À l’approche du premier tour des élections législatives anticipées, la nouvelle vague de l’Enquête électorale française 2024 publiée par la Fondation Jean-Jaurès, l’Institut Montaigne, Le Monde, le Cevipof, France.tv et Radio France, et réalisée par Ipsos, permet à Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation, de faire un point sur la participation et les dynamiques de vote.
Dans quelques jours se tiendra le premier tour des élections législatives, seulement trois semaines après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président de la République.
Les données de la nouvelle vague de l’Enquête électorale française, réalisée par Ipsos du 21 au 24 juin 2024 sur un échantillon de près de 12 000 personnes, sont d’une aide précieuse pour envisager les enjeux de ce scrutin.
Point sur la participation
Concentrons-nous tout d’abord sur les dynamiques de participation pour ces prochaines élections législatives. À l’heure actuelle, 63% des Français se disent certains d’aller voter. Sans atteindre les niveaux de participation du premier tour de l’élection présidentielle de 2022 (74%), ce chiffre est élevé pour des élections législatives, bien davantage qu’en 2022 (48%). Cet effet de sidération provoqué par l’annonce de la dissolution a déjà eu un premier effet : remobiliser une partie de l’électorat – 81% des électeurs se disent d’ailleurs intéressés par le scrutin. Par ailleurs, nous sommes à même de constater des différences générationnelles assez importantes dans l’intention d’aller voter (graphique 1).
Graphique 1. Certitude d’aller voter aux prochaines élections législatives, selon la catégorie d’âge
Alors que seulement 51% des 18-24 ans et 48% des 25-34 ans sont certains d’aller voter, ces chiffres augmentent dans les catégories d’âge supérieures, pour atteindre 77% chez les 70 ans et plus.
Ces différences générationnelles sont par ailleurs bien plus explicatives des dynamiques de mobilisation électorale que les variables sociologiques « classiques » : l’écart entre l’intention de participer des ouvriers (54%) et celle des cadres (64%) n’est que de dix points, quand l’écart entre l’intention de participer des 18-24 ans (51%) et celle des 70 ans et plus (77%) est de 26 points.
Point sur les dynamiques de vote
Regardons maintenant les équilibres électoraux et les intentions de vote pour ces législatives (graphique 2).
Graphique 2. Intentions de vote pour les prochaines élections législatives, chez les Français certains d’aller voter
Si l’alliance entre le Rassemblement national (RN) et Éric Ciotti est assez largement en tête (36%), le Nouveau Front populaire (NFP) résiste avec 29% des intentions de vote, soit trois points de plus que le score obtenu par la Nupes en 2022. Notons que si les responsables des partis composant le NFP n’ont pas été avares de critiques les uns envers les autres ces derniers jours, cette alliance semble « tenir » dans les urnes : 94% des électeurs de Manon Aubry, 82% des électeurs de Léon Deffontaines, 72% des électeurs de Marie Toussaint et 72% des électeurs de Raphaël Glucksmann déclarent qu’ils voteront pour un candidat du Nouveau Front populaire.
À l’inverse, la coalition Ensemble subit un fort recul, passant de 26% en 2022 à 19,5% d’intentions de vote le 30 juin prochain.
Mobiliser la jeunesse, l’enjeu majeur pour la gauche
Concentrons-nous enfin sur les intentions de vote en fonction des catégories d’âge (graphique 3).
Graphique 3. Intentions de vote aux prochaines élections législatives, selon la catégorie d’âge, chez les Français certains d’aller voter
Tout d’abord, on constate que les intentions de vote suivent des dynamiques inverses selon l’âge, entre le NFP et Ensemble. Alors que les intentions de vote pour le NFP baissent avec l’âge (43% chez les moins de 35 ans, 30% chez les 35-59 ans et 21% chez les 60 ans et plus), elles augmentent avec l’âge dans le cas d’Ensemble (11% chez les moins de 35 ans, 16% chez les 35-59 ans et 27% chez les 60 ans et plus). Au contraire, le Rassemblement national bénéficie d’un électorat assez équilibré en termes d’âge (31% chez les moins de 35 ans, 36% chez les 35-59 ans et 30% chez les 60 ans et plus).
Mais c’est bien ce fait important qu’il faut souligner : si, comme nous le disions dans la première partie, la jeunesse est la catégorie de la population la plus démobilisée, c’est également celle qui vote le plus à gauche. Si certains peuvent s’en étonner (en parlant régulièrement du « phénomène Bardella » chez les jeunes), la recherche a pourtant bien montré cette spécificité de la jeunesse française actuelle : pour le dire simplement, elle partage les valeurs de la gauche mais choisit cependant de ne pas voter lors des élections autres que l’élection présidentielle1Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017..
Tout l’enjeu pour la gauche dans ces quelques jours de campagne est donc de mobiliser cette jeunesse en lui parlant simplement et directement. Cela ne se passera pas uniquement par le fait de rappeler le danger de voir l’extrême droite arriver au pouvoir, mais par le fait de marteler les propositions et les sujets qui préoccupent cette jeunesse : le pouvoir d’achat et l’environnement.
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Abonnez-vous- 1Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017.