Ursula von der Leyen a prononcé son premier discours sur l’état de l’Union au Parlement européen. Si la présidente de la Commission européenne a multiplié les annonces, il est impossible toutefois pour les Français de s’informer sur son intervention à travers les journaux télévisés ou les chaînes d’information en continu sur la TNT, dont les rédactions ont fait le choix de ne pas diffuser l’événement, comme le relève Théo Verdier, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès et vice-président du Mouvement européen-France, en charge des campagnes d’opinion.
Depuis 2014 et la prise de fonction du luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne, le discours sur l’état de l’Union est devenu un temps fort de la vie politique européenne. Ce discours annuel face aux députés européens donne au chef de l’exécutif communautaire l’occasion de présenter ses priorités pour l’année à venir. Un débat s’en suit avec les groupes politiques du Parlement européen.
L’édition 2020, première du genre depuis l’arrivée au pouvoir d’Ursula von der Leyen, intervient dans une période clé pour l’Union européenne, qui fait face à de nombreux défis d’ordre diplomatique, économique ou encore environnemental. Face aux eurodéputés, la présidente de la Commission européenne a ainsi annoncé la relève de l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 55% par rapport au niveau de 1990. Elle a également pris position en soutien au peuple biélorusse et soutenu la Grèce et Chypre face aux revendications turques en Méditerranée. Enfin, la dirigeante allemande a appelé à une refonte de la politique migratoire de l’Union en vue d’établir une prise en charge plus solidaire entre États européens concernant l’arrivée de migrants en Europe.
Les annonces effectuées au Parlement européen couvrent des enjeux importants tant pour la place de l’Europe dans le monde que pour le quotidien des Européens. Or, les chaînes d’information en continu diffusée sur la TNT ont fait le choix de ne pas retransmettre le discours, tandis que les journaux télévisés traditionnels n’ont que peu traité la question. Aucun sujet dédié n’a été proposé aux 13H de France 2 et TF1. La première chaîne n’a pas non plus abordé l’événement lors de son 20H. Or il faut le rappeler, les JT du soir constituent le premier moyen d’information des Français : le journal présenté par Gilles Bouleau sur TF1 a réuni en moyenne 5,8 millions de téléspectateurs chaque soir en 2018.
3% de temps d’antenne consacré à l’Union européenne à la radio et à la télévision
De longue date, on a observé que l’actualité de l’Union européenne peine à trouver sa place dans les médias audiovisuels français. Une étude publiée par l’INA et la Fondation Jean-Jaurès fin 2019 révélait que les principaux journaux des chaînes TV et radios consacraient 2,7% de leur temps d’antenne aux questions communautaires. Un faible résultat, qui illustre la difficulté dans l’espace informationnel français à valoriser la complexité du débat public européen, fruit d’interactions entre vingt-sept États, les institutions que sont la Commission européenne et le Conseil européen ainsi que les députés européens, directement élus par les 450 millions de citoyens de l’UE.
L’écosystème politique de l’Union, traitant de nombreux sujets, produit une actualité dense et complexe. Une matière première exigeante à synthétiser pour une audience que les rédactions perçoivent comme peu sensibilisées au fonctionnement institutionnel européen. Le discours sur l’état de l’Union illustre une fois de plus cette difficulté, et un triste constat : comment espérer que les Français se tiennent informés de l’action de l’Union au quotidien – au-delà des seules périodes électorales – si les principaux médias du pays se révèlent incapables d’en valoriser les acteurs et leurs déclarations ? On peut toutefois noter que les lignes bougent : le 20H de France 2 a accordé un large sujet au volet migratoire du propos d’Ursula von der Leyen tandis que la première matinale du pays, celle de France Inter, a invité le secrétaire d’État aux affaires européennes, Clément Beaune, pour revenir sur les annonces de la présidente de la Commission européenne. Autant de nouveautés dans la mise en visibilité du discours au regard de sa couverture à l’époque de Jean-Claude Juncker.