meybeck (dessins), « Derrière l’utopie d’un village d’Emmaüs, l’exploitation de la misère », Reporterre.net, 28 juin 2022.
  • 11
    Fédération européenne de coopératives de livraison à vélo écologiques et socialement responsables, « CoopCycle : une coopérative contre l’ubérisation », Mediapart, 25 août 2017.
  • 12
    Voir Michel Beaubois, Estelle Iglésias, « Le groupement de coopération social et médico-social de Lorris : un commun territorial de santé », Cahier de la chaire ESS-UPEM, 2017, pp. 95-100.
  • 13
    Hervé Defalvard, op. cit.
  • 14
    Estelle Zhong Mengual, L’art en commun. Réinventer les formes du collectif en contexte démocratique, Dijon, Les Presses du réel, 2020.
  • 15
    Cité par Andréas Weber, Invitation au vivant, Paris, Seuil, 2021, p. 176.

Sur le même thème