Plan de relance pour le sport, encore un effort…

Le plan de relance, évalué à 100 milliards d’euros par le gouvernement, consacre finalement au sport 120 millions d’euros, soit 0,12% de l’enveloppe. Attendu par tous les acteurs du sport amateur, ce plan va dans le bon sens mais se révèle insuffisant, voire décevant, selon Richard Bouigue et Pierre Rondeau, pour l’Observatoire du sport de la Fondation.

Un plan à 37 millions, puis à 120 millions 

Les premières annonces du gouvernement, le 3 septembre dernier, ont suscité une pluie de critiques. Sur les 34 milliards d’euros consacrés à la « cohésion sociale et territoriale » – qui comprend des mesures en faveur de l’emploi, notamment de l’emploi des jeunes –, 37 millions sont fléchés pour « l’emploi des jeunes dans le mouvement sportif » répartis en 12 millions sur deux ans pour le dispositif SESAME et 25 millions sur deux ans pour les emplois sportifs qualifiés. 37 millions, et puis c’est tout… 

C’est le surlendemain – à l’issue d’une réunion à Matignon autour du Premier ministre, Jean Castex, du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu et d’une dizaine de représentants du monde sportif – que nous avons appris que le montant du plan de relance attribué au monde du sport sera de 120 millions d’euros et transitera par l’Agence nationale du sport (ANS). 

Dans cette enveloppe, 30 millions d’euros supplémentaires sont destinés à aider les clubs amateurs et les fédérations sportives. « L’objectif est d’empêcher toute fermeture de clubs » qui verraient le nombre de licenciés chuter, explique le directeur de l’Agence, Frédéric Sanaur. Une autre partie est également fléchée pour renforcer la pratique du sport à distance, via le développement du numérique. Ces 30 millions d’euros vont gonfler l’enveloppe annoncée en juillet dernier de 15 millions d’euros pour les petites associations sportives.

À cela s’ajoutent 50 millions d’euros (25 millions en 2021 et 25 millions en 2022) consacrés aux équipements sportifs et à leur rénovation, notamment avec un renforcement des objectifs de transition énergique et écologique.

Une aide salutaire mais insuffisante  

Si les mesures annoncées sont salutaires et vont dans le bon sens, reconnaissons toutefois qu’elles restent insuffisantes au regard des besoins. À commencer par le nombre, la répartition et la rénovation des équipements sportifs qui constituent depuis des années un enjeu de taille pour la pratique du sport dans notre pays. 

Équipements sportifs : un renouvellement qui tarde…

Sur un total de 271 862 équipements sportifs, près de 40% datent d’avant 1984, 61% ont plus de vingt-cinq ans et 2,3% (6300) ont même été construits avant 1945. Dans plus de huit cas sur dix, ces équipements sont la propriété de collectivités locales, principalement des communes et des intercommunalités.

Selon le recensement des équipements sportifs, 70% n’ont jamais bénéficié de gros travaux. En s’intéressant aux équipements aquatiques, et plus particulièrement ceux à destination de la pratique sportive et/ou d’apprentissage de la natation (hors bassins ludiques ou toboggans), ce sont 40% qui ont été construits avant 1975 et 62% avant 1985.

Les équipements doivent, en outre, accueillir des publics nombreux et divers – sportifs licenciés, sportifs non licenciés, public scolaire, personnes en situation de handicap, etc. Or, cette polyvalence des équipements n’est actuellement pas garantie

La rénovation des équipements est une vieille antienne. Déjà, en 2009, la Cour des comptes dans son rapport indiquait que « la vétusté des équipements sportifs […] conduira les collectivités propriétaires à programmer, dans les prochaines années, des investissements considérables pour mettre en conformité les installations (sécurité, hygiène, santé) et moderniser leur conception ». En 2015, la Cour estimait à 21 milliards d’euros le coût du chantier : 6 milliards pour la mise aux normes et 15 milliards pour adapter les équipements aux nouvelles attentes des pratiquants. Gageons que le montant des travaux n’a pas diminué – notamment pour s’inscrire dans des objectifs climatiques. Il est clair que nombre de communes ou d’intercommunalité ne peuvent engager ces dépenses sans aide de l’État. 

Frédéric Sanaur, le directeur de l’ANS, estime que les crédits du plan de relance vont permettre à son agence de cofinancer la rénovation de 200 à 300 équipements sportifs en plus ces deux prochaines années. Concrètement, l’Agence pourra financer en deux ans ce qu’elle aurait fait en trois ans. Ce n’est pas négligeable, mais on est très loin du compte. Les 50 millions du plan de relance paraissent bien faibles au regard du chantier à entreprendre. 

Et des carences qui perdurent

À côté des rénovations, il ne faut pas oublier que la carence en équipements dans certains territoires ne permet pas de garantir un égal accès au sport pour toutes et tous. Une enquête de la BPCE pointe ainsi 19 départements – les « distanciés » – dans lesquels la pratique du sport est en net retrait : ils présentent parallèlement une moindre densité d’équipements sportifs publics et d’associations et, plutôt fragiles économiquement, attirent peu l’offre privée.

Parmi ces territoires moins dotés que d’autres, on compte notamment le cas d’agglomérations importantes, comme la région parisienne, des zones rurales et des collectivités d’Outre-mer. Ainsi, la région parisienne compte presque deux fois moins d’équipements sportifs que le reste de la France. 

Les quartiers prioritaires – au sens de la politique de la ville (QPV) – souffrent aussi d’un déficit global en équipements sportifs, ainsi que d’importantes différences entre quartiers. Parmi les 100 quartiers de la politique de la ville, l’ANS rappelle que 68 ont les niveaux d’équipements à 1000 mètres les plus faibles et les moins accessibles parmi les 375 QPV de métropole n’abritant aucun équipement sportif, et 32 présentent un taux de plus de 10% de résidents n’ayant accès à aucun des six types d’équipements sportifs structurants à quinze minutes de marche : bassins de natation, salles multisports (gymnases), salles spécialisées (dont les salles de combat), équipements d’athlétisme, terrains de grands jeux (football, rugby…) et courts de tennis.

L’ANS dispose en 2020 d’un budget de 40 millions d’euros pour remédier à ces inégalités territoriales : 15 millions au niveau national pour les équipements structurants, les équipements sinistrés et les équipements mis en accessibilité (pour lesquels 2 millions sont réservés), 5 millions transférés au niveau régional pour un maximum de 105 équipements, 8 millions pour le plan de développement en Corse et en Outre-mer et 12 millions pour les équipements dédiés à l’apprentissage de la natation au titre du plan Aisance aquatique. 

Or, ce budget de l’État alloué en faveur des projets d’équipements des collectivités ne cesse de baisser, passant de 68 millions d’euros en 2013 à 40 millions d’euros en 2020. À titre d’exemple, en 2019, ce sont plus de 174 millions d’euros de demandes de subventions qui ont été sollicités sur des projets d’équipements structurants, pour seulement 15,5 millions d’euros de crédits alloués. 

C’est d’ailleurs pourquoi, à la veille de l’annonce du plan de relance par le Premier ministre, les élus locaux (AMF, ADF, France urbaine, ARF et ANDES) ont écrit à la ministre pour demander un « Plan de soutien en faveur du secteur sportif et des collectivités locales ». Là encore, les crédits du plan de relance sont les bienvenus, mais on est loin du compte pour amorcer une politique de rééquilibrage.  

En réalité, c’est d’un plan Marshall dont les équipements sportifs ont besoin dans notre pays, pas d’un coup de pouce sur deux ans.  

Un pacte avec les collectivités locales 

Le sport en France bénéficie d’une clause de compétence partagée, les collectivités territoriales participant à son financement. Les dépenses des collectivités territoriales représentent ainsi environ 70% de la dépense publique sportive, les 30% restants étant du ressort de l’État.

En 2016, sur une dépense sportive nationale de 37 milliards d’euros, leur contribution se portait à 9,2 milliards d’euros, dont une part significative provenait du bloc local, estimée à 8,6 milliards – soit 93,5% du total –, 491 millions d’euros pour les départements (5%), 143 millions pour les régions (1,5%). 

On comprendra dans ces conditions que toute politique publique du sport qui n’associerait pas étroitement les collectivités territoriales et qui ne leur donnerait pas les moyens d’agir serait vouée à l’échec. C’est le rôle attribué aux conférences des financeurs de permettre de clarifier le rôle des collectivités « mais on prend beaucoup de retard dans leur mise en place et l’État ne doit pas décider à la place des collectivités localement », comme le rappelle le député de la Loire, Régis Juanico. Avant d’ajouter que « l’État doit demeurer le garant de l’application des politiques publiques sportives dans le cadre d’un service public partout dans nos territoires. Les aides aux emplois sportifs qualifiés – pour un montant de près de 50 millions d’euros – doivent par exemple demeurer une prérogative de l’État, pas des fédérations ».

On le comprend, le plan de relance doit s’accompagner d’une nouvelle gouvernance du sport qui permette de mieux spécialiser le rôle des différents acteurs. À titre d’exemples, les  équipements sportifs de proximité et les subventions aux clubs pourraient revenir aux communes ; le sport professionnel et les grandes infrastructures aux intercommunalités ; les publics les plus éloignés de la pratique sportive et handisport aux départements ; la formation et la gestion des CREPS aux régions, etc. 

Les associations sportives jouent leur avenir 

La filière sport lourdement impactée par la crise 

Tout le secteur du sport a été lourdement frappé par la crise liée à la Covid-19 – le chiffre d’affaires des entreprises de la filière sport pourrait chuter de 78 milliards d’euros à 54 milliards d’euros en 2020 selon l’Observatoire de l’économie du sport de BPCE –, 4 milliards de plus que les estimations du ministère en mai 2020. 

Parmi les 112 000 entreprises de la filière, les 85 000 sans salarié devraient subir « une perte d’activité de l’ordre de 25 à 40% » particulièrement dans le domaine de l’enseignement et du coaching. Les 27 000 autres sociétés, qui emploient des salariés, sont à peine mieux loties puisque 19% se déclarent déjà en difficulté et 16%, qui étaient en rétablissement, fragilisées.

L’étude précise toutefois qu’« un fort rebond est toutefois attendu l’année prochaine ». Elle souligne par ailleurs que les plateformes numériques et d’e-sport, plébiscitées pendant le confinement, devraient continuer à séduire les fans et « stimuler le développement des sport techs ». BPCE observe même un impact positif à la crise à plus long terme : « L’économie du sport devrait bénéficier de la prévalence des enjeux de santé publique et de la montée des préoccupations individuelles pour la préservation du capital santé ».

Les associations en grandes difficultés 

Cet optimisme n’est toutefois pas partagé du côté des associations sportives. Elles sont plus de 360 000 en France (un quart de l’ensemble), représentent 13,1 milliards d’euros de budgets cumulés, emploient 115 000 emplois salariés et comptent plus de 3 millions de bénévoles – correspondant à 364 000 postes équivalent temps plein et dont la valorisation est comprise entre 5 et 10 milliards d’euros. 

Ces associations demeurent de taille disparate. Ainsi, 62% de ces associations ont moins de 100 adhérents et même 36% moins de 50. Elles dépendent largement du bénévolat – et ne sont pas éligibles au fonds de solidarité gouvernemental. Elles ont subi les conséquences du confinement, de la mise en place des distanciations physiques, du protocole de désinfection et d’une reprise plus lente et plus tardive de leurs activités que dans le reste de l’économie. 

Cette crise est arrivée au plus mauvais moment de l’année, obligeant les dirigeants à annuler les événements du printemps et de l’été qui représentent une source de revenus majeure pour la trésorerie des associations. Selon une étude d’impact de la Centrale du sport, une start-up stéphanoise, auprès de 3 000 clubs, ces dernières ont dû annuler en moyenne dix événements, entre mars et juin 2020, pour une perte financière estimée à 10 000 euros. Les sponsors de ces clubs sont en outre pour moitié des artisans et commerçants, des bars et restaurants locaux, durement touchés par la crise. 

La mauvaise situation des entreprises a aussi des conséquences sur le financement des clubs. Une étude de l’Union Sport & Cycle, publiée lors du confinement, indique que 60% des entreprises liées à l’économie du sport pourraient mettre fin à leurs partenariats dès l’automne prochain. Les clubs craignent aussi une chute des inscriptions liées à la baisse du pouvoir d’achat des familles et à la crainte d’une seconde vague. 

Pourtant, malgré des contraintes sanitaires sans précédent, 40% des Français ont continué à pratiquer une activité physique et sportive pendant le confinement, 20% ont pu découvrir de nouvelles activités sportives.

Un plan de relance insuffisant pour les associations 

Le plan s’inscrit dans un contexte particulier pour le sport marqué par la disparition du ministère des Sports, désormais placé sous la tutelle de celui de l’Éducation nationale, sans parler de la baisse chaque année, depuis 2017, du budget consacré au sport, la disparition du CNDS, le devenir incertain des 1600 conseillers techniques, la cessation d’activité de nombreux clubs amateurs  –4 000 en quatre ans rien que dans le football, comme le rappelle Éric Thomas, le président de l’Association française de football amateur –, etc.

Enfin, les politiques de soutien à l’emploi prévues dans le plan de relance, et qui là encore ne sont pas inintéressantes, ne compensent pas les quelque 28 000 emplois aidés – qui ont représenté près du tiers des emplois associatifs sportifs – et dont la suppression massive depuis 2017 a mis de nombreuses associations en difficulté.  

La ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, a rappelé que le secteur du sport a bénéficié de 2,8 milliards d’euros grâce aux aides de l’État comme les prêts garantis ou le recours au chômage partiel. Mais ce ne sont pas des aides directes pour les clubs du sport d’en bas, avec peu ou pas de salariés (11% des associations sportives sont employeurs), et les prêts, s’ils ont été obtenus, devront être remboursés. 

Il faut préciser que les associations sportives sont les parents pauvres des aides publiques. Les ressources publiques représentent 23% des budgets des associations sportives, contre 50% des ressources de l’ensemble des associations tous secteurs confondus. Autrement dit, une association sportive est en moyenne deux fois moins aidée qu’une association d’un autre secteur.

Face aux conséquences d’une crise inédite, les dirigeants des associations avaient les yeux rivés sur ce plan de relance. On peut se féliciter de la rallonge de 30 millions d’euros qui portent à 45 millions l’aide aux clubs amateurs fonctionnant sans salarié. Mais elle paraît encore sous-évaluée au regard des besoins du terrain.   

Le gouvernement semble avoir enfin pris la mesure de la situation, il faut encore une fois s’en féliciter. Mais pourquoi alors ne donne-t-il pas suite à la création du chèque sport pour aider les familles les plus modestes à reprendre des licences à la rentrée (proposition du député Régis Juanico et du sénateur Jean-Pierre Lozach) ou au crédit d’impôt exceptionnel sur les dépenses de sponsoring sportif (proposition du député Cédric Roussel, président du groupe d’étude « Économie du sport » à l’Assemblée nationale) ?   

Rappelons qu’en plus de participer à la relance économique durable, le sport participe à la cohésion sociale, au bien-être et au vivre-ensemble, il favorise l’intégration, la santé pour toutes et tous et lutte contre le repli sur soi et le mal-être. Pour autant, il demeure complexe à ce jour de quantifier précisément ces bénéfices sociaux. 

Des solutions existent pour un plan ambitieux pour le sport 

Disons-le, à moins de quatre ans des Jeux olympiques de Paris, le gouvernement envoie un signal encore trop faible au monde du sport à travers ce plan de relance. 

Cela est d’autant plus regrettable que des mesures pour un plan de relance du sport existent et que nombre d’entre elles font consensus. Ici même, il y a quelques mois, nous en posions plusieurs dans le débat public, dont la plus importante, le déplafonnement de la taxe Buffet, prélevée sur les droits de retransmission des sports professionnels et restée bloquée, malgré l’inflation des droits, à 40 millions d’euros pour chaque discipline. 

On peut ajouter aussi le déplafonnement des taxes sur les paris sportifs, la renationalisation provisoire de la Française des jeux et le rétablissement des contrats aidés dans le secteur sportif et le monde associatif. D’après nos estimations, tous ces éléments mis bout à bout permettaient de récolter plus de 240 millions sur une seule saison, sans aucune augmentation d’impôts, et allégeraient grandement les difficultés subies par les clubs.

D’autres propositions ont été faites, notamment par la commission « Sport » au Sénat et le groupe d’étude « Sport » à l’Assemblée nationale, et sont aussi à poser sur la table, à discuter et à débattre, comme l’allégement de la loi Evin sur la vente des boissons alcoolisées dans les stades ou l’exonération des charges sociales durant du confinement et au-delà. Des pistes existent, il est temps de les activer.

Pour répondre aux besoins de rénovation du parc des équipements sportifs existants, il nous semble opportun de reprendre la proposition formulée notamment par l’ANDES qui consiste à intégrer les équipements sportifs dans les priorités visées par l’abondement d’un milliard d’euros de l’enveloppe de la DSIL, qui ne cible actuellement que la maîtrise énergétique des bâtiments, la santé ou la restauration du patrimoine non classé.

Lors de la soirée Sporsora, où de nombreux acteurs économiques étaient présents, la ministre des Sports a donné deux pistes de travail. La première : défiscaliser, au moins partiellement, les dépenses de sponsoring pour les entreprises qui continueraient à s’investir dans le sport. La deuxième est une mesure d’accompagnement spécifique pour l’événementiel, la culture et le sport afin de compenser les pertes de billetterie liées à la limitation du nombre de spectateurs dans les enceintes sportives, où la jauge, sauf dérogation préfectorale, reste maintenue à 5000 spectateurs. Elles ne figurent pas dans le plan de relance, seront-elles versées aux débats sur le PLF 2021 ?

« Le travail est fait, il faut qu’il soit maintenant porté politiquement », affirmait récemment Cédric Roussel. Chiche ?

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