Quel futur pour la Nupes ?

La constitution de la Nupes lors des dernières élections législatives a assuré aux différentes forces de gauche 151 sièges à l’Assemblée nationale. Pourtant, avec des groupes parlementaires autonomes, la Nupes est-elle tenable dans la durée ? Quelles sont les convergences et les divergences dans les électorats et chez les sympathisants des différentes familles ? Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation, livre son analyse à partir des données de la vaste enquête quantitative YOUNGELECT.

Depuis plusieurs campagnes électorales, l’idée d’une « Union de la gauche » était devenue un marronnier de la vie politique française. Face aux menaces successives pour la gauche de ne pas rallier le second tour de l’élection présidentielle, beaucoup appelaient en effet de leurs vœux la formation d’une candidature commune dès le premier tour de la présidentielle. En 2017 comme en 2022, ces appels demeurèrent lettre morte et la gauche fut effectivement absente du second tour de la présidentielle (Jean-Luc Mélenchon manqua la qualification de 600 000 voix en 2017 et de 400 000 voix en 2022).

Pourtant, quelques semaines après la fin de l’élection présidentielle, un séisme se produisit : vingt formations politiques de gauche réussirent à signer un accord de coalition en vue des élections législatives et se rassemblèrent sous la bannière de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). 151 députés élus sous l’étiquette de la Nupes rejoignirent ainsi les bancs de l’Assemblée quelques semaines plus tard.

Si cet accord de gouvernement fut signé dans un temps record, une question centrale demeure néanmoins : quelle est la pérennité de cette alliance ? La Nupes peut-elle perdurer durant l’ensemble du second quinquennat d’Emmanuel Macron, au point d’envisager à nouveau des candidatures communes lors des prochaines échéances électorales ?

Cette question mérite largement d’être posée, tant les premiers mois d’existence de la Nupes ne furent pas de tout repos. Tout d’abord, l’accord de gouvernement ne fut signé que par 62% des membres du bureau national du Parti socialiste et suscita l’ire du tiers restant. Plus tard, des positions différentes affichées par les formations composant la Nupes sur des sujets sensibles vinrent encore fragiliser l’édifice. Ce fut notamment le cas de la question de Taïwan : lorsque Jean-Luc Mélenchon affirma qu’il n’y avait « qu’une seule Chine », Julien Bayou et Olivier Faure répondirent au contraire qu’ils se tenaient du côté des démocrates taïwanais.

Pour autant, les divergences affichées ne l’ont été jusqu’à présent qu’au niveau des leaders des différentes formations de la Nupes. Dès lors, si l’on s’intéresse à la base électorale de ces différents partis, le constat est-il similaire ? Les proches des différents partis de gauche sont-ils unis ou au contraire divisés, au point d’empêcher toute construction d’une alliance de long terme ?

Pour traiter cette question, nous nous focalisons sur les Français déclarant une proximité avec un des trois principaux pôles de la Nupes : La France insoumise (LFI), le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts (EE-LV). Pour ce faire, nous avons mené une vaste étude quantitative avec le centre Émile-Durkheim de Sciences Po Bordeaux et le Centre d’études européennes de Sciences Po Paris1 Enquête YOUNGELECT coordonnée par Vincent Tiberj et Amaïa Courty (CED, Sciences Po Bordeaux), financée par l’INJEP, la Région Nouvelle-Aquitaine, le CEE de Sciences Po Paris et la Fondation Jean-Jaurès et réalisée par Kantar.. Dans cette enquête, 12,2% des Français se déclarent proches de La France insoumise, 7,9% du Parti socialiste et 7,3% d’Europe Écologie-Les Verts. Notons au passage que ces chiffres sont assez éloignés des scores obtenus par les trois partis lors du premier tour de la présidentielle, signe qu’une campagne électorale, et d’autant plus dans un système à deux tours, peut être à l’origine de profonds mouvements électoraux.

Nous étudions ensuite les proches de ces trois formations de la Nupes sur trois points : leurs caractéristiques socio-démographiques et politiques (1), leur positionnement sur un ensemble de thématiques de politique publique (2) et, enfin, leur positionnement sur la stratégie souhaitée pour la Nupes (3).

Nous sommes ainsi en mesure de répondre à cette question : existe-t-il un futur pour la Nupes ?

Les caractéristiques socio-démographiques et politiques des proches de la Nupes

En quoi les caractéristiques socio-démographiques et politiques des proches des principaux pôles de la Nupes sont-elles similaires ou diffèrent-elles ?

Comme on peut tout d’abord le constater sur le graphique 1, la composition en termes de sexe diffère entre les groupes. Alors que les proches de La France insoumise sont majoritairement des hommes, c’est une situation inverse que l’on constate au sein du Parti socialiste et d’Europe Écologie-Les Verts. Le différentiel est le plus marqué au sein de ce dernier parti : 57% des Français se déclarant proches d’EE-LV sont des femmes.

Graphique 1. Part d’hommes et de femmes chez les proches des différentes formations de la Nupes

D’autres différences, plus éclatantes, s’observent lorsque l’on s’intéresse à l’âge des proches de chaque formation de la Nupes (graphique 2). Le comparatif entre LFI et le Parti socialiste est particulièrement éclairant. Alors que LFI capitalise particulièrement au sein des jeunes générations – 71% des personnes qui en sont proches ont moins de cinquante ans –, c’est une situation totalement inverse que l’on constate au sein du Parti socialiste : 67% des personnes qui en sont proches ont plus de cinquante ans. Cette situation comporte des avantages et des inconvénients pour chaque parti, selon que l’on se place dans une perspective de court terme ou de long terme. En effet, sur le court terme, posséder une base électorale vieillissante peut être intéressant pour une formation partisane, tant ces générations plus anciennes ont un comportement électoral beaucoup moins intermittent que les générations plus récentes. Cela explique notamment les bons scores du Parti socialiste lors des élections intermédiaires. Néanmoins, si un parti n’arrive pas à renouveler sa base de soutien, cela peut handicaper sur le moyen terme ses chances de succès et conduire à un étiolement de sa surface électorale. Le cas d’Europe Écologie-Les Verts se situe dans un entre-deux par rapport au Parti socialiste et à LFI. Même si la base de soutien à ce parti provient davantage des générations plus anciennes que des générations plus récentes, il capitalise néanmoins davantage que le Parti socialiste chez les jeunes générations (21% des proches d’EE-LV ont moins de trente-quatre ans contre seulement 13% pour le Parti socialiste). Par ailleurs, les 35-49 ans sont le groupe de soutien le plus important à EE-LV (28%).

Graphique 2. Âge des proches des différentes formations de la Nupes
Lecture : Sur 100 personnes se déclarant proches de La France insoumise, 19 ont entre dix-huit et vingt-quatre ans.

Qu’en est-il maintenant des différences de soutien en termes de niveaux de diplôme ? Comme on peut le voir sur le graphique 3, les différences entre les trois pôles sont assez fortement marquées. D’une part, La France insoumise se caractérise par des soutiens plus importants chez les Français possédant un niveau de diplôme relativement faible : 44% des proches de LFI possèdent au maximum un baccalauréat alors qu’ils ne sont que 15% à avoir un bac+5. Cette situation est assez proche de celle du Parti socialiste, même si davantage de proches de ce parti possèdent un diplôme du supérieur (20% ont un bac+5 contre 15% pour LFI). Mais la situation de ces deux partis est surtout profondément différente de ce que l’on constate pour EE-LV où le niveau de soutien est particulièrement élevé au sein des classes éduquées de la population : 47% des proches d’EE-LV ont au moins un bac+3 et seulement 22% ont au maximum un baccalauréat.

Graphique 3. Niveau maximum d’éducation chez les proches des différentes formations de la Nupes
Lecture : Sur 100 personnes se déclarant proches de La France insoumise, 44 ont au maximum un baccalauréat.

Cette situation en termes de niveaux de diplôme produit immanquablement des différences en termes de catégories socio-professionnelles (graphique 4). Les proches d’EE-LV proviennent ainsi largement des catégories supérieures (28%) ou intermédiaires (33%), alors que c’est une situation inverse que l’on retrouve au sein de La France insoumise. En effet, au sein de LFI, 23% des proches de ce parti sont des employés et 29% des ouvriers. La situation est plus paradoxale pour le Parti socialiste. Si, comme nous le disions dans le paragraphe précédent, les proches du Parti socialiste sont majoritaires au sein des catégories à faible niveau d’éducation, cela ne se retrouve pas en termes de professions et catégories socio-professionnelles. La base de soutien provient en effet en premier lieu des cadres (29%) et des professions intermédiaires (29%). Les effectifs au sein des catégories populaires sont assez faibles et ressemblent finalement assez largement à ce que l’on constate au sein d’EE-LV (12% des proches du Parti socialiste sont des employés, 18% des ouvriers). Cette déconnexion entre niveau de diplôme et profession au sein du Parti socialiste s’explique très certainement par le vieillissement des soutiens à ce parti. Au sein des générations plus anciennes, il était assez courant qu’un niveau de diplôme assez faible puisse se conjuguer avec une position sociale relativement haute.

Graphique 4. Catégorie socio-professionnelle de la personne de référence du foyer chez les proches des différentes formations de la Nupes
Lecture : Sur 100 personnes se déclarant proches de La France insoumise, 13 sont cadres ou professions intermédiaires.

Venons-en maintenant à un dernier point dans cette partie, le positionnement des proches de chacune des forces sur un axe gauche/droite (graphique 5). Si, logiquement, quasiment aucun proche des trois partis ne se positionne à droite de l’échiquier politique, des différences assez nettes s’observent concernant les autres possibilités de placement. Les proches du Parti socialiste se considèrent très majoritairement comme « plutôt à gauche » (71%), bien plus que pour les proches de LFI (53%) et d’EE-LV (52%). Mais si 20% des proches de LFI se considèrent « très à gauche » et 17% « ni à droite, ni à gauche » – assumant ainsi le positionnement plus transversal de ce parti depuis 2017 –, un nombre non négligeable de proches d’EE-LV (20%) assument un positionnement centriste. Ainsi, si une majorité des proches des trois partis se retrouvent sur une position de gauche modérée, les proches de LFI assument une posture plus en rupture, quand les proches d’EE-LV adoptent celle de centre gauche, pouvant dans certaines circonstances ne pas être éloignée du positionnement initial d’Emmanuel Macron.

Graphique 5. Autopositionnement politique des proches des différentes formations de la Nupes
Lecture : Sur 100 personnes se déclarant proches de La France insoumise, 20 se déclarent « très à gauche ».

Nous avons montré dans cette partie que les différences dans les profils sociologiques et dans le positionnement politique des proches des trois principales forces de la Nupes sont assez marquées. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de dire que, si ces caractéristiques diffèrent, toute forme d’alliance de long terme est inopérante. Des personnes aux caractéristiques sociales hétérogènes peuvent très bien, sur le papier, partager des opinions communes. Néanmoins, ces différences peuvent être à l’origine de volontés dissemblables, tant une mesure peut ne pas convenir à toutes les couches de la société. Par exemple, nous avons montré que les proches d’EE-LV venaient bien davantage de catégories supérieures que les proches de LFI. Or, une écologie populaire est-elle vraiment compatible avec une écologie plutôt favorable aux catégories supérieures ? C’est à ce type de questions que nous allons tenter de répondre dans la partie suivante.

Les positions des proches de la Nupes sur différents enjeux de politique publique

Les enjeux économiques et sociaux

Regardons tout d’abord comment se positionnent les proches des trois partis sur différents enjeux économiques et sociaux actuels. Comme on peut le constater sur les différents graphiques suivants, si le niveau de soutien vis-à-vis des mesures peut diverger au sein des trois formations partisanes, l’attitude globale est similaire.

Prenons par exemple la question de l’augmentation du smic à 1 400 euros net (graphique 6). La proportion des proches de chaque parti refusant cette mesure est minimale : elle est au maximum de 20% chez les proches du Parti socialiste. Néanmoins, le soutien est beaucoup plus vigoureux chez les proches de La France insoumise que chez les proches des autres formations de la Nupes. 63% des proches de LFI se disent ainsi « très favorables » à cette mesure, alors qu’ils ne sont que 35% chez les proches du Parti socialiste et 41% chez les proches d’EE-LV.

Graphique 6. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur l’augmentation du smic à 1 400 euros net

C’est une situation similaire que l’on constate concernant le départ à la retraite à soixante-cinq ans. Le soutien à cette mesure est très largement minoritaire chez les proches des trois partis, mais les proches de LFI s’y opposent avec davantage de fermeté. Ils sont ainsi 68% à se déclarer « très défavorables » à cette mesure contre 42% pour les proches du Parti socialiste et 37% pour les proches d’EE-LV.

Graphique 7. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur l’âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans

La donne est encore une fois largement semblable lorsque l’on considère l’ouverture du RSA aux mois de vingt-cinq ans (graphique 8).

Graphique 8. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur l’ouverture du RSA aux moins de vingt-cinq ans

Ces positions globalement communes, mais d’intensité différente, entre les proches des trois partis se remarquent également lorsque l’on synthétise les enjeux économiques autour d’une même question : faut-il donner davantage de liberté aux entreprises ou les contrôler plus étroitement (graphique 9) ? Si les proches des trois partis favorisent assez largement une réglementation plus accrue des entreprises, les proches d’EE-LV se caractérisent par une position plus libérale. Le différentiel entre les pro-réglementation et les pro-libéralisation n’est ainsi que de 14 points chez les proches d’EE-LV alors qu’il monte à 31 points pour les proches de LFI et 29 points chez les proches du Parti socialiste. 

Graphique 9. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur le rôle de l’État dans l’économie

Les enjeux environnementaux

Qu’en est-il du positionnement des trois principales formations de la Nupes sur les questions écologiques ? Regardons tout d’abord la question du nucléaire, ô combien mise en avant dans le débat public depuis quelque temps (graphique 10). La première chose que l’on peut remarquer est que les sympathisants des trois partis optent principalement pour des positions intermédiaires, se considérant soit « plutôt d’accord » soit « plutôt pas d’accord », signe que le débat est loin d’être arrêté et que les positions ne sont pas définitivement fixées. Néanmoins, une fois cette première constatation faite, des différences assez notables s’observent entre les proches du Parti socialiste, d’une part, et les proches d’EE-LV et de LFI, d’autre part. Ainsi, le total de proches du Parti socialiste se déclarant favorables à la production d’énergie par le nucléaire monte à 77% alors qu’il n’est que de 47% chez les proches de LFI et de 39% chez les proches d’EE-LV. C’est donc une différence assez nette qui s’observe ici au sein de la Nupes.

Graphique 10. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur le nucléaire
Question posée : Êtes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt opposé(e) ou tout à fait opposé(e) à la production d’énergie par des centrales nucléaires ?

Néanmoins, lorsque l’on dépasse cette simple question et que l’on se concentre sur une question plus globale – est-ce que pour préserver l’environnement pour les générations futures on sera obligé de ralentir très sérieusement notre croissance économique –, les fractures tendent à disparaître. Une extrême majorité des proches des trois partis pensent en effet que le ralentissement « très sérieux » de la croissance économique est une nécessité. Certes, des différences de degrés apparaissent, d’une manière similaire à ce que l’on constatait pour les questions économiques. Les proches du Parti socialiste sont en effet plus « modérés » sur cette question, n’étant que 25% à être « tout à fait d’accord » avec cette assertion, contre 36% des proches de LFI et 44% des proches d’EE-LV. Cependant, encore une fois, un positionnement globalement similaire semble se dessiner entre les trois partis.

Graphique 11. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur la réduction de la croissance économique pour préserver l’environnement
Question posée : Si on veut vraiment préserver l’environnement pour les générations futures, on sera obligé de ralentir très sérieusement notre croissance économique.

Les enjeux sociétaux

Le positionnement des proches des trois principales forces de la Nupes sur les questions sociétales ressemble assez fortement à ce que l’on pouvait constater au niveau des enjeux économiques. Globalement, les trois forces adoptent des positions similaires, avec néanmoins quelques différences d’intensité. C’est le cas par exemple lorsqu’on demande aux personnes interrogées si la présence d’immigrés en France est une source d’enrichissement culturel (graphique 12a), ou s’il y a trop d’immigrés en France (graphique 12b). L’immense majorité des proches des trois formations sont particulièrement ouverts sur ces deux questions, considérant à la fois que « oui, la présence d’immigrés est une source d’enrichissement » et qu’« il n’y a pas trop d’immigrés ». Mais on observe néanmoins un gradient dans ce degré de libéralisme entre les trois formations : les proches de LFI étant plus prompts à adopter la position la plus libérale, suivis par les proches d’EE-LV et ensuite, en retrait, par les proches du Parti socialiste. Ainsi, 53% des proches de LFI sont « tout à fait d’accord » pour dire que l’immigration est une source d’enrichissement culturel, contre 48% pour les proches d’EE-LV et 33% pour les proches du Parti socialiste.

Graphique 12. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur l’immigration
Question posée graphique 12a : La présence d’immigrés en France est une source d’enrichissement culturel.
Question posée graphique 12b : Il y a trop d’immigrés en France.

C’est une situation similaire que l’on constate lorsque l’on s’intéresse à une autre question sociétale, l’adoption d’enfants par les couples homosexuels (graphique 13). Globalement, quasiment tous les proches des trois partis considèrent qu’il est bien normal pour les couples homosexuels de pouvoir adopter des enfants. Mais encore une fois l’intensité des différences de degrés dans cette prise de position existe. Les proches d’EE-LV sont ici plus libéraux que les proches des deux autres partis : 62% des proches d’EE-LV sont d’accord avec cette assertion, contre 49% pour les proches de La France insoumise et 46% pour les proches du Parti socialiste.

Graphique 13. Position des proches des différentes formations de la NUPES sur l’adoption d’enfants par des couples homosexuels
Question posée : Il est normal que des couples homosexuels puissent adopter des enfants.

Les enjeux internationaux

Venons-en maintenant aux questions internationales, qui ont toujours été présentées comme le point de crispation majeur à gauche. Est-ce que les tensions mises en avant par les dirigeants des différents partis se retrouvent également au niveau de l’électorat ? Prenons tout d’abord le cas de la mondialisation : ses conséquences économiques sont-elles extrêmement négatives pour la France ? On constate à ce niveau des différences assez nettes entre les partis de la Nupes (graphique 14). Les proches de La France insoumise sont particulièrement hostiles à la mondialisation : 64% sont d’accord pour dire que ses conséquences économiques sont extrêmement négatives. C’est une attitude inverse que l’on constate pour le Parti socialiste : ils sont une majorité à ne pas considérer que les conséquences économiques sont négatives. Enfin, si les proches d’EE-LV sont plus pessimistes qu’optimistes concernant ce sujet, ils adoptent néanmoins des positions plus mesurées que les proches de LFI, étant à 41% « plutôt d’accord » pour dire que les conséquences économiques sont négatives.

Graphique 14. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur les conséquences de la mondialisation
Question posée : Les conséquences économiques de la mondialisation sont extrêmement négatives pour la France.

Finalement, il est intéressant de constater que les questions européennes sont moins des points de blocage que ce à quoi on aurait pu s’attendre (graphique 15). Certes, seulement 58% des proches de La France insoumise considèrent que l’appartenance à l’Union européenne est une bonne chose (contre 81% pour les proches du Parti socialiste et d’EE-LV). Mais les proches de LFI n’adoptent pas pour autant une position de rejet complet de l’Union européenne : seulement 10% considèrent que l’appartenance à l’Union européenne  est une mauvaise chose, soit à peine plus que les proches du Parti socialiste (3%) et d’EE-LV (7%).

Graphique 15. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur l’appartenance de la France à l’Union européenne
Question posée : D’une façon générale, pensez-vous que le fait pour la France de faire partie de l’Union européenne est : « une bonne chose », « une mauvaise chose », « une chose ni bonne ni mauvaise » ?

Les positions des proches de la Nupes sur la stratégie politique souhaitée

Mais si le principal point de blocage se situait finalement au niveau de la stratégie souhaitée par la Nupes ? On le sait, les dernières élections législatives n’ont pas fourni au président Macron de majorité absolue à l’Assemblée et le comportement des députés des autres formations politiques présentes sera donc décisif pour faire passer ou au contraire pour rejeter les textes de loi. Or, lorsque l’on demande aux proches des différentes formations de la Nupes quel comportement ils souhaitent voir adopter par leur groupe parlementaire – soit s’opposer au gouvernement, soit au contraire négocier avec lui –, des divergences majeures s’observent (graphique 16)2Sondage « Observatoire de la politique nationale – BVA-Orange-RTL », BVA, 22 juillet 2022.. À 82%, les proches du Parti socialiste et d’EE-LV souhaitent voir leurs parlementaires négocier avec le gouvernement. C’est une situation largement différente que l’on observe chez les proches de La France insoumise. À 55%, ils souhaitent en effet que leurs parlementaires s’opposent au gouvernement alors qu’ils ne sont que 45% à privilégier une attitude de négociation. Cette question stratégique vient donc fracturer le bloc « insoumis » alors qu’elle semble tranchée chez les proches du Parti socialiste et d’EE-LV. Bien sûr, cela montre une attitude a priori, il est fortement envisageable qu’un texte de loi fortement marqué à droite suscite l’ire des proches du Parti socialiste et d’EE-LV tout comme un texte plus marqué à gauche pourrait convaincre une partie plus substantielle des « insoumis ». Il n’en demeure pas moins qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes les choix stratégiques souhaités par les proches des trois blocs de la Nupes ne vont pas tous dans la même direction.

Graphique 16. Position des proches des différentes formations de la Nupes sur le rôle souhaité pour leurs députés
Question posée : Selon vous les députés d’opposition doivent-ils le plus souvent…

Conclusion

Dans cette note, nous avons donc essayé de déterminer s’il existait une unité des proches des différents pôles la Nupes sur trois points : les caractéristiques socio-démographiques (1), leur positionnement sur un ensemble des thématiques de politiques publiques (2) et la stratégie politique souhaitée (3). Plusieurs enseignements majeurs peuvent ainsi être tirés :

  1. au niveau des caractéristiques socio-démographiques, les trois blocs sont assez différents : entre des proches du Parti socialiste provenant essentiellement de générations âgées, des proches de La France insoumise provenant des jeunes générations et de classes populaires et intermédiaires et des proches d’EE-LV provenant de catégories sociales assez aisées ;
  2. au niveau du positionnement sur un ensemble d’enjeux politiques, notre étude tend plutôt à montrer une unité de la Nupes lorsque l’on s’intéresse aux proches des trois principales forces. Les positionnements sont globalement similaires et les différences qui existent sont simplement des différences de degrés dans le positionnement et non des différences de nature. Il existe certes quelques points de divergences (nucléaire, mondialisation), mais ils ne nous semblent pas de nature à empêcher toute forme d’unité ;
  3. la question stratégique est certainement la plus problématique pour l’avenir de la Nupes tant à l’heure actuelle les proches du Parti socialiste et d’EE-LV privilégient bien davantage une attitude de négociation avec le gouvernement que les proches de LFI.

Enquête réalisée par l’institut Kantar, pour la Fondation Jean-Jaurès, le Centre Émile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et le Centre d’Études Européennes de Sciences Po Paris, sur un échantillon de 1700 personnes représentatives de la population française. L’étude a été réalisée en juin 2022. L’étude YONGELECT est coordonnée par Vincent Tiberj et Amaïa Courty. Elle reçoit le financement de l’INJEP et de la région Nouvelle-Aquitaine.

  • 1
    Enquête YOUNGELECT coordonnée par Vincent Tiberj et Amaïa Courty (CED, Sciences Po Bordeaux), financée par l’INJEP, la Région Nouvelle-Aquitaine, le CEE de Sciences Po Paris et la Fondation Jean-Jaurès et réalisée par Kantar.
  • 2
    Sondage « Observatoire de la politique nationale – BVA-Orange-RTL », BVA, 22 juillet 2022.

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