À moins de trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, la question du positionnement des électeurs classés à gauche de l’échiquier politique constitue toujours un sujet d’intérêt majeur des enquêtes d’opinion. Adélaïde Zulfikarpasic, directrice BVA Opinion, dresse un état des lieux de la situation.
Nous voici à moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle. Les sondages n’ont toujours aucune valeur prédictive, mais ils dessinent toutefois des dynamiques, de plus en plus parlantes à mesure que le scrutin approche.
En octobre dernier, dans une précédente note de la Fondation Jean-Jaurès, nous avions mis au jour chez une partie de l’électorat de gauche la tentation d’un vote utile en faveur d’Emmanuel Macron dès le premier tour, face au « chiffon rouge » de la menace non plus d’un, mais de deux candidats d’extrême droite pouvant prétendre accéder au second tour. Cette mécanique (à l’œuvre chez une partie seulement de l’électorat de gauche) était fondée sur une idée centrale : celle que la gauche ne pouvait pas – au regard de la situation en octobre 2021 – figurer au second tour de cette élection présidentielle. Évidemment, cette mécanique pouvait ne pas durer, à la faveur des dynamiques de campagne.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Où en sont les électeurs de gauche de leur réflexion et de leur choix ? Certains sont-ils toujours tentés par ce « vote de raison » en faveur du président sortant, notamment pour faire barrage à l’extrême droite dès le premier tour ? Emmanuel Macron semblant presque assuré de figurer au second tour, porté notamment par la crise ukrainienne, certains électeurs de gauche tiennent-ils un raisonnement inverse, se sentant libres de voter davantage en fonction de leur « idéologie » ?
Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que l’équilibre des forces en présence a changé et que deux paramètres, en particulier, peuvent venir modifier les données du problème qui se pose aux électeurs de gauche :
– Emmanuel Macron, crédité de 30% des intentions de vote au premier tour selon la dernière enquête préélectorale BVA1Enquête réalisée les 8 et 9 mars 2022 auprès d’un échantillon de 1 500 personnes inscrites sur les listes électorales, issues d’un échantillon représentatif de 1 614 Français âgés de dix-huit ans et plus. C’est de cette enquête que sont issues les autres données quantitatives mentionnées dans cette note., voit sa place de favori renforcée par la crise ukrainienne. Il capitalise sur son triple statut de chef de l’État, protecteur des Français, chef de la diplomatie et chef des Armées. Dans ce contexte, il est vrai qu’on voit difficilement aujourd’hui ce qui pourrait lui barrer l’accès au second tour, tant il devance ses concurrents. Treize points le séparent de Marine Le Pen, en deuxième position dans notre dernier sondage. Dans ce contexte, certains électeurs de gauche tentés, un temps, de voter pour Emmanuel Macron peuvent légitimement s’interroger : « A-t-il vraiment besoin de ma voix ? » ;
– parallèlement, Jean-Luc Mélenchon semble avoir enclenché une dynamique, un peu comme celle qui fut la sienne en 2017. Il est aujourd’hui crédité de 12,5% des intentions de vote, dans un mouchoir de poche avec Éric Zemmour (13%) et Valérie Pécresse (12%). Compte tenu des marges d’erreur, il est en capacité de prétendre à la qualification pour le second tour. Et il est le seul candidat à gauche dans cette situation, les autres candidats ne dépassant pas ou à peine la barre des 5%. Dans ce contexte, il peut, pour certains électeurs de gauche pas forcément « mélenchonistes » de la première heure, constituer une alternative, pour permettre à la gauche a minima de peser dans le débat. Donner sa voix à Jean-Luc Mélenchon, ce serait lui permettre de réaliser un bon score au premier tour pour apporter en quelque sorte la preuve que « non, la gauche n’est pas morte ». Pour certains, comme Ségolène Royal, ce serait même « un vote utile » pour permettre à la gauche de figurer au second tour.
Jean-Luc Mélenchon peut-il incarner ce vote utile à gauche ? Peut-il accéder au second tour, voire plus si affinités ? Pour y répondre, il faut bien entendu faire un détour par le niveau de la gauche et des différents candidats.
Au premier tour de 2017, la gauche cumulée a réalisé un score de 27,7%. Dans notre dernier sondage, elle est à 25%, soit -2,7 points par rapport à 2017.
Cette baisse est en partie le fait de l’électorat socialiste. Si une grande partie de cet électorat a opéré une bascule vers Emmanuel Macron dès 2017 (plus de 40% des électeurs de François Hollande déclarent avoir voté pour lui dès le premier tour), une part non négligeable de « ce qu’il en reste » anticipe d’opérer cette bascule le 10 avril prochain : 21% des électeurs de Benoît Hamon ont l’intention de voter pour Emmanuel Macron, une proportion strictement identique ayant l’intention de voter pour Anne Hidalgo. Pour comprendre ce qui se joue, il convient de s’arrêter un instant sur ces « fidèles », ces 2,5% d’électeurs qui aujourd’hui déclarent une intention de vote pour Anne Hidalgo. Interrogés sur les facteurs de leur choix, près des trois quarts d’entre eux (74%) répondent qu’ils font ce choix en raison « de son parti, sa famille politique d’origine ». C’est de loin la première raison évoquée, devant « ses propositions politiques » (50% de citations) et très loin devant tout autre facteur. Le vote en faveur d’Anne Hidalgo semble donc d’abord résulter d’un attachement historique au Parti socialiste, d’une fidélité à toute épreuve. Mais il n’est pas vraiment un vote aspirationnel. Cela le rend-il plus ou moins friable ? Toujours est-il qu’aujourd’hui, ce sont moins d’un de ses électeurs potentiels sur deux qui se déclare sûr de son choix. Un sur deux peut encore changer d’avis quant à son vote.
Le vote pour Yannick Jadot relève, pour sa part, de ce que l’on pourrait qualifier de « filiation écologiste ». Ses électeurs potentiels voteront pour lui avant tout pour « ses propositions politiques » (67%), mais aussi pour « son parti, sa famille politique d’origine ». Le ressort « idéologique » semble un peu plus fort chez ses électeurs que chez ceux d’Anne Hidalgo. Mais eux aussi se caractérisent par une forte incertitude : ils sont plus d’un sur deux à déclarer pouvoir encore changer d’avis quant à leur vote.
Enfin, pour Fabien Roussel, le premier ressort est clairement idéologique, plus que partisan : 61% de ses électeurs potentiels voteront pour lui pour « ses propositions politiques », contre 35% pour « son parti, sa famille politique d’origine » et 29% « sa personnalité » (un critère qui compte presque deux fois plus que pour Yannick Jadot et Anne Hidalgo). Son socle électoral apparaît un peu plus solide : chez ses électeurs potentiels, six sur dix se déclarent sûrs de leur choix.
Enfin, pour Jean-Luc Mélenchon, on est clairement sur un vote d’adhésion : 68% de ses électeurs potentiels voteront pour lui pour « ses propositions politiques », très loin devant tout autre facteur. La deuxième raison citée est sa personnalité, à 27%. Et ce sont les trois quarts de ses électeurs potentiels qui se déclarent sûrs de leur choix. On peut donc affirmer qu’il dispose d’une base électorale solide. Il parvient d’ailleurs à convaincre à nouveau près des deux tiers de son électorat de 2017.
La question est donc de savoir s’il est en mesure d’élargir ce socle pour espérer accéder au second tour.
Nous allons tenter de répondre à cette question centrale à travers quelques indicateurs et notamment une question de « potentiel électoral », toute simple : « Pourriez-vous voter pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle ? »
À cette question, 13% des Français inscrits sur les listes électorales répondent qu’ils « voteront certainement pour lui » (un score en cohérence avec ce que nous mesurons dans les intentions de vote). Et 19% répondent qu’ils « pourraient voter pour lui ». Finalement, son potentiel électoral est donc de 32% (en hausse par rapport à une précédente mesure en octobre 2021).
Dans le détail, ce sont 46% des sympathisants Parti socialiste et 47% des sympathisants EE-LV qui pourraient voter pour Jean-Luc Mélenchon. Ce potentiel électoral en faveur de Jean-Luc Mélenchon concerne 43% des électeurs qui expriment aujourd’hui une intention de vote pour Yannick Jadot et 26% de ceux qui expriment une intention de vote pour Anne Hidalgo. Au total, ce sont quatre électeurs sur dix parmi ceux qui expriment aujourd’hui une intention de vote pour Fabien Roussel, Anne Hidalgo ou Yannick Jadot qui « pourraient voter pour Jean-Luc Mélenchon » (41%). Lorsque l’on sait qu’aujourd’hui, à eux trois, ils recueillent 11% des intentions de vote, si tous leurs électeurs n’excluant pas de voter pour Jean-Luc Mélenchon faisaient la bascule, d’un point de vue strictement mathématique, le candidat de La France insoumise obtiendrait 4,5% des voix. Ce qui lui permettrait de passer de 12,5% à 17%, soit le score mesuré actuellement pour Marine Le Pen. Le ticket d’entrée pour le second tour semblant s’abaisser au fur et à mesure de la campagne, il n’est donc pas impossible pour Jean-Luc Mélenchon de figurer au second tour. Mais cela suppose qu’il parvienne à convaincre tous ceux qui aujourd’hui n’excluent pas de voter pour lui et qui utilisent le conditionnel pour exprimer un vote en sa faveur. Ce qui n’est pas une entreprise aisée.
Ajoutons que la porosité ne s’observe pas qu’entre électorats de gauche. Jean-Luc Mélenchon ne laisse pas insensibles certains électeurs d’extrême droite, et notamment ceux de Marine Le Pen, dont la sociologie se rapproche pour partie. En effet, 24% des électeurs exprimant aujourd’hui une intention de vote pour la candidate du RN « n’excluent pas » de voter pour Jean-Luc Mélenchon. Mais l’exercice de conviction et de bascule apparaît plus compliqué puisque le socle de Marine Le Pen apparaît beaucoup plus robuste. 77% de ses électeurs sont sûrs de leur choix. Les électorats d’Anne Hidalgo et de Yannick Jadot, moins consolidés, semblent offrir plus de marges d’évolutions.
Quelles sont, justement, les conditions pour dépasser ce conditionnel et le transformer en futur ? Comment faire pour que ces électeurs qui « pourraient » voter pour Jean-Luc Mélenchon passent à l’acte et décident de voter pour lui le 10 avril prochain ?
Clairement, la logique de « vote utile » peut jouer. Elle est la première raison évoquée par tous les électeurs qui – toutes tendances politiques confondues – déclarent aujourd’hui qu’ils n’excluent pas de voter pour Jean-Luc Mélenchon : 36% déclarent qu’ils pourraient faire ce choix avant tout « dans une optique de vote utile, pour que la gauche ait une chance d’accéder au second tour » quand 33% voteraient d’abord pour lui car il est « le candidat le plus proche de [leurs] idées ». Cette notion de vote utile est de loin le premier levier pour les sympathisants socialistes (56%) et EE-LV (52%) qui pourraient éventuellement voter pour Jean-Luc Mélenchon. Le vote utile est aussi le premier levier chez les électeurs déclarant aujourd’hui une intention de vote pour Fabien Roussel, Anne Hidalgo ou Yannick Jadot, mais qui n’excluent pas de voter in fine pour Jean-Luc Mélenchon (56% de citations comme première raison). 24% pourraient finalement voter pour lui « par défaut, parce qu’aucun autre candidat ne les convainc réellement », 17% parce qu’il est le candidat « le plus proche de leurs idées ».
Attention toutefois, en termes d’âge, c’est chez les 18-24 ans (inscrits) que le potentiel électoral de Jean-Luc Mélenchon est le plus élevé : parmi eux, ils sont 45% à ne pas exclure de voter pour lui au premier tour. Lorsque l’on sait que, traditionnellement, ce sont les plus jeunes qui votent le moins (et cette élection présidentielle ne devrait pas déroger à la règle au vu de nos enquêtes préélectorales), on comprend que le candidat LFI fait face à un autre enjeu : celui de la mobilisation. Pour preuve : son potentiel électoral, de 32% en moyenne, s’établit à 30% chez les électeurs certains d’aller voter, contre 37% chez les votants incertains.
Pour parfaire cette analyse et avoir une vision la plus complète possible de la situation, il convient d’examiner l’autre donnée de cette équation : le potentiel électoral d’Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, le président sortant bénéficie à plein du contexte géopolitique : chez les électeurs qui expriment aujourd’hui une intention de vote en sa faveur (pour rappel : 30%), 47% citent « sa capacité à gérer la crie ukrainienne » dans les facteurs explicatifs de leur choix, devant « ses propositions politiques » (40% de citations, le plus faible niveau enregistré sur cet item pour l’ensemble des candidats). À noter : 32% citent « sa personnalité », ce qui est le positionne en deuxième position sur cet item, derrière Éric Zemmour (43%).
Son potentiel électoral est par ailleurs le plus élevé : à la question : « Pourriez-vous voter pour Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle ? », 24% des Français inscrits sur les listes électorales répondent qu’ils « voteront certainement pour lui » (un score inférieur à celui mesuré en termes d’intention de vote, qui laisse d’ailleurs entendre que l’écart avec le candidat en deuxième position pourrait être plus faible que ce que nous mesurons actuellement). Et 28% répondent qu’ils « pourraient voter pour lui ». Finalement, son potentiel électoral est donc de 52%.
Dans le détail, ce sont 60% des sympathisants Parti socialiste (+14 points par rapport à Jean-Luc Mélenchon) et 64% des sympathisants EE-LV (+17 points) qui pourraient voter pour Emmanuel Macron. Ce potentiel électoral du président sortant concerne 68% des électeurs qui expriment aujourd’hui une intention de vote pour Yannick Jadot (+25 points) et 67% de ceux qui expriment une intention de vote pour Anne Hidalgo. Au total, ce sont plus d’un électeur sur deux parmi ceux qui expriment aujourd’hui une intention de vote pour Fabien Roussel, Anne Hidalgo ou Yannick Jadot qui « pourraient voter pour Emmanuel Macron » (55% contre 41% pour Jean-Luc Mélenchon).
Les électeurs de gauche sont donc – comme près de quatre électeurs sur dix ayant l’intention d’aller voter le 10 avril prochain – encore très incertains pour beaucoup et le jeu est ouvert. Mais dans la valse d’hésitations, le président sortant semble avoir un léger avantage.
Cet avantage est nourri par plusieurs facteurs. Parmi les principales raisons évoquées par les électeurs qui n’excluent pas de voter pour l’actuel président de la République, la première raison est la volonté « d’assurer la continuité dans le contexte de la crise ukrainienne » (36%). Si 30% envisagent de voter pour lui « par défaut, parce qu’aucun autre candidat ne les convainc réellement », 27% citent sa « bonne gestion de la crise sanitaire » et 24% « son bilan plutôt bon ». Autant d’arguments de poids. Auxquels s’ajoute « la volonté de faire barrage à l’extrême droite », qui apparaît même comme la première raison citée par les sympathisants de gauche qui n’excluent pas de voter pour Emmanuel Macron (40%, devant la continuité en période de crise à 37%). Les électeurs exprimant actuellement une intention de vote pour Fabien Roussel, Anne Hidalgo ou Yannick Jadot, mais qui n’excluent pas de voter finalement pour Emmanuel Macron au premier tour mettent en avant ces deux arguments de poids : 47% « assurer la continuité dans le contexte de crise ukrainienne », 42% « pour faire barrage à l’extrême droite » (devant « la bonne gestion de la crise sanitaire » à 32%).
Crise ukrainienne et volonté de faire barrage à l’extrême droite d’un côté, volonté de permettre à la gauche de peser dans le débat et, pourquoi pas, d’accéder au second tour de l’autre. Le cœur des électeurs de gauche balance. Bien sûr, pour certains, ce sera Roussel, Hidalgo ou Jadot. Et pour les autres : Mélenchon ou Macron ? Macron ou Mélenchon ? En réalité, les choses sont plus complexes que cela. Si une minorité des électeurs de gauche peuvent effectivement hésiter entre ces différentes logiques (« vote utile à gauche » pour Jean-Luc Mélenchon ou « vote de raison » pour Emmanuel Macron), la majorité ne pose pas l’équation en ces termes. Rappelons que parmi les électeurs qui aujourd’hui déclarent une intention de vote pour Fabien Roussel, Anne Hidalgo ou Yannick Jadot, plus d’un sur deux exclut totalement de voter pour Jean-Luc Mélenchon (59%). Il serait donc hasardeux de croire que la gauche est un bloc uni et que Jean-Luc Mélenchon peut apparaître comme une figure consensuelle susceptible de rassembler sur son nom, quand une partie des électeurs hésitent au contraire avec Emmanuel Macron. On retrouve ici une ligne de fracture qui semble aujourd’hui difficile à dépasser.
Pour terminer cette analyse, il convient « d’élargir » la focale : le potentiel électoral de Jean-Luc Mélenchon s’établit, certes, à 32%. Il est supérieur à celui d’Éric Zemmour (27%, 73% des Français inscrits sur les listes électorales excluant de voter pour lui). Mais il reste inférieur à celui de Valérie Pécresse (36%) et surtout de Marine Le Pen : quatre Français sur dix déclarent qu’ils pourraient voter pour la candidate du RN. C’est 8 points de plus que Jean-Luc Mélenchon. On en revient au point de départ de l’équation. Jean-Luc Mélenchon a une vraie carte à jouer autour du vote utile à gauche, mais cela reste insuffisant pour une raison essentiellement : la faiblesse de la gauche actuellement. Son réservoir de voix, pour le dire autrement, est restreint. Ce qu’il lui faudrait, pour gagner, c’est unmouvement de bascule inverse à celui de 2017 (qui explique la faiblesse actuelle de la gauche) : faire revenir dans le giron de la gauche des électeurs passés chez Emmanuel Macron. Pas sûr que ce soit possible quand on voit à quel point Emmanuel Macron parvient à conserver cette frange de l’électorat qui a basculé en sa faveur il y a cinq ans déjà (43% des électeurs de François Hollande 2012 ont l’intention de voter pour l’actuel président). Encore moins dans le contexte actuel de crise internationale.
- 1Enquête réalisée les 8 et 9 mars 2022 auprès d’un échantillon de 1 500 personnes inscrites sur les listes électorales, issues d’un échantillon représentatif de 1 614 Français âgés de dix-huit ans et plus. C’est de cette enquête que sont issues les autres données quantitatives mentionnées dans cette note.