Cette élection « chamboule-tout » n’a pas fini de nous surprendre. Et le 23 avril prochain, le jour du premier tour, ne constituera que le premier des quatre rendez-vous électoraux. Quatre obstacles restent donc à franchir, avant de dire si cette élection « chamboule-tout » aura véritablement joué sa partition jusqu’au bout ou si la puissance des cultures politiques aura pris le dessus. Nouvelle chronique d’Emeric Bréhier en partenariat avec le Huffington Post.
Lors de mes précédentes chroniques, j’insistais sur la nouvelle offre politique qui semble s’affirmer à l’occasion de cette élection présidentielle. Mais également sur le début de clarification qui s’opérait au lendemain du débat du 20 mars 2017 entre les cinq candidats principaux, tels qu’identifiés par des dizaines d’enquêtes d’opinion successives.
À cet égard, les nouvelles vagues de sondage ont bien confirmé que les socles électoraux des différents candidats se solidifient. Ceux de la candidate du Front national comme du candidat de la droite et du centre l’étaient déjà ; ils le sont plus encore. La nouveauté, cruciale, de ces derniers jours est la solidification de l’électorat putatif d’Emmanuel Macron. C’est une donnée importante car elle tend à démontrer que la martingale électorale du candidat d’En Marche !, à laquelle rares étaient ceux à croire, fonctionne. Que ce soit par accord avec son positionnement ou ses propositions, que ce soit par attrait pour sa personnalité, que ce soit par refus d’avoir au second tour un choix entre François Fillon et Marine Le Pen, au fond peu importe. Tout au moins dans l’immédiat.
L’autre élément marquant de ces derniers jours de campagne est bien évidemment l’inversion des positions entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Comme l’indiquait la note de Chloé Morin, les vases communiquants sont essentiellement entre ces deux candidats. Que dans le même mouvement Jean-Luc Mélenchon gagne entre 3 et 4 points et que Benoît Hamon en perde tout autant confirme cette analyse et dans le même temps montre ô combien les marges de manœuvre du candidat « insoumis » se retrouvent désormais plus chez les abstentionnistes potentiels que chez les électeurs du candidat socialiste. Sauf à prévoir que le toboggan sur lequel il semble être ne l’entraîne vers de profonds abysses électoraux. À cet égard, la dernière note de Gilles Finchelstein démontre l’impasse stratégique et électorale dans laquelle se situe aujourd’hui le candidat de la Belle Alliance populaire. Mais ce qui apparaît crûment le 7 avril n’était pas écrit le soir de sa victoire le 29 janvier. Loin de là.
De même que l’étude publiée dans un hebdomadaire français sur l’électorat, à ce stade putatif, d’Emmanuel Macron ne peut qu’interpeller et semble démontrer l’explosion des cadres habituels – sur lesquels le clivage gauche-droite si structurant dans notre imaginaire et notre culture politique s’est adossé. Cette division quant à la perception de l’avenir, beaucoup plus fine sociologiquement que ses contempteurs veulent l’enfermer, est tout autant perceptible géographiquement. Du vote de Maastricht de 1992 à aujourd’hui, indéniablement, des traces semblent perdurer.
Mais cette élection chamboule-tout n’a pas fini de nous surprendre. Et le 23 avril prochain, le jour du premier tour, ne constituera que le premier des quatre rendez-vous électoraux des Françaises et des Français. Il leur restera le second tour de l’élection présidentielle et les deux tours des élections législatives. Et autant d’obstacles à franchir. Alors, et alors seulement, il sera possible de dire si cette élection « chamboule-tout » aura véritablement joué sa partition jusqu’au bout ou si la puissance des cultures politiques aura pris le dessus.
À l’occasion de cette élection présidentielle « hors norme », la Fondation Jean-Jaurès s’associe au Huffington Post pour apporter son éclairage sur la campagne électorale : rapport de forces, thèmes et enjeux structurants, opinion des Français. La Fondation mobilise un certain nombre de chercheurs et de personnalités pour fournir des analyses jusqu’au scrutin, et après.