Prendre le pouvoir, le joli mois de mai 1981

À l’occasion du trentième anniversaire de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, Floran Vadillo revient sur les débuts de cette nouvelle phase de la vie politique française. Vingt-trois ans durant éloignée du pouvoir, la gauche fait preuve d’une efficacité remarquable dans la prise de ses nouvelles fonctions.

Le 10 mai 1981, l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République ouvre une nouvelle phase dans la vie politique française : pour la première fois depuis 1958, la France connaît un phénomène d’alternance politique. Floran Vadillo propose ici un « exercice commémoratif », rédigé à partir de la table ronde organisée le 9 mars 2011 par la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut François Mitterrand. Il évoque avec justesse le climat et les modalités de cette prise de pouvoir par la gauche française. Il en ressort que, loin de l’anarchie tant redoutée, loin de la guerre civile annoncée, la Ve République et les socialistes font montre de grandes capacités d’adaptation.

Le soir de l’élection, une grande fête populaire, place de la Bastille, inaugure la présidence de François Mitterrand. Par-delà l’euphorie ambiante, les socialistes aborderont avec professionnalisme l’exercice du pouvoir. Le 21 mai ont lieu la passation de pouvoir et la nomination de Pierre Mauroy au poste de Premier ministre, qui mettent fin à « l’interrègne » au cours duquel s’était organisée, autour de Pierre Bérégovoy, une antenne présidentielle, rue de Solférino.

Après la dissolution de l’Assemblée nationale le 22 mai, commence la mise en place de l’entourage présidentiel. Pierre Bérégovoy est nommé Secrétaire général de la présidence de la République. Dans l’Elysée mitterrandien, les conseillers sont choisis pour leur fidélité au parti aussi bien que pour leurs compétences. Suivent la composition du nouveau gouvernement et la « prise » des ministères. Dans la composition du premier gouvernement de Pierre Mauroy, les différents courants du Parti socialiste sont représentés. Les ministres, souvent novices, s’entourent de personnels expérimentés.

Les hommes au pouvoir diffèrent certes quelque peu de leurs devanciers mais la rupture avec le système élitaire autrefois dénoncé ne se dessine pas ; l’administration, loyale, ne subit aucune purge. On n’observe pas non plus de bouleversement dans la composition sociale de l’entourage ministériel.

À l’Élysée, au gouvernement, dans les cabinets ministériels, des hommes et des femmes s’accoutument sans peine à leurs nouvelles fonctions, aux rouages de la machine étatique. La période de l’apprentissage du pouvoir dure finalement très peu de temps : en à peine un mois, tous ont intégré les méthodes de l’Élysée, le fonctionnement des ministères et les codes de l’administration. Une nouvelle ère s’ouvre qui, en réalité, clôt la parenthèse gaulliste ; les socialistes renouent avec l’État.

François Mitterrand quant à lui s’adapte parfaitement au présidentialisme caractéristique de la Ve République en supervisant l’ensemble et en privilégiant souvent les rapports personnels dans le choix de ses collaborateurs, sans jamais que cela se fasse au détriment des compétences. Le nouveau Président imprime ainsi sa marque à l’exercice du pouvoir et détermine une « méthode Mitterrand ».

La transition menée par les socialistes fut donc habile, sans heurt, et pourtant bien réelle. Comme le chante Barbara : « quelque chose a changé, l’air semble plus léger, c’est indéfinissable […], un homme, une rose à la main, a ouvert le chemin, vers un autre demain ».

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