L’Union européenne prête à créer d’ambitieuses nouvelles recettes fiscales

Le Parlement européen a obtenu de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne un accord sur le futur budget européen. Outre le renforcement des crédits alloués à plusieurs programmes, les députés ont élaboré un calendrier pour la mise en place de nouvelles ressources propres. Selon Théo Verdier, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès et vice-président du Mouvement européen-France, en charge des campagnes d’opinion, ces recettes fiscales européennes, telles qu’une taxe sur les géants du numérique, sont à même d’abonder largement le budget communautaire d’ici à 2023.

Lors du Conseil européen de juillet dernier, les dirigeants européens se sont accordés sur la création d’un fonds de relance européen pour répondre à la crise économique générée par l’épidémie. Sur la base d’un emprunt commun aux vingt-sept, l’Union européenne (UE) accordera notamment 390 milliards d’euros de subventions aux États les plus atteints, avec une enveloppe de 40 milliards pour la France. 

Le principe de cet emprunt européen est désormais acté, bien que plusieurs étapes du jeu institutionnel européen restent à franchir. Il faudra notamment dépasser les risques d’un verrou hongrois et polonais sur la question de l’État de droit, une revalorisation de leur enveloppe étant potentiellement nécessaire pour surmonter les difficultés posées par la menace de veto formulée cette semaine. À long terme, notre défi commun consiste désormais à bâtir un consensus sur la manière dont seront remboursées, à partir de 2028, les sommes levées sur les marchés financiers. Demander aux États membres de participer aux traites risquerait d’affaiblir d’autant leurs contributions respectives au prochain budget européen. D’autant plus que, l’Union se dotant d’une capacité d’emprunt, il y a fort à parier que l’exercice se répète à l’avenir en vue de financer les principales priorités communautaires. On pense ainsi aux priorités de la Commission européenne, comme le Pacte vert ou encore la transformation numérique. La commission budget du Parlement européen exige déjà que ces deux thèmes occupent pour 60% des sommes engagées au titre du fonds de relance. 

Vers un accord entre le Parlement européen et les dirigeants des vingt-sept

La prochaine étape de la construction européenne réside donc dans la constitution de ressources fiscales communautaires conséquentes. Des sommes à même de rembourser les emprunts du fonds de relance, voire de financer de nouveaux programmes européens. La première d’entre elles, la contribution plastique, entrera en vigueur en 2021 et devrait générer près de 5 milliards d’euros de recettes. Elle établit un régime de participation financière à verser par les États pour chaque kilo de plastique non recyclé.

Dans le cadre de la négociation du prochain budget 2021-2027 avec la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen a obtenu un accord comprenant un calendrier « juridiquement contraignant ». Au total, près de 30 milliards d’euros de nouvelles recettes pourraient avoir été débloqués à en croire la députée européenne, Valérie Hayer, du groupe Renew Europe, impliquée dans l’équipe de négociation du Parlement européen.

Le compromis présenté par le Parlement européen fixe à 2023 la mise en place d’une taxe sur les géants du numérique ainsi que l’extension du système d’échange d’émissions carbone aux secteurs aérien et maritime. La possibilité d’instaurer un mécanisme de taxation spécifique aux biens importés dans l’UE ne respectant pas les standards d’émissions carbone est également évoquée. La taxe sur les transactions financières et l’assiette commune pour l’impôt sur les sociétés, véritables serpents de mer du débat fiscal communautaire, sont repoussées à 2026.

Un levier politique pour l’Union européenne vis-à-vis de ses États membres

Selon l’estimation actuelle, ces nouvelles ressources pourraient représenter à terme près d’un cinquième du budget européen actuel. Elles constituent ainsi un outil d’indépendance pour les institutions européennes vis-à-vis des États membres. En effet, les contributions directes des vingt-sept financent à près de 85% l’action de l’Union européenne. Ce qui contribue tous les sept ans, lors de la négociation du cadre financier pluriannuel de l’UE, à de complexes discussions intergouvernementales. Chaque dirigeant européen souhaite alors revenir dans sa capitale avec des contreparties – les fameux « rabais » étendus accordés en juillet dernier aux Pays-Bas ou encore à l’Autriche – ou des engagements revus à la hausse, comme pour la politique agricole commune (PAC) en France.

À l’avenir, la possibilité de réduire le poids des contributions nationales au budget communautaire constitue ainsi un levier politique pour l’Union européenne, en vue de décider de l’enveloppe allouée à ses différents programmes sans avoir à tenir compte outre mesure des soubresauts politiques nationaux. La lutte pour la constitution de ces nouvelles recettes s’annonce toutefois ardue. L’accord doit encore être entériné par le Conseil européen. Ensuite, comme pour chaque décision relative aux ressources propres de l’Union, il faudra obtenir l’aval des parlements nationaux des vingt-sept pays membres. Un exercice d’une durée généralement estimée à deux ans.

La tribune a été également publiée sur le site des Échos ici.

 

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