Quand notre droit à la PMA se fait attendre, nos vies sont en danger

Au lendemain du rassemblement à Paris suite aux agressions homophobes qui se sont déroulées dernièrement partout en France, dans un contexte où la loi sur la PMA devrait être débattue début 2019, retrouvez, en partenariat avec le Huffington Post, l’appel à la solidarité, lancé par différentes personnalités du monde associatif, universitaire et politique dont Flora Bolter et Denis Quinqueton de l’Observatoire LBGT+ de la Fondation Jean-Jaurès, pour alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur les violences faites aux personnes LGBT+.

Paris, Besançon, Paris à nouveau, la semaine dernière, dans un VTC, en sortant d’un café ou en attendant un tramway… De nouvelles agressions LGBTphobes s’ajoutent à la liste, déjà longue, des exactions anti-LGBT, pas toujours qualifiées comme telles par les services de police à Arles, Conflans-Sainte-Honorine et Dieppe, à Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Nantes, Nîmes, à Paris dans le 10e, dans le 17et dans le 16e, Poitiers et Rueil-Malmaison. Dans le bois de Boulogne, c’est l’une des nôtres, Vanessa Campos, qui a même été assassinée dans un relatif silence médiatique.

Ajoutons que selon l’étude produite par l’Observatoire LGBT+ de la Fondation Jean-Jaurès, plus d’une personne lesbienne, gay, bi ou trans sur deux a eu à faire face à une agression physique ou verbale LGBTphobe au cours de sa vie. Cette proportion est d’une sur cinq sur les douze derniers mois. Enfin, six personnes LGBT sur dix sont obligées d’adopter des stratégies dans leur vie quotidienne, comme changer de chemin pour rentrer chez soi ou ne pas tenir la main de sa compagne ou de son compagnon dans la rue, pour échapper à cette épreuve violente. 

Ça suffit… Ça suffit ! Ça suffit. Des milliers de personnes se sont retrouvés place de la République à Paris, dimanche 21 octobre 2018, pour le dire.

En argumentant en faveur d’une loi ouvrant à toutes les femmes l’accès à la PMA remboursée par la Sécurité sociale, simplifiant la filiation homoparentale, permettant la congélation ovocytaire et l’inscription à l’état-civil français de tous les enfants nés par GPA, nous n’avons pas envie de jouer. 

Nous n’avons pas envie de jouer aux bons et aux méchants, aux victimes et aux bourreaux, à celles et ceux qui croient au ciel ou qui n’y croient pas. Nous n’avons pas envie de jouer aux polémiques trash ou aux pugilats médiatiques. Et nous savons que des millions de Françaises et de Français sont comme nous. 

Nous n’avons pas envie de jouer. Nous voulons, en conscience, changer la vie des femmes et des hommes de notre société pour la rendre meilleure. Comme, avant nous, d’autres citoyen·ne·s, d’autres militant·e·s, d’autres intellectuel·le·s, d’autres actrices et acteurs politiques l’ont fait pour légaliser le recours à la contraception (1967), pour légaliser la possibilité d’avorter (1974), pour permettre le divorce par consentement mutuel (1975), pour dépénaliser les relations homosexuelles (1982), pour créer le pacte civil de solidarité (1999), pour ouvrir le mariage et l’adoption à tous les couples (2013), pour démédicaliser le changement de la mention du sexe à l’état civil (2016).

Le climat violent qui empoisonne la société française perdurera tant que la décision politique ne sera pas prise. Ce qui ne devrait être qu’une question d’égalité, d’accès au droit et de liberté de fonder une famille est en train de devenir, dans nos vies, une question de sécurité dans l’espace public. Les propos de « responsables » politiques et religieux rejetant hors de l’humanité ou de la « civilisation » les personnes LGBT créent un climat où le passage à l’acte devient, pour certains, légitime. 

Notre intégrité est en jeu pour une loi aujourd’hui évidente. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a dit oui en 2015, le Défenseur des droits a dit oui en 2015, le Comité national consultatif d’éthique a dit oui en 2017 et en 2018, le Conseil d’État a dit oui en 2018 à la réforme ouvrant la PMA et la filiation. Le candidat François Hollande, élu en 2012, et le candidat Emmanuel Macron, élu en 2017, ont tous deux pris l’engagement de mener à bien cette réforme : le mandat démocratique est parfaitement clair, et correspond à l’opinion française telle qu’elle est mesurée, sondage après sondage, depuis 1994. La PMA est, depuis des années, ouverte à toutes les femmes en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède. Il n’y a ni extravagance, ni aventure, ni inconnu dans cette réforme. 

Nous demandons :

  • aux actrices et aux acteurs politiques de prendre leurs responsabilités et d’engager maintenant l’examen du projet de loi par le Parlement ;
  • aux actrices et aux acteurs médiatiques d’être outrageusement à nos côtés, du côté des femmes, des lesbiennes, du côté du débat et de la raison et non pas du pugilat sensationnaliste qui porte en lui les nombreux passages à l’acte violents contre des personnes LGBT que nous avons subis cette année ;
  • Aux citoyen·ne·s et aux militant·e·s de prendre mutuellement soin d’eux et de garder la tête haute. Nous portons ensemble une réforme bénéfique pour la société et les individus qui la composent.

L’ouverture de la PMA et de la filiation, ce n’est pas dans une semaine ou dans un mois, ce n’est pas après la réunion d’un comité « pour ne pas heurter les consciences », ni après une nouvelle hésitation.

L’ouverture de la PMA et de la filiation, c’est maintenant. 

Dans le cas contraire, le message de lâcheté et de désespoir d’une démocratie malade de l’extrémisme ne manquera pas de nous atteindre.

 

Signataires :

Aurélien Beaucamp, président de AIDES
Florent Berdiaux, co-président de l’Association française des avocats LGBT+
Flora Bolter, co-directrice de l’Observatoire LGBT+ de la Fondation Jean Jaurès
Jean-Marie Bonnemayre, président du Conseil national des associations familiales laïques 
Dominique Boren, président du NELFA (réseau européen des associations des familles LGBTQI), co-président de l’Association des parents et futurs parents gay et lesbiens
Émilie Duret, co-présidente de l’Association française des avocats LGBT+
Martine Gross, sociologue au CNRS
Joseph Leroy, président de l’association Contact France
Annabel Maestre, militante pour les droits LGBT+
Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris
Lennie Nicollet, président d’HES – Socialistes LGBT+
Marie-Claude Picardat, co-présidentede l’Association des parents et futurs parents gay et lesbiens
Denis Quinqueton, co-directeur de l’Observatoire LGBT+ de la Fondation Jean Jaurès
Jean-Luc Romero, président d’Elus locaux contre le sida
Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’homme
Catherine Tripon, militante pour les droits LGBT+
Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentale

 

 

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