Le département des Landes et le groupe La Poste se sont engagés en juin 2016 dans un projet innovant de recherche et de développement pour mieux vivre à domicile. Xavier Fortinon, président du conseil départemental des Landes, revient, pour l’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales de la Fondation et Solutions solidaires, sur cette expérimentation à destination des seniors.
L’expérimentation mise en place suite à l’accord signé en juin 2016 entre Henri Emmanuelli, président du conseil départemental des Landes, et Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste, a pour objectif de proposer un bouquet de services numériques et humains, adaptés aux besoins des seniors, pour leur permettre de développer leur autonomie à domicile.
Prévenir la perte d’autonomie et favoriser le soutien à domicile
Dans le cadre de ses missions, le conseil départemental des Landes a décidé de faire de la politique d’accompagnement des personnes vulnérables une priorité. Le département des Landes a fait très tôt le pari d’investir dans la prévention de la perte d’autonomie à domicile, afin de répondre à l’attente massive des Français de rester vivre chez eux le plus longtemps possible.
En se basant sur l’innovation sociale et en s’appuyant sur les nouvelles technologies, de nombreuses innovations ont été déployées sur le territoire landais. En 1986, le département des Landes fut le premier à proposer un service public de téléassistance à destination des personnes âgées : le service téléalarme. Aujourd’hui, ils sont 8 000 Landaises et Landais à en bénéficier, pour zéro à dix euros par mois selon leur situation, quand des dispositifs privés sont, ailleurs, bien plus chers.
L’expérimentation et la recherche furent les principaux outils mobilisés par le département afin de s’adapter aux besoins des populations fragiles tout en s’appuyant sur de nouvelles technologies. C’est ainsi que des échanges furent engagés avec le professeur Lareng (inventeur du Samu) afin de créer des dispositifs visant à accompagner nos aînés dans leur quotidien avec trois objectifs : améliorer la sécurité, entretenir le lien social et proposer des services s’adaptant aux budgets des bénéficiaires.
S’ensuivirent alors d’autres innovations toutes aussi novatrices : le numéro vert Im’age, le village Alzheimer… Avec la création de XL autonomie le Département a donc franchi une nouvelle étape dans le soutien à domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, notamment par le biais du bouquet de services « vivre à domicile ».
Le fruit d’une expérimentation innovante et réussie de deux ans
Cette expérimentation, unique en son genre, a permis de proposer à 43 seniors landais d’un âge moyen de soixante-quinze ans un bouquet de services combinant nouvelles technologies (tablette numérique, éclairage nocturne automatisé, jeux cognitifs digitaux, téléassistance standard ou avec actimétrie), services humains (visite de lien social par le facteur, portage de médicaments et de biens culturels) et un accompagnement humain personnalisé (via un accompagnant postier formé en gérontologie).
L’évaluation du dispositif réalisée par le cabinet Médialis a montré des résultats positifs :
- 92 % des usagers pensent que les solutions proposées améliorent leur qualité de vie ;
- 100 % des bénéficiaires trouvent utile la possibilité d’échanger régulièrement avec l’accompagnant postier ;
- près de huit personnes sur dix souhaitent conserver les services à l’issue de l’expérimentation.
Au terme d’une expérimentation réussie de deux ans, le département des Landes a choisi La Poste pour créer en avril 2019 la société XL autonomie. Entièrement opéré par La Poste, ce nouveau service public facilite l’insertion et l’accompagnement des personnes vulnérables dans les Landes. L’avantage de la formule est double : marier la caution institutionnelle du conseil départemental (chef de file de l’action sociale) à l’image de confiance et la capacité opérationnelle du groupe La Poste à délivrer un service sur l’ensemble du territoire.
De la société XL autonomie est né le bouquet de services « Vivre à domicile ».
Ce service s’appuie sur plusieurs grands principes. En premier lieu, il prend en compte la situation individuelle de la personne accompagnée : son environnement familial social et matériel, son accès et son équipement numérique et ses habitudes de vie afin de s’adapter aux attentes et besoins de l’usager. N’ayant pas de finalité mercantile, il est soumis au libre choix de la personne accompagnée, veille à l’acceptabilité des solutions et respecte les fragilités de chacun. La priorité est donnée à l’humain dans ce dispositif adressé à des bénéficiaires souffrant parfois de l’isolement : il inclut un accompagnement humain personnalisé réalisé par un référent local de proximité formé à l’approche gérontologique et au contact relationnel avec les personnes vulnérables.
De plus, cette offre s’adapte aux besoins de la personne accompagnée dans le temps en apportant une réponse graduée à la modification de son autonomie. Il répond ainsi aux grands risques de fragilités liées à l’avancée en âge : la baisse de mobilité, l’augmentation des risques de chute, les besoins de stimulation cognitifs, l’isolement et la fracture numérique. Le dispositif est conçu pour faciliter l’autonomie de la personne accompagnée en levant les freins numériques, financiers (abonnement forfaitaire tout compris) et d’usage. Il est accessible à toutes les personnes vulnérables du département afin de garantir l’équité territoriale.
Enfin, ce dispositif s’intègre parfaitement à l’écosystème local : il est complémentaire à l’action des aidants familiaux et des professionnels. Il vise à renforcer le lien social et simplifie l’accès aux services, sans s’y substituer. Il permet également (avec l’accord express de la personne accompagnée) d’orienter le bénéficiaire vers les structures locales compétentes en cas de besoins non couverts par le service.
Un modèle économique s’appuyant sur de multiples acteurs
Afin de rendre ce service accessible au plus grand nombre, le modèle économique prévoit la mise en place d’un multifinancement qui vient répartir l’effort d’investissement sur l’ensemble des parties prenantes : les usagers, le département, les communes (CIAS, CCAS), la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, divers régimes de retraite et la Mutualité française des Landes. Depuis mars 2019, XL autonomie est également titulaire d’une autorisation départementale en tant que Service d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) pour l’assistance dans les actes quotidiens de la vie aux personnes vulnérables. Grâce à cette déclaration, le service est éligible dans son intégralité au crédit d’impôt relatif aux services à la personne et peut s’intégrer notamment dans les plans d’aide APA et PCH.
De plus, en juin 2021, un partenariat s’est noué entre XL autonomie et la Mutualité française des Landes. Cette convention signée avec huit mutuelles a eu pour effet de baisser le reste à charge du bénéficiaire, les mutuelles prenant cinq euros de part dans la charge de l’abonnement au service.
Le reste à charge du bénéficiaire est alors proposé sous la forme d’un abonnement mensuel forfaitaire de vingt-cinq euros TTC qui revient à quinze euros TTC par mois après avantage fiscal et cela pour l’ensemble des services proposés.
L’accompagnement humain : la clé de voûte du service
Un accompagnement humain personnalisé complète le dispositif avec un interlocuteur unique formé, mis à la disposition de chaque usager. L’accompagnant est l’interlocuteur privilégié des seniors, mais également des personnes handicapées ou malades chroniques. À l’écoute et disponible à chaque demande, il permet de les relier au monde extérieur grâce au numérique, à des équipements de sécurité et des services de proximité. Postier dédié et formé en gérontologie, le rôle de l’accompagnant est triple : incarner la proximité humaine, faciliter l’utilisation des équipements et tisser le lien avec les autres. Il est présent tout au long du dispositif pour soutenir et guider les bénéficiaires par téléphone ou à domicile. Il effectue l’installation et assure avec eux la découverte des équipements. Il aide à la prise en main de la tablette numérique et forme à son utilisation à domicile. Il vérifie également le bon fonctionnement du matériel et assure le SAV. Il planifie les services de proximité délivrés par les facteurs et organise la remontée des informations en provenance des bénéficiaires en cas de difficulté identifiée lors des visites. L’accompagnant est attentif aux demandes de ses bénéficiaires et les aide dans leurs démarches administratives. Au fil du temps, il leur propose les services adaptés à l’évolution de leur situation. En cas de nouveau besoin, il prend le temps de les écouter et de comprendre leurs attentes afin de trouver les meilleures solutions disponibles en lien avec l’écosystème local.
Cet accompagnement humain est essentiel et particulièrement apprécié par les bénéficiaires qui souffrent souvent d’isolement. Le maintien du lien social est l’une des finalités visée par le dispositif.
Des résultats probants
Plusieurs centaines d’usagers bénéficient actuellement du dispositif. Les profils des usagers sont divers : des personnes âgées sans invalidité (95 %), des personnes handicapées (4 %) ou des malades chroniques (1 %).
La population accompagnée est constituée majoritairement de femmes (71 %) et dotée d’un âge moyen d’entrée dans le dispositif de quatre-vingt-un ans. Le nombre moyen de services souscrits par usager est de trois. Les services les plus souscrits sont la tablette numérique (87 %), la téléassistance (85 %), l’éclairage nocturne (35 %), les jeux cognitifs (32 %), les visites de lien social (23 %) et le portage de médicaments (11 %).
Le déménagement d’XL autonomie au sein du Village landais Alzheimer (VLA) de Dax en juin 2020 a permis d’être au cœur de l’innovation du programme « Bien vieillir dans les Landes » en associant les deux programmes que constituent XL autonomie (volet domicile) et le VLA (volet établissement).
En effet, en agissant le plus en amont possible pour limiter, retarder, voire éviter des situations de glissement vers la dépendance, le conseil départemental vise le pari de gagner plusieurs mois, voire années de vie en bonne santé pour tous les bénéficiaires. Au niveau collectif, les gains pour les finances publiques sont importants : une APA versée plus tard et sur des montants maîtrisés, des hospitalisations non programmées évitées, une plus faible pression sur le niveau des subventions d’équilibre nécessaires aux structures d’aides à domicile.
Afin de conforter cette vision et accélérer le passage à l’échelle de cette innovation sociale, une étude médico-économique appelée Vivadom a été lancée en novembre 2021 pour une durée de trois ans. Placée sous l’autorité scientifique du Pr Achille Tchalla (PUPH au CHU Limoges), cette étude cherche à prouver scientifiquement les impacts cliniques et médico-économiques du service « Vivre à domicile » pour les usagers et la puissance publique. Il s’agit de la mesure du gain de qualité de vie et du retour sur investissement de la démarche de prévention à partir des optimisations obtenues sur les budgets alloués à la perte d’autonomie (dépendance, santé, hospitalisations). Cette étude, cofinancée par la CNSA, la Banque des territoires et la Région Nouvelle-Aquitaine, servira à la fois de réassurance et d’outil d’aide à la décision pour réorienter massivement des financements vers la prévention.
Parce que l’avancée en âge doit rester une chance, parce que notre société isole autant qu’elle ne rapproche, le service public XL autonomie innove au service des Landais pour apporter au quotidien des solutions nouvelles à ce défi inédit de la longévité humaine.