Pourquoi voit-on le monde plus sombre qu’il n’est en réalité ?

Le monde va sans doute mieux que ce que l’on croit, mais un certain nombre de médiateurs, de biais et de réflexes contribuent largement à fausser notre perception de la réalité, nous empêchant véritablement de voir les progrès accomplis. Le politologue Eddy Fougier montre en quoi cela favorise les conduites de repli sur soi et sur sa communauté, alimente un sentiment d’impuissance et une défiance vis-à-vis des gouvernants et plus largement des élites, et donc renforce l’attractivité des courants populistes et/ou radicaux.

3%. Dans une enquête YouGov1Will Dahlgreen, « Chinese people are most likely to feel the world is getting better », YouGov, 5 janvier 2016. menée en 2015, seulement 3% des Français interrogés pensaient que le monde allait mieux. 3% des Australiens, 4% des Allemands et des Britanniques ou 6% des Américains partageaient cette vision optimiste de l’état du monde. En revanche, pas moins de 81% des Français estimaient que le monde allait moins bien. On peut imaginer que, compte tenu des événements qui se sont produits depuis 2015 avec les vagues d’attentats terroristes, la pandémie de Covid-19, les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, les émeutes urbaines ou la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, cette proportion soit encore plus élevée aujourd’hui.

Dans la dernière édition de l’enquête « What Worries the World? » publiée en février 2024, enquête régulièrement réalisée par Ipsos dans 29 pays sur les cinq continents2Ipsos, « What Worries the World? », Ipsos, février 2024., en moyenne 60% des personnes interrogées disent que leur pays ne va pas dans la bonne direction. Ce résultat est à peu près constant depuis dix ans, la part de ceux qui considèrent que leur pays ne va pas dans la bonne direction se situant en moyenne entre 60 et 70%. Ce chiffre s’élève à 77% pour les Français sondés en 2024.

Le Baromètre de la confiance politique du Cevipof, dont les derniers résultats3« En qu[o]i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? », Baromètre de la confiance politique, vague 15, Cevipof – OpinionWay, février 2024. ont été également divulgués en février 2024, montre que l’état d’esprit des Français se caractérise avant tout par la méfiance, la lassitude et la morosité, traits qui sont dominants dans cette enquête depuis quinze ans.

À l’évidence, la morosité, le déclinisme et le pessimisme collectif sont prédominants ces dernières années au sein de la société française, comme dans la plupart des autres pays développés. On peut estimer que ceci est tout simplement le reflet d’une situation objective : chaque jour, dans les médias ou les réseaux sociaux, on peut voir, en effet, quantité d’informations qui semblent valider le fait que le pays est au bord du gouffre, que le présent est particulièrement difficile à vivre et que l’avenir apparaît encore plus sombre, notamment sur le plan climatique.

Il convient cependant de reconnaître le fait qu’il existe aussi un décalage assez notable entre la réalité et la perception dominante de celle-ci dans les médias, les réseaux sociaux numériques, les débats politiques ou bien l’opinion publique. Des enquêtes ou des expérimentations tendent ainsi à montrer l’écart au sein du public entre perceptions et réalité – certains vont alors parler de « perceptions erronées » (misperceptions), qui vont au-delà de la simple ignorance – et que, la plupart du temps, celui-ci a une vision de la réalité plus sombre qu’elle n’est. On peut le voir, par exemple, dans une enquête menée par Ipsos en 2023 dans dix pays4« Il faut le voir pour le croire. Des données à méditer », enquête Ipsos pour les Entretiens de Royaumont, décembre 2023.. Ipsos, plus largement, réalise depuis 2012 une enquête annuelle appelée The Perils of Perception afin d’étudier dans plus de quarante pays l’écart entre les perceptions et la réalité. Or, les résultats de ces enquêtes sont souvent assez édifiants, à tel point qu’Ipsos calcule un indice d’erreur qui mesure l’écart entre la perception des personnes interrogées et les données réelles. On peut ainsi voir dans l’enquête de 2023 que cet indice peut être très élevé sur certaines thématiques, telles que la richesse détenue par les 1% les plus riches, le taux d’homicide ou la proportion de musulmans ou bien des migrants dans la population de son pays. Les Français interrogés estiment ainsi que les 1% les plus riches détiennent 44% de la richesse nationale (contre 13% dans la réalité), que les immigrants représentent 23% de la population nationale (contre 13%) ou que la part des musulmans dans cette même population s’élève à 28% (contre 8,5%). Ils sont également 69% à penser que le taux d’homicide a augmenté depuis 2000 (alors qu’il a baissé durant cette période).

Un ancien dirigeant d’Ipsos Mori, Bobby Duffy, a d’ailleurs écrit un ouvrage dans lequel il reprend et analyse les résultats de ces différentes enquêtes et essaie de comprendre pour quelles raisons « à travers toutes les études et dans chaque pays, les gens se trompent beaucoup sur quasiment tous les sujets que nous avons couvert5Bobby Duffy, The Perils of Perception. Why We’re Wrong About Nearly Everything, Atlantic Books, 2019. ».

Cela fait écho aux résultats des enquêtes ou des expériences réalisées par le célèbre médecin et conférencier suédois Hans Rosling (1948-2017) et la fondation Gapminder qu’il a créée. Lors de ses conférences, Hans Rosling sondait assez systématiquement le public sur ses connaissances relatives à l’évolution du monde. Plus récemment, la fondation Gapminder a mis en place des enquêtes dans le cadre du Gapminder Index Pilot, initiative à l’origine d’« un indice visant à montrer à quel point les individus se trompent sur les progrès de différents pays en mesurant l’écart entre la perception et les données ». Or, dans la plupart des cas, on peut observer là aussi (1) un écart souvent important entre les perceptions et la réalité, y compris chez les personnes les plus éduquées, et (2) la prédominance d’une vision généralement négative ou pessimiste de la réalité. Hans Rosling expliquait ainsi dans son ouvrage Factfulness que « les gens ont une vision du monde catastrophiquement fausse. Pas seulement catastrophiquement fausse, en fait, mais systématiquement fausse6Hans Rosling avec la collaboration d’Ola Rosling et d’Anna Rosling Rönnlund, Factfulness, Paris, Flammarion, 2019, p. 28. », qui se fonde sur ce qu’il appelle une « vision dramatique du monde7Ibid., p. 32. ». Des chercheurs ont également pu mesurer l’écart qui pouvait exister entre les perceptions et la réalité dans de nombreux domaines, par exemple sur la question des inégalités.

Comment expliquer cet écart entre la réalité et la perception que l’on peut en avoir et cette prédominance d’une vision négative ? Si l’on se fie aux travaux de différents auteurs qui ont réfléchi sur ces sujets – Steven Pinker, Hans Rosling, Johan Norberg, Matt Ridley, Bobby Duffy, Max Roser, Jacques Lecomte ou, plus récemment, Maarten Boudry, Hannah Ritchie et Nicolas Bouzou – et si l’on s’appuie sur de nombreux travaux scientifiques, on peut alors identifier deux grands types d’explications. Le premier insiste sur le rôle de « médiateurs » qui, pour diverses raisons, vont nous inciter à voir plutôt le côté sombre de la réalité. Parallèlement, notre cerveau, ainsi que différents biais et réflexes, tant individuels que collectifs, nous incitent tout autant à voir le verre à moitié vide, selon l’expression consacrée. Tout ceci va nous conduire à voir le monde plus sombre qu’il n’est en réalité.

Les médiateurs du négatif

La perception des événements se produisant dans le monde s’effectue la plupart du temps de façon indirecte par le biais du regard et de l’activité de différents médiateurs qui, pour diverses raisons, notamment de nature commerciale et/ou idéologique, ont généralement plutôt intérêt à donner une vision déformée de la réalité et, la plupart temps, à noircir celle-ci.

Les médias et les trains qui n’arrivent pas à l’heure

C’est tout d’abord le cas des médias traditionnels. Ceux-ci sont à l’évidence un facteur qui contribue non seulement à la morosité et au pessimisme ambiants, mais aussi sans aucun doute aux perceptions en large partie faussées qu’une partie de la population peut avoir de la réalité.

Il faut bien admettre que l’actualité couverte par les organes de presse écrite et les médias audiovisuels n’est pas le reflet fidèle de la réalité car ceux-ci tendent d’abord à couvrir des faits dès lors qu’il y a eu une rupture de la normalité. Ainsi que l’affirme Hans Rosling, « Vous ne pouvez pas utiliser les médias si vous voulez comprendre le monde8Hans Rosling, « Man skal ikke bruge medier til at forsta verden » (Vous ne devriez pas utiliser les médias pour comprendre le monde), vidéo, dr.dk, 2015. ».

La presse et les médias ont, en effet, un biais de négativité, qui est maintenant bien connu et bien documenté. Ce sont les fameux trains qui n’arrivent pas à l’heure. Comme le dit le journaliste danois Ulrik Hagerup, cité par Johan Norberg dans Non, ce n’était pas mieux avant. 10 bonnes raisons d’avoir confiance en l’avenir9Johan Norberg, Non, ce n’était pas mieux avant. 10 bonnes raisons d’avoir confiance en l’avenir, Paris, Plon, 2016. Ulrik Hagerup est cité p. 234., « les journalistes s’intéressent plus aux « trous du fromage » – les problèmes et les conflits – qu’au fromage proprement dit, la société et ses progrès ».

En outre, il est aussi évident que la montée en puissance des chaînes d’information en continu et des chaînes d’opinion de type Fox News contribuent à renforcer cette orientation, tout comme la mondialisation de l’information car, à n’importe quel moment, il y a un drame qui se produit quelque part. Or, comme le dit Nicolas Bouzou, les chaînes d’info en continu « attrapent et scotchent le téléspectateur par la mauvaise nouvelle, par la nouvelle spectaculaire, par la nouvelle qui a fait peur10« Les Français sont aspergés de discours exagérément négatifs », entretien avec Nicolas Bouzou, Le Point, 22 février 2024. ». Rappelons à ce propos que la France est le seul pays avec l’Allemagne à compter quatre chaînes d’information, chaînes qui, de l’autre côté du Rhin, à la différence de leurs consœurs françaises, tendent d’ailleurs à accorder une grande place aux documentaires11Voir Alexandre Foatelli, « Les chaînes d’info en continu, une exception française », Les revue des médias, INA, 14 octobre 2016..

Cette tendance de la presse et des médias à privilégier les informations négatives semble même se développer depuis quelques décennies. C’est notamment ce qu’a montré une importante étude parue en janvier 202412Jules H. van Binsbergen, Svetlana Bryzgalova, Mayukh Mukhopadhyay, Varun Sharma, « (Almost) 200 Years of News-based Economic Sentiment », Working Paper 32026, National Bureau of Economic Research, janvier 2024., qui s’appuie sur environ un milliard d’articles publiés dans la presse locale aux États-Unis depuis 1850. Celle-ci confirme l’existence d’un biais de négativité dans la presse et indique que celui-ci tend à se renforcer depuis les années 1970.

Johan Norberg en conclut que « l’effet combiné des reportages fonctionne comme un filtre déformant qui fait paraître le monde bien pire et bien plus dangereux qu’il n’est13Op. cit., p. 237. ». Ceci fait largement écho aux travaux pionniers du spécialiste de la communication George Gerbner (1919-2005), qui est notamment le créateur de la théorie de la culture (Cultivation Theory) et du syndrome du « grand méchant monde » (Mean World Syndrome). La théorie de la culture stipule que plus les individus passent de temps devant la télévision, plus ils vont être enclins à croire que le monde réel ressemble à ce qu’ils voient sur l’écran. Cela vaut en particulier pour l’exposition continue du public à des contenus télévisés de nature violente qui amène celui-ci à voir le monde comme un endroit plus dangereux qu’il n’est en réalité. Le Mean World Syndrome a été mis en évidence par George Gerbner et Larry Gross14George Gerbner, Larry Gross, « Living With Television: The Violence Profile », Journal of Communication, printemps 1976. en 1976. L’expérience qu’ils ont menée a montré que les téléspectateurs les plus assidus surestimaient très largement la dangerosité du monde réel sur la base de l’image que la télévision leur en donnait. Ce résultat a été confirmé ensuite par d’autres expériences du même type. Plus récemment, une étude15Sarah Krongard et Mina Tsay-Vogal, « Online original TV series: Examining protrayals of violence in popular binge-watched programs and social reality perceptions », Psychology of Popular Media, 2020, 9/2, pp. 155-164. s’est intéressée au binge-watching et à l’exposition à la violence dans des séries diffusées par des plateformes de type Netflix. Elle aboutit à des résultats identiques : plus les individus regardent ce type de séries, plus ils sont susceptibles de voir le monde comme « méchant » et effrayant.

Des auteurs16Kim Andersen, Monika Djerf-Pierre, Adam Shehata, « The Scary World Syndrome: News Orientations, Negativity Bias, and the Cultivation of Anxiety, Mass Communication and Society, 23 janvier 2024, pp. 1-23. ont également élargi le concept de Mean World Syndrome dans une publication parue début 2024 en proposant de remplacer celui-ci par un Scary World Syndrome ou « syndrome du monde effrayant », et en y intégrant « un sentiment accru d’insécurité et de danger lié aux risques sociétaux en général », notamment dus au changement climatique.

Il ne faut pas pour autant jeter la pierre aux rédactions et aux directions de journaux. Celles-ci s’efforcent souvent de lutter contre ce biais de négativité, en développant notamment un journalisme de solutions. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré que le consommateur d’informations apparaît lui aussi beaucoup plus réceptif aux informations négatives diffusées par la presse qu’aux informations positives. On cite aussi souvent cette expérience réalisée en décembre 2014 par un journal local de la ville de Rostov-sur-le-Don en Russie, qui a décidé de seulement publier des informations positives pendant un jour. Or, celui-ci a perdu deux tiers de ses lecteurs ce jour-là sur son site web17 Voir « Russia: ‘Good news day’ decimates website’s readership », BBC, 4 décembre 2014.. Plus récemment, les auteurs d’une étude18C.E. Robertson, N. Pröllochs, K. Schwarzenegger, P. Pärnamets, J.J. Van Bavel, S. Feuerriegel, « Negativity drives online news consumption », Nat Hum Behav, 75, mai 2023., basée sur l’analyse d’un peu plus de 100 000 variations différentes d’une même information diffusée par un média en ligne, ont constaté que « les termes négatifs dans les titres augmentaient les taux de consommation (et les termes positifs les diminuaient) ». Ils indiquent par exemple que « pour un titre de longueur moyenne, chaque mot négatif supplémentaire augmente le taux de click de 2,3% ».

Les réseaux sociaux numériques : sous l’emprise des algorithmes

Il est évident que les réseaux sociaux numériques sont aussi un facteur favorable à la diffusion de visions moroses et pessimistes.

Les algorithmes visent à inciter les utilisateurs à rester connectés le plus longtemps possible sur ces réseaux sociaux. Ils le font en leur proposant des sujets censés correspondre à leurs sphères d’intérêt suite à l’observation des contenus qu’ils consultent. Mais cela a pour conséquence de favoriser des « bulles de filtre » dans lesquelles les internautes peuvent se retrouver enfermés en ne consultant qu’un certain type de contenus et/ou de point de vue, alimentant par là même une radicalisation des opinions et une forme d’agressivité. Malgré tout, les algorithmes de certains réseaux sociaux vont plus loin en cherchant à privilégier l’engagement des utilisateurs, ainsi que la « viralité ». Dans un tel cas de figure, plus les messages et plus les débats génèrent de réactions émotionnelles, plus ils seront mis en avant par les algorithmes. Or, on le sait, les contenus qui sont les plus susceptibles de déclencher de nombreuses réactions sont souvent des contenus outranciers, polémiques et clivants. Cela peut aller même jusqu’à la diffusion de fake news.

En 2021, une enquête du Wall Street Journal19« Inside TikTok’s Algorithm: A WSJ Video Investigation », The Wall Street Journal, 21 juillet 2021. a ainsi montré que l’algorithme de TikTok, censé proposer des contenus vidéo liés aux goûts et aux centres d’intérêt de ses utilisateurs, recommande des vidéos qui « perdent progressivement en variété et finissent par nous enfermer progressivement dans une niche de contenus » et « l’application trouve parfois un intérêt à appuyer là où ça fait mal chez les utilisateurs, pour qu’ils continuent à regarder20Amélie Charney, « Comment l’algorithme de TikTok joue sur nos émotions pour nous rendre accro », 01net, 23 juillet 2021. », y compris en exploitant leurs peurs, leurs vulnérabilités ou leur inclination à croire à des théories complotistes. Une étude21Jeff Allen, « Misinformation Amplification. Analysis and Tracking Dashboard », Integrity Institute, 18 octobre 2022., dont les résultats ont été divulgués en 2022, a d’ailleurs montré que les réseaux sociaux au sein desquels la désinformation circule le plus sont Twitter (devenu X entretemps), devant TikTok.

Cela tend par conséquent à donner une prime aux fake news et aux théories conspirationnistes. En 2018, une étude de chercheurs du MIT22Sorouch Vosoughi, Deb Roy et Sinan Aral, « The spread of true and false news online », Science, vol. 359, n°6380, 9 mars 2018. a ainsi montré, sur la base de 126 000 rumeurs diffusées entre 2006 et 2017 sur Twitter (X), qu’une information mettait six fois plus de temps à parvenir à 1 500 personnes si elle était vraie que si elle était fausse et qu’une information fausse avait 70% de chances de plus d’être propagée. Conclusion de Sinan Aral, l’un des co-auteurs de l’étude : « les mensonges se diffusent significativement plus loin, plus rapidement, plus en profondeur et de façon plus large que la vérité dans toutes les catégories d’information, avec des effets plus prononcés quand il s’agit de nouvelles erronées sur la politique23Cité dans Oliver Darcy, « Fake news spreads much faster on Twitter than true news, study finds », CNN Business, 8 mars 2018. ». Les auteurs expliquent ce phénomène par le fait que ces fausses informations génèrent plus d’émotions fortes que les vraies, notamment de la surprise, de l’indignation, de la colère, du dégoût ou de la peur.

Cela a notamment un impact sur les populations qui s’informent principalement par le biais des réseaux sociaux. C’est en particulier le cas des jeunes.

Le rôle des différents « conspirateurs du malheur »

Il convient également de tenir compte du rôle et de l’influence d’un certain nombre d’acteurs qui s’expriment dans l’espace public et qui, pour des raisons de nature idéologique, politique ou stratégique, tendent à mettre systématiquement l’accent sur ce qui ne va pas, sur ce qui se dégrade et sur la catastrophe qui nous attend en se concentrant généralement sur le pire des scénarios et/ou sur le scénario « si l’on ne fait rien ». Ce sont, par exemple, des syndicats (de salariés ou d’employeurs), des partis politiques, des ONG, des associations, des think tanks, des groupes de pression, voire des agences gouvernementales.

Ces différents « conspirateurs du malheur » ont été identifiés par des auteurs avec diverses appellations. Dans leur ouvrage The Power of Bad. How the Negativity Effect Rules Us and How We Can Rule It24Penguin, 2019., Roy Baumeister et John Tierney parlent de « marchands du négatif ». Ce sont, d’après eux, des journalistes, des responsables politiques et des activistes qui exploitent l’effet de négativité. Johan Norberg mentionne, de son côté, les partis politiques, les militants et les groupes de pression qui « exploitent toujours nos peurs pour promouvoir leur idéologie25Op. cit., p. 235. ». Jacques Lecomte emploie, dans Le Monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez !26Paris, Les Arènes, 2017, p. 16., l’expression de « prophètes de malheur » en faisant notamment référence aux scientifiques et aux militants qui « croient que la seule manière de faire passer leur message dans l’opinion publique et chez les décideurs politiques est de dramatiser les résultats tout en minimisant les incertitudes des prédictions », et aux journalistes qui « vont au plus court et au plus sensationnel ». Hans Rosling ne donne pas nécessairement de nom à cette catégorie d’individus, mais rappelle que, du point de vue des militants, « recourir aux sentiments de peur et d’urgence en affirmant des choses exagérées et sans fondement est la seule façon de faire réagir les gens27Op. cit., p. 296. ». Enfin, Nicolas Bouzou qualifie dans son livre La Civilisation de la peur. Pourquoi et comment garder confiance dans l’avenir28Paris, XO Éditions, 2024. de « marchands de la peur » « plusieurs groupes et personnes [qui] ont objectivement intérêt à produire ou à vendre de la peur29« Les Français sont aspergés de discours exagérément négatifs », entretien avec Nicolas Bouzou, Le Point30, 22 février 2024. », en l’occurrence des médias, certains intellectuels, des ONG environnementales ou les oppositions politiques.

Des « ingénieurs du chaos » aux « pédagogues de la catastrophe »

La visibilité et l’influence semble-t-il grandissante de deux grands types de courants catastrophistes, qui tendent donc à considérer que la catastrophe est inévitable, contribuent tout autant à la morosité ambiante.

Le premier est le courant que l’on peut qualifier de « décadentiste ». Il met principalement l’accent sur le triptyque violence-immigration-islam, et sur le risque de « grand remplacement » et/ou de guerre civile. Il est notamment incarné en France par quelqu’un comme Éric Zemmour ou ailleurs par ceux que Giuliano da Empoli a appelé les « ingénieurs du chaos31Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Paris, Jean-Claude Lattès, 2019. ». Ce sont des conseillers de l’ombre de leaders populistes qui recourent à un certain nombre d’outils technologiques (big data, algorithmes) et de techniques de manipulation de l’opinion : Steve Bannon, Gianroberto Casaleggio (Movimento 5 Stelle), Arthur Finkelstein (Viktor Orbán), Dominic Cummings (Brexit), etc. Ils cherchent à exploiter et à fédérer des colères et des peurs au sein des populations afin de les transformer en des mouvements d’opinion. Pour cela, ils s’efforcent de nourrir et d’amplifier la « rage populaire » en jetant systématiquement de l’huile sur le feu et de diriger celle-ci contre les « élites libérales » en rassemblant toutes les « victimes » du « système ».

Le second est un courant dit « effondriste ». Il se concentre principalement sur la menace climatique et donc sur le risque d’« effondrement », défini par l’ancien ministre de l’Environnement Yves Cochet comme un « processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi32Cette définition est mentionnée dans l’ouvrage de Pablo Servigne et de Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015. ». Il est incarné en France par le courant de la collapsologie33Voir à ce propos Jean-Laurent Cassely et Jérôme Fourquet, « La France : patrie de la collapsologie ? », Fondation Jean-Jaurès, 10 février 2020. défini comme « l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition, et sur des travaux scientifiques reconnus34Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, op. cit. », un auteur tel que Pablo Servigne, mais aussi par toutes celles et ceux qui se réfèrent de près ou de loin à la « pédagogie des catastrophes » pour alerter opinion et décideurs et éveiller les consciences. C’est l’écrivain Denis de Rougemont35Denis de Rougemont, Foi et vie, avril 1977., l’un des premiers penseurs de l’écologie en France, qui est à l’origine de l’expression « pédagogie des catastrophes ». Al Gore, cité dans l’ouvrage d’Hans Rosling, disait à ce propos en 2009 que « Nous devons susciter la peur !36Op. cit., p. 290. ». Cette vision a été théorisée par le philosophe allemand Hans Jonas dans Pour une éthique du futur37Paris, Rivages, 1998., via ce qu’il appelle l’« heuristique de la peur », ainsi que par le politologue Jean-Pierre Dupuy dans Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain38Paris, Seuil, 2004., justement autour de cette notion de « catastrophisme éclairé ».

La faible crédibilité du positivisme et des « positivistes »

Parallèlement, le pessimisme ambiant se nourrit sans aucun doute d’une faible crédibilité, du moins aux yeux d’une partie du public, des messages et des messagers optimistes et positifs.

Qu’on le veuille ou non, les discours positifs sont souvent assimilés à une vision de « puissants » et, en définitive, à une justification du « système » et de l’ordre établi. Il est d’ailleurs fréquemment véhiculé par des conservateurs ou des libéraux. Aux États-Unis, l’un des principaux vecteurs de ce type de discours est le site internet Human Progress, qui est un projet développé par le think tank conservateur Cato Institute. C’est également le positionnement de quelqu’un comme Johan Norberg, chercheur au Cato Institute et auteur, comme on l’a vu, de Non ce n’était pas mieux avant, mais aussi d’un Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste39Paris, Plon, 2004. et de The Capitalist Manifesto. Why the Global Free Market Will Save the World40Atlantic Books, 2024.. En France, on peut classer dans cette même catégorie le libéral Nicolas Bouzou, qui a également publié un livre début 2024 pour « garder confiance dans l’avenir », pour reprendre son sous-titre41Nicolas Bouzou, La civilisation de la peur. Pourquoi et comment garder confiance en l’avenir, Paris, XO Éditions, 2024..

En outre, les acteurs ayant un discours public positif et optimiste sont aussi des « puissants » qui font généralement l’objet a minima d’une certaine méfiance de la part d’une partie notable du public, à savoir les gouvernements, les institutions internationales et européennes, ou encore les grandes entreprises ou les grandes marques.

Facteur aggravant depuis quelques années aux yeux de certains, le discours optimiste est de plus en plus assimilé à ce qui est appelé l’« optimisme technologique », ou le « techno-solutionnisme », et fait à ce titre l’objet de vives critiques. C’est l’idée selon laquelle le progrès technologique permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de nous adapter aux effets du dérèglement climatique sur fond de confiance en l’ingéniosité humaine et en sa capacité à surmonter cet immense défi par l’innovation scientifique et technologique. Pour beaucoup de scientifiques et de militants, cet optimisme technologique fait même partie des justifications de l’inaction climatique42William F. Lamb et al., « Discourses of climate delay », Global Sustainability 3, e17, 2020, pp. 1-5.. Le chercheur Julian Allwood, coauteur du cinquième rapport du Giec, va même jusqu’à expliquer que le « techno-optimisme » est dangereux car il « bloque toute action sérieuse d’atténuation du réchauffement climatique43Cité dans Thomas Baïetto, « Réchauffement climatique : la technologie suffira-t-elle à régler le problème ? », France Télévisions, 13 décembre 2021. ».

Les biais et réflexes négatifs

Pour quelles raisons voyons-nous le monde plus sombre qu’il n’est en réalité ? On l’a vu, des médiateurs contribuent à fausser et à assombrir en grande partie notre perception de la réalité. Mais ceci n’est pas lié uniquement à des facteurs extérieurs. Un certain nombre de biais et de réflexes individuels et collectifs alimentent aussi une telle vision sombre.

Le cerveau humain et son « biais de négativité »

Le premier « fautif » en la matière est tout simplement le cerveau humain en raison de son « biais de négativité ».

Ce biais est même, d’après le psychologue social américain Roy Baumeister, « l’un des principes psychologiques les plus fondamentaux qui semble être vrai partout44Jill Suttie, « How to Overcome Your Brain’s Fixation on Bad Things », entretien réalisé par Roy Baumeister, Greater Good Magazine, 13 janvier 202045. ». Celui-ci rend les individus plus sensibles aux mauvaises nouvelles qu’ils vont mieux retenir parce qu’elles vont provoquer en eux de fortes émotions et du stress. Le cerveau humain a été programmé de la sorte pour des raisons de survie biologique afin d’optimiser les chances de survie des humains en tant qu’individus et en tant qu’espèce. Différentes études en concluent ainsi que le négatif est de façon quasi systématique plus fort que le positif, et ce, dans la plupart des domaines.

C’est ce qui va expliquer en particulier la « loi de la vélocité des mauvaises nouvelles » mise en avant par le philosophe des sciences belge Maarten Boudry46Maarten Boudry, « The Seven Laws of Pessimism », Quillette, 26 janvier 2024. Ce texte a été traduit et republié dans Le Point, « Pourquoi l’état du monde nous déprime autant, alors que la vie n’a jamais été aussi belle », 5 février 2024., selon laquelle les mauvaises nouvelles se diffusent beaucoup plus rapidement que les bonnes, comme on a pu le voir à propos des réseaux sociaux numériques. Cela fait écho à ce qui est appelé la « loi de Brandolini » selon laquelle « il est facile et rapide de propager une fausse information, mais il est long et difficile de rétablir la vérité en expliquant et démontant les faux arguments47Loup Lassinat-Foubert, « Comment le complotisme et la colère prospèrent grâce à l’algorithme des réseaux sociaux », Ouest-France, 30 mai 2023. », notamment via un fastidieux travail de fact-checking.

En outre, le cerveau humain tend également à déformer quelque peu notre perception de la réalité, via ce que l’on appelle des « biais cognitifs ». C’est notamment le cas de ce que les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky ont qualifié d’« heuristique de disponibilité48Amos Tversky et Daniel Kahneman, « Availability: A heuristic for judging frequency and probability », Cognitive Psychology, vol. 5, n°2, septembre 1973, pp. 207-232. ». Cela signifie que les individus ne vont pas évaluer la probabilité qu’un événement se produise ou sa fréquence sur la base de données empiriques, mais plutôt sur la facilité avec laquelle ils vont se remémorer un événement similaire dont ils ont généralement entendu parler dans les médias. Ils vont ainsi tendre à estimer que, plus un événement est mémorable, parce qu’il a généré en eux de fortes émotions, plus la probabilité qu’un événement similaire se produise sera élevée. Cela va ainsi les inciter, par exemple, à surestimer la probabilité d’un accident d’avion, d’un attentat terroriste ou d’une attaque de requin et à sous-estimer, parallèlement, la probabilité d’une chute, d’une noyade ou d’une électrocution accidentelles.

La mauvaise image des optimistes

Même si les études tendent à démontrer tous les bienfaits de l’optimisme, notamment sur la santé mentale et physique, reconnaissons-le, les optimistes n’ont pas toujours une bonne image.

Il y a tout d’abord un sentiment assez commun selon lequel l’optimiste est plutôt quelqu’un de naïf, de crédule, hors sol (il est accusé de nier la dure réalité), inconscient des risques (on l’accuse alors d’être la victime d’un « biais optimiste » consistant à penser qu’il est moins susceptible d’être exposé à des événements négatifs que les autres) ou qui a un cœur de pierre (il est jugé insensible à la misère et aux malheurs du monde). En définitive, l’optimisme n’est pas nécessairement assimilé à l’intelligence. Ce qui n’est pas le cas du pessimiste, qui est souvent perçu comme quelqu’un de lucide, de réaliste (il voit le monde tel qu’il est vraiment) et donc comme quelqu’un d’intelligent.

Comme l’écrit Matt Ridley dans son livre The Rational Optimist: How Prosperity Evolves49Fourth Estate, 2011., « Si vous dites que le monde s’améliore, vous risquez d’être traité de naïf et d’insensible. Si vous dites que le monde va continuer à s’améliorer, vous êtes considéré comme un fou embarrassant. Si, en revanche, vous dites que la catastrophe est imminente, vous pouvez vous attendre à un prix McArthur pour le génie ou même au prix Nobel de la paix ». Une explication intéressante à ce propos a été avancée par Jason Crawford sur le site The Roots of Progress50Jason Crawford, « Why pessimism sounds smart », The Roots of Progress, 25 avril 2022.. Pour lui, « l’optimisme nécessite souvent de croire en des avancées futures inconnues et non précisées – ce qui semble fantaisiste et naïf. Si vous vous en tenez très sobrement, sagement, prudemment au connu et à ce qui est éprouvé, vous serez forcément pessimiste ».

Le sentiment largement partagé selon lequel c’était mieux avant

La morosité et le pessimisme ambiant se nourrissent aussi d’un réflexe passéiste et nostalgique vieux comme le monde consistant à penser que « c’était mieux avant ». On le voit bien dans les enquêtes d’opinion. Ainsi, dans l’enquête « Fractures françaises » Ipsos / Sopra Steria de septembre 202351« Fractures françaises », 11e édition, enquête Ipsos / Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et l’Institut Montaigne, septembre 2023., 73% des personnes interrogées estiment qu’en France, c’était mieux avant et 71 % disent s’inspirer de plus en plus des valeurs du passé, résultats à peu près constants depuis 2014. Mais ce n’est pas qu’un phénomène français. Une étude52Catherine E. de Vries et Isabel Hoffman, « The Power of the Past. How Nostalgia Shapes European Public Opinion », Bertelsmann Stiftung, 5 novembre 2018. menée en 2018 indique que 67% des Européens sondés pensent que c’était mieux avant, tandis qu’une autre étude53« Global Attitudes Survey », Pew Research Center, printemps 2017. réalisée un an auparavant montrait également que, pour les populations interrogées dans de nombreux pays, la vie était meilleure il y a cinquante ans. C’était notamment le cas pour les Argentins, les Italiens, les Grecs, les Français, les Brésiliens ou les Américains.

Cela renvoie bien évidemment en grande partie aux mythes de l’âge d’or ou du paradis perdu. Et c’est loin d’être nouveau. C’était mieux avant54Paris, Tallandier, 2022., un livre du philosophe Lucien Jerphagnon, qui a ressemblé un grand nombre de citations passéistes, montre que cela fait a minima plus de trente siècles que l’on pense que c’était mieux avant. Cela fait écho à ce que Steven Pinker a appelé l’« illusion du bon vieux temps55Steven Pinker, « The Psychology of Pessimism », Cato’s Letter, vol. 15, n°1, hiver 2015. », à savoir « la nostalgie d’une époque durant laquelle la vie était plus simple et plus prévisible ». Hans Rosling a parlé, de son côté, dans Factfulness du fait que « nos souvenirs idéalisent le passé56Op. cit., p. 89. » car « l’être humain oublie très facilement « comment c’était » réellement ». Nous y reviendrons.

En réalité, des études montrent que l’on est à la fois victime d’un biais de négativité dans notre perception du présent et d’un biais positif par rapport au passé, dernier biais qui croit d’ailleurs avec l’âge. W. Richard Walker, John J. Skowronski et Charles P. Thompson expliquent ainsi dans un article57W. Richard Walker, John J. Skowronski, Charles P. Thompson, « Life Is Pleasant – and Memory Helps to Keep It That Way ! », Review of General Psychology, vol. 7, n°2, 2003, pp. 203-210. que « la plupart des individus perçoivent leur vie comme étant plus souvent positive que négative et que les émotions négatives associées à de mauvais événements ont tendance à s’estomper avec le temps, alors que les émotions positives associées à de bons événements tendent à persister ». Ils notent d’ailleurs que cela représente une exception à la vision selon laquelle le négatif est supérieur au positif.

Le psychologue Roger Eibach considère, de son côté, que si les individus ont plus de responsabilités en vieillissant et sont plus vigilants aux menaces, notamment pour leurs enfants, parallèlement, ils voient leurs capacités décliner, ce qui tend à les amener à attribuer à tort « ces changements en [eux-mêmes] en changements dans le monde58Cité dans Steven Pinker, « The Psychology of Pessimism », Cato’s Letter, op. cit. ».

L’invisibilité des progrès

Un autre élément alimentant la morosité et le pessimisme réside tout simplement dans le fait que ce qui s’améliore ne se voit pas vraiment car, en général, les progrès sont graduels et imperceptibles. En revanche, ce qui se détériore est le plus souvent bien visible.

Hans Rosling explique ainsi dans Factfulness qu’il est « facile d’être au courant de toutes les choses qui vont mal dans le monde. Il est plus difficile, en revanche, d’être conscient de ce qui va bien : des milliards de progrès passent inaperçus. […] Je parle de progrès fondamentaux, qui sont en train de changer le monde, mais sont trop lents, trop fragmentés, ou trop petits pris un par un pour passer aux informations 59Op. cit., p. 73. ».

Cela correspond à ce que Maarten Boudry désigne comme la « loi de l’invisibilité des bonnes nouvelles »60Op. cit. qu’il décrit ainsi : « le progrès se fait petit à petit et à bas bruit, alors que la régression se fait brutalement et attire tout de suite notre attention ». Les économistes avaient déjà fait cette remarque à propos de la mondialisation par exemple61Voir, par exemple, Mark R. Brawley, The Politics of Globalization. Gaining Perspective, Assessing Consequences, Broadview Press, 2003.. Ses bienfaits sont, en effet, le plus souvent invisibles (faiblesse du prix de certains produits) ou vont de soi (films ou séries étrangères, restaurants japonais, mexicains ou indiens, produits informatiques importés), tandis que ses inconvénients, eux, sont bien visibles et même quelquefois concentrés sur certaines populations spécifiques (par exemple la délocalisation d’une usine dans une région déjà sinistrée économiquement).

La faible visibilité des progrès effectués combinée à la tendance des individus à enjoliver le passé contribuent ainsi à leur faire oublier « comment c’était avant ». Hans Rosling rapporte à ce propos l’anecdote suivante : « Dans les années 1970, l’écrivain et journaliste Lasse Berg a écrit un excellent ouvrage sur l’Inde rurale. Quand il y retourna vingt-cinq ans plus tard, il a pu voir à quel point la situation avait changé. […] Quand Lasse a montré ses photos des années 1970 [aux villageois], ils n’arrivaient pas à croire qu’elles avaient été prises dans leur quartier. « Non, disaient-ils, ça ne peut pas être ici. Vous vous trompez, c’est sûr. On n’a jamais été aussi pauvres »62Op. cit., pp. 89-90. ».

Le paradoxe de Tocqueville

Un autre phénomène apparaît aussi important. Au fur et à mesure que les sociétés se développent et que la situation des individus s’améliore, en toute logique, leurs exigences tendent à augmenter et toute forme de recul devient particulièrement insupportable.

Ce phénomène est connu sous le nom de « paradoxe de Tocqueville ». Alexis de Tocqueville exposait, en effet, le paradoxe suivant dans De la Démocratie en Amérique (1835) : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil, mais quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C’est pour cela que le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande ». Ainsi que l’affirme Martine Peyrard-Moulard63Martine Peyrard-Moulard, « Le paradoxe sur la tolérance aux inégalités (ou paradoxe de Tocqueville), Pour l’éco, 22 décembre 2021., « plus un peuple voit sa situation s’améliorer et son bien-être augmenter, plus son pouvoir d’achat et son accès aux biens considérés comme la norme sociale augmentent. Bref, plus il tend ainsi vers l’égalité des conditions donc approche de son but, plus il est sensible à la distance (devenant insupportable) qui le sépare encore du but ». Cela signifie par conséquent que la réduction constante des inégalités tend à accroître les frustrations : « le mécontentement est alors permanent puisque l’amélioration de ses conditions objectives de vie devient de plus en plus ardue, tendant à créer des attentes toujours plus élevées et qui augmentent plus rapidement encore que l’amélioration de sa situation objective ».

C’est ce qu’exprime bien également Maarten Boudry : « À mesure que les sociétés gagnent en sécurité et en prospérité, nous exigeons toujours plus d’elles et relevons toujours plus haut le seuil définissant le « sûr » ou le « prospère ». Plus les mauvaises nouvelles se font rares à nos oreilles, plus nous sommes choqués quand nous en entendons. D’où une conservation de l’indignation : qu’importent les progrès réalisés par notre espèce, la quantité totale de plaintes et de récriminations restera à peu près constante64Op. cit. ». Il indique par ailleurs qu’« une fois la solution trouvée, les gens oublient le problème initial et ne voient plus que le reste des problèmes. Le problème ayant tendance à effacer ses traces, on oublie souvent la laideur du problème initial pour se concentrer sur celle, résiduelle, de la solution ».

Cela fait aussi écho au paradoxe de l’information de l’activisme des droits humains mis en évidence par Kathryn Sikkink65Kathryn Sikkink, « The Information Paradox: How Effective Issue Creation and Information Politics Can Lead to Perceptions of the Ineffectiveness of Transnational Advocacy », dans Transnational Advocacy Networks: Twenty Years of Evolving Theory and Practice, Dejusticia, 2018, pp. 26-40. selon lequel « en sensibilisant aux violations des droits de l’homme, les activistes donnent souvent l’impression que les pratiques s’aggravaient, alors qu’en réalité, elles se faisaient simplement plus visibles ». C’est ce qui est souvent perçu à propos de certains phénomènes où la libération de la parole, la levée des tabous et des craintes font que les victimes de violences vont davantage porter plainte. Or, le fait d’en parler bien davantage dans l’espace public et de voir le nombre de plaintes augmenter donne le sentiment, souvent à tort, que le phénomène s’accroît, alors qu’il ne fait que devenir plus visible.

L’obsolescence programmée des connaissances

Les connaissances que l’on a de l’état et de la situation du monde ou même de son pays sont souvent obsolètes. C’est ce qui expliquerait en partie notre vision faussée et sombre de la réalité.

Max Roser et Hannah Ritchie66Max Roser et Hannah Ritchie, « Optimism and Pessimism », Our World in Data, 27 juin 2018. remarquent ainsi que, dans les enquêtes d’opinion, les individus qui sont les mieux informés sur la façon dont le monde a changé ces dernières décennies sont aussi les plus optimistes pour l’avenir et, à l’inverse, ceux qui ont de faibles connaissances sont généralement pessimistes (même s’ils reconnaissent qu’il est impossible d’établir une relation de cause à effet en la matière).

L’obsolescence de ces connaissances peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Celles-ci sont généralement liées à ce que l’on a appris durant nos études et dans nos manuels scolaires, alors que le monde change vite et que l’on a beaucoup de mal à intégrer et même souvent à prendre conscience de tous ces changements. On doit y ajouter également un certain nombre de préjugés, de biais idéologiques et bien évidemment, comme on l’a vu, la difficulté pour les médias de traiter des progrès lents. Max Roser et Hannah Ritchie en concluent à ce propos que « les systèmes éducatifs et les médias ne parviennent pas à transmettre une perspective pertinente sur la façon dont le monde évolue67Ibid. ». Pour Gapminder, « la plupart des gens comprennent le monde en généralisant des expériences personnelles qui sont très biaisées ». Paul Dolan68Cité dans Max Roser et Hannah Ritchie69, op. cit., professeur à la LSE, estime quant à lui que les individus tendent à se montrer pessimistes sur les questions nationales ou internationales pour trois raisons : (1) ils pensent rarement à l’état du monde ou de leur pays et ils répondent aux questions dans les enquêtes sans trop y réfléchir ; (2) ils peuvent être influencés par la façon dont la question est posée ; (3) enfin, il convient de tenir compte de l’heuristique de disponibilité, et donc des événements récents qui ont pu se produire et qui sont restés gravés dans la mémoire des individus.

Une perception inquiète des risques

Pour des auteurs, tels que Max Roser, Hans Rosling ou Steven Pinker, les statistiques sont sans aucun doute le meilleur moyen de voir et de comprendre le monde tel qu’il est vraiment.

Or, une certaine forme d’innumérisme est quelque chose d’assez courant. Cela correspond aux difficultés que certains individus peuvent avoir en calcul et en mathématiques. Le public a, en effet, souvent du mal avec les statistiques et les probabilités. Le cerveau humain a également un certain nombre de biais qui ne facilitent pas non plus leur compréhension. Le spécialiste de l’alimentation Claude Fischler explique ainsi qu’« on n’est pas vraiment bien équipé70Claude Fischler, « Quand les crises alimentaires réveillent les utopies », Controverses de Marciac, 2000. » pour faire des raisonnements probabilistes : « nous ne sommes pas capables, spontanément, d’adopter un raisonnement probabiliste. Il faut une gymnastique mentale importante ».

Ceci a notamment un impact sur la perception des risques par le grand public. Ainsi, dans son évaluation des risques, celui-ci ne tend pas vraiment à s’appuyer sur des critères quantitatifs : la probabilité qu’un risque se matérialise (par exemple un accident d’avion vs un accident de voiture) ou bien le fameux principe de Paracelse selon lequel « c’est la dose qui fait le poison ». Les expériences, notamment menées à partir des années 1970 par Paul Slovic et son équipe71Voir, par exemple, Paul Slovic, « Perception of Risk », Science, 236, 17 avril 1987, pp. 280-285., ont mis en évidence que, pour le public, les risques connus et maîtrisables ne font pas nécessairement l’objet de craintes particulières (par exemple tabac, alcool, accidents de la route, ski alpin). En revanche, les risques jugés les plus élevés aux yeux du public sont ceux qui sont perçus comme invisibles et peu maîtrisables, tels que la radioactivité ou bien différents résidus présents dans des denrées alimentaires (résidus de pesticides ou d’antibiotiques). De même, les expériences réalisées par le psychologue américain Paul Rozin72Paul Rozin, « Réflexion sur l’alimentation et ses risques. Perspectives psychologiques et culturelles », dans Marian Apfelbaum (dir.), Risques et peurs alimentaires, Paris, Odile Jacob, 1998. montrent que le public n’adhère pas au principe de Paracelse. Pour ce dernier, il y a un risque à partir du moment où il y a du « poison » dans un produit quelle qu’en soit la dose. Claude Fischler en conclut que « cela ne rentre pas bien dans nos têtes cette idée que la dose fait le poison, que le risque est un processus graduel, probabiliste. Le risque [pour le grand public], cela reste : oui/non73Claude Fischler, op. cit. ». Enfin, il existe aussi souvent au sein du public une confusion entre risque et danger.

C’est ce qui explique, par exemple, ce que les spécialistes appellent la « tragédie du sens commun » résumée ainsi par le sociologue Jean-Louis Lambert : « c’était dans le système alimentaire le plus sécuritaire de toute l’histoire de l’humanité qu’il y avait de plus en plus de populations inquiètes74Cité dans CEP, « Toxi-infections alimentaires, évolution des modes de vie et production alimentaire », Analyse, n°56, avril 2013. ».

*

Ce texte part du postulat selon lequel le monde va sans doute mieux que ce que l’on croit, mais qu’un certain nombre de médiateurs, de biais et de réflexes, qui contribuent largement à fausser notre perception de la réalité, nous empêchent véritablement de voir les progrès accomplis. Il ne vise pas pour autant à montrer que le monde va bien et que le public serait trop incompétent ou trop facilement manipulable pour s’en rendre compte. Il ne s’agit pas davantage de désigner à la vindicte tel ou tel acteur ou bien de se culpabiliser, mais plutôt de prendre conscience de ce qui se passe et de l’impact que cela peut avoir. Car cette vision sombre du monde et de l’avenir a à coup sûr un impact sur la santé mentale et même physique des individus alors que les données de Santé publique France indiquent déjà à quel point la santé mentale des Français, et notamment des jeunes, se dégrade ces dernières années. Par ailleurs, il est aussi évident qu’une vision sombre de la réalité actuelle et de l’avenir contribue à favoriser des conduites de repli sur soi et sur sa communauté et d’évitement, à alimenter un sentiment d’impuissance et une défiance vis-à-vis des gouvernants et plus largement des élites, et donc à renforcer l’attractivité des courants populistes et/ou radicaux.

Dans un tel contexte, il paraît primordial de tomber ni dans le déni ni dans le désespoir car ces deux attitudes ne peuvent que conduire à des impasses et de tenter de combiner à un échelon collectif, comme Philippe Gabilliet nous y engage, un optimisme de but et un pessimisme de chemin : « C’est cet optimisme flexible qui nous permettra, tout en restant confiants en la réussite ultime de nos projets, de nous préparer à la lutte, de réfléchir sereinement sur des problèmes éventuels, d’anticiper pour éviter qu’ils ne surviennent, voire de relativiser notre déception en cas d’échec75Philippe Gabilliet, Éloge de l’optimisme. Quand les enthousiastes font bouger le monde, Paris, Éditions Saint-Simon, 2010. ».

  • 1
    Will Dahlgreen, « Chinese people are most likely to feel the world is getting better », YouGov, 5 janvier 2016.
  • 2
    Ipsos, « What Worries the World? », Ipsos, février 2024.
  • 3
    « En qu[o]i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? », Baromètre de la confiance politique, vague 15, Cevipof – OpinionWay, février 2024.
  • 4
    « Il faut le voir pour le croire. Des données à méditer », enquête Ipsos pour les Entretiens de Royaumont, décembre 2023.
  • 5
    Bobby Duffy, The Perils of Perception. Why We’re Wrong About Nearly Everything, Atlantic Books, 2019.
  • 6
    Hans Rosling avec la collaboration d’Ola Rosling et d’Anna Rosling Rönnlund, Factfulness, Paris, Flammarion, 2019, p. 28.
  • 7
    Ibid., p. 32.
  • 8
    Hans Rosling, « Man skal ikke bruge medier til at forsta verden » (Vous ne devriez pas utiliser les médias pour comprendre le monde), vidéo, dr.dk, 2015.
  • 9
    Johan Norberg, Non, ce n’était pas mieux avant. 10 bonnes raisons d’avoir confiance en l’avenir, Paris, Plon, 2016. Ulrik Hagerup est cité p. 234.
  • 10
    « Les Français sont aspergés de discours exagérément négatifs », entretien avec Nicolas Bouzou, Le Point, 22 février 2024. 
  • 11
    Voir Alexandre Foatelli, « Les chaînes d’info en continu, une exception française », Les revue des médias, INA, 14 octobre 2016.
  • 12
    Jules H. van Binsbergen, Svetlana Bryzgalova, Mayukh Mukhopadhyay, Varun Sharma, « (Almost) 200 Years of News-based Economic Sentiment », Working Paper 32026, National Bureau of Economic Research, janvier 2024.
  • 13
    Op. cit., p. 237.
  • 14
    George Gerbner, Larry Gross, « Living With Television: The Violence Profile », Journal of Communication, printemps 1976.
  • 15
    Sarah Krongard et Mina Tsay-Vogal, « Online original TV series: Examining protrayals of violence in popular binge-watched programs and social reality perceptions », Psychology of Popular Media, 2020, 9/2, pp. 155-164.
  • 16
    Kim Andersen, Monika Djerf-Pierre, Adam Shehata, « The Scary World Syndrome: News Orientations, Negativity Bias, and the Cultivation of Anxiety, Mass Communication and Society, 23 janvier 2024, pp. 1-23.
  • 17
     Voir « Russia: ‘Good news day’ decimates website’s readership », BBC, 4 décembre 2014.
  • 18
    C.E. Robertson, N. Pröllochs, K. Schwarzenegger, P. Pärnamets, J.J. Van Bavel, S. Feuerriegel, « Negativity drives online news consumption », Nat Hum Behav, 75, mai 2023.
  • 19
    « Inside TikTok’s Algorithm: A WSJ Video Investigation », The Wall Street Journal, 21 juillet 2021.
  • 20
    Amélie Charney, « Comment l’algorithme de TikTok joue sur nos émotions pour nous rendre accro », 01net, 23 juillet 2021.
  • 21
    Jeff Allen, « Misinformation Amplification. Analysis and Tracking Dashboard », Integrity Institute, 18 octobre 2022.
  • 22
    Sorouch Vosoughi, Deb Roy et Sinan Aral, « The spread of true and false news online », Science, vol. 359, n°6380, 9 mars 2018.
  • 23
    Cité dans Oliver Darcy, « Fake news spreads much faster on Twitter than true news, study finds », CNN Business, 8 mars 2018.
  • 24
    Penguin, 2019.
  • 25
    Op. cit., p. 235.
  • 26
    Paris, Les Arènes, 2017, p. 16.
  • 27
    Op. cit., p. 296.
  • 28
    Paris, XO Éditions, 2024.
  • 29
    « Les Français sont aspergés de discours exagérément négatifs », entretien avec Nicolas Bouzou,
  • 30
    , 22 février 2024.
  • 31
    Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Paris, Jean-Claude Lattès, 2019.
  • 32
    Cette définition est mentionnée dans l’ouvrage de Pablo Servigne et de Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015.
  • 33
    Voir à ce propos Jean-Laurent Cassely et Jérôme Fourquet, « La France : patrie de la collapsologie ? », Fondation Jean-Jaurès, 10 février 2020.
  • 34
    Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, op. cit.
  • 35
    Denis de Rougemont, Foi et vie, avril 1977.
  • 36
    Op. cit., p. 290.
  • 37
    Paris, Rivages, 1998.
  • 38
    Paris, Seuil, 2004.
  • 39
    Paris, Plon, 2004.
  • 40
    Atlantic Books, 2024.
  • 41
    Nicolas Bouzou, La civilisation de la peur. Pourquoi et comment garder confiance en l’avenir, Paris, XO Éditions, 2024.
  • 42
    William F. Lamb et al., « Discourses of climate delay », Global Sustainability 3, e17, 2020, pp. 1-5.
  • 43
    Cité dans Thomas Baïetto, « Réchauffement climatique : la technologie suffira-t-elle à régler le problème ? », France Télévisions, 13 décembre 2021.
  • 44
    Jill Suttie, « How to Overcome Your Brain’s Fixation on Bad Things », entretien réalisé par Roy Baumeister, Greater Good Magazine,
  • 45
    .
  • 46
    Maarten Boudry, « The Seven Laws of Pessimism », Quillette, 26 janvier 2024. Ce texte a été traduit et republié dans Le Point, « Pourquoi l’état du monde nous déprime autant, alors que la vie n’a jamais été aussi belle », 5 février 2024.
  • 47
    Loup Lassinat-Foubert, « Comment le complotisme et la colère prospèrent grâce à l’algorithme des réseaux sociaux », Ouest-France, 30 mai 2023.
  • 48
    Amos Tversky et Daniel Kahneman, « Availability: A heuristic for judging frequency and probability », Cognitive Psychology, vol. 5, n°2, septembre 1973, pp. 207-232.
  • 49
    Fourth Estate, 2011.
  • 50
    Jason Crawford, « Why pessimism sounds smart », The Roots of Progress, 25 avril 2022.
  • 51
    « Fractures françaises », 11e édition, enquête Ipsos / Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès, le Cevipof et l’Institut Montaigne, septembre 2023.
  • 52
    Catherine E. de Vries et Isabel Hoffman, « The Power of the Past. How Nostalgia Shapes European Public Opinion », Bertelsmann Stiftung, 5 novembre 2018.
  • 53
    « Global Attitudes Survey », Pew Research Center, printemps 2017.
  • 54
    Paris, Tallandier, 2022.
  • 55
    Steven Pinker, « The Psychology of Pessimism », Cato’s Letter, vol. 15, n°1, hiver 2015.
  • 56
    Op. cit., p. 89.
  • 57
    W. Richard Walker, John J. Skowronski, Charles P. Thompson, « Life Is Pleasant – and Memory Helps to Keep It That Way ! », Review of General Psychology, vol. 7, n°2, 2003, pp. 203-210.
  • 58
    Cité dans Steven Pinker, « The Psychology of Pessimism », Cato’s Letter, op. cit.
  • 59
    Op. cit., p. 73.
  • 60
    Op. cit.
  • 61
    Voir, par exemple, Mark R. Brawley, The Politics of Globalization. Gaining Perspective, Assessing Consequences, Broadview Press, 2003.
  • 62
    Op. cit., pp. 89-90.
  • 63
    Martine Peyrard-Moulard, « Le paradoxe sur la tolérance aux inégalités (ou paradoxe de Tocqueville), Pour l’éco, 22 décembre 2021.
  • 64
    Op. cit.
  • 65
    Kathryn Sikkink, « The Information Paradox: How Effective Issue Creation and Information Politics Can Lead to Perceptions of the Ineffectiveness of Transnational Advocacy », dans Transnational Advocacy Networks: Twenty Years of Evolving Theory and Practice, Dejusticia, 2018, pp. 26-40.
  • 66
    Max Roser et Hannah Ritchie, « Optimism and Pessimism », Our World in Data, 27 juin 2018.
  • 67
    Ibid. 
  • 68
    Cité dans
  • 69
    , op. cit.
  • 70
    Claude Fischler, « Quand les crises alimentaires réveillent les utopies », Controverses de Marciac, 2000.
  • 71
    Voir, par exemple, Paul Slovic, « Perception of Risk », Science, 236, 17 avril 1987, pp. 280-285.
  • 72
    Paul Rozin, « Réflexion sur l’alimentation et ses risques. Perspectives psychologiques et culturelles », dans Marian Apfelbaum (dir.), Risques et peurs alimentaires, Paris, Odile Jacob, 1998.
  • 73
    Claude Fischler, op. cit.
  • 74
    Cité dans CEP, « Toxi-infections alimentaires, évolution des modes de vie et production alimentaire », Analyse, n°56, avril 2013.
  • 75
    Philippe Gabilliet, Éloge de l’optimisme. Quand les enthousiastes font bouger le monde, Paris, Éditions Saint-Simon, 2010.

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