Mettre fin au théâtre des questions au gouvernement

À la fin de l’année 2017, François de Rugy menaçait de supprimer les questions au gouvernement (QAG), à la suite de plusieurs séances agitées. Faisant écho au débat sur une réforme éventuelle des QAG, Émeric Bréhier, directeur de l’Observatoire de la vie politique de la Fondation Jean-Jaurès et ancien député de Seine-et-Marne, revient sur la pratique de cet exercice et soumet ses recommandations. 

Dans la phase d’apprentissage des mœurs parlementaires, que ce soit dans « l’ancien » ou dans le « nouveau » monde, la première question d’actualité est toujours un moment fort. Prendre la parole dans un hémicycle rempli, sous l’œil attentif et forcément bienveillant de ses collègues (surtout de la majorité…), en respectant la règle des deux minutes est un exercice périlleux. Il y a toujours un sentiment, bien légitime, de fierté du parlementaire se pliant à l’exercice. Il n’est pas rare d’ailleurs de bénéficier des conseils de parlementaires quelque peu plus madrés. Une fois l’exercice achevé, la question est quasi immédiatement mise à disposition des internautes sur le blog du parlementaire, qui en assurera la promotion sur les réseaux sociaux dont il est désormais, immanquablement, friand. Cette description est tout aussi vraie pour un parlementaire qu’il soit en soutien à l’action du gouvernement ou, au contraire, qu’il soit en opposition frontale ou non à celle-ci.

Alors que les séances des questions au gouvernement devraient constituer un moment fort de la vie parlementaire, en mettant en scène la mise « en question » de l’action du gouvernement, celles-ci sont malheureusement davantage perçues comme un spectacle à ne pas manquer. Nos concitoyens ne s’y trompent d’ailleurs pas, en étant demandeurs de billets pour ces séances plutôt que pour celles durant lesquelles les textes de lois sont étudiés article par article. Le comble du ridicule est atteint bien souvent avec les questions des parlementaires issus de la majorité. Il n’est bien évidemment pas question pour ces derniers de mettre en difficulté les ministres du gouvernement qu’ils soutiennent. Normalement. Dès lors, les questions, quand bien même le sujet abordé est absolument pertinent, servent plus de faire-valoir au ministre interrogé qu’à une interpellation ministérielle.

Afin de redonner toute sa force à ces séances, une mesure simple s’impose : limiter la possibilité d’interpellation des ministres lors de ces séances de question d’actualité aux seuls membres des groupes d’opposition parlementaire. Comment définir les groupes siégeant dans l’opposition ? Tout bonnement en s’appuyant sur le vote suivant la déclaration de politique générale du Premier ministre. Tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Puis, chaque année, en l’absence de nouveau gouvernement, au vote du budget de la Nation.

Par ailleurs, à l’instar de l’article 75 du règlement intérieur du Sénat, pourrait être institué un « droit de réplique » permettant au parlementaire d’apporter la contradiction au ministre interpellé.

Dans le même ordre d’idées, une séance de questions sur le même modèle qu’à l’Assemblée nationale et au Sénat pourrait être instituée au Conseil économique, social et environnemental, une fois par trimestre.

Enfin, pourrait être mise en place une niche citoyenne, permettant à un citoyen tiré au sort de poser, là aussi une fois par trimestre, une question à un ministre de son choix, en lieu et place de son parlementaire.

Grâce à ces quatre mesures, les questions d’actualité pourraient recouvrer leur utilité initiale – la mise en accusation du gouvernement et participeraient ainsi à la revalorisation de l’enceinte parlementaire comme le tribunal de la chose publique et non pas seulement un théâtre d’ombres.

 

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