À la suite de l’affaire « de Pornic », Eric Ciotti a remis au Président un rapport sur l’exécution des peines. Jean-Jacques Urvoas dénonce ce catalogue de mesures disparates, incohérentes et déconnectées du réel, caractéristique de la logique régressive et de la crispation dogmatique sur le tout carcéral du gouvernement actuel.
La remise du rapport du député UMP des Alpes-Maritimes Eric Ciotti vient donner une suite à la polémique déclenchée par l’affaire dite « de Pornic ». En effet, au lendemain de l’assassinat de Laëtitia Pernais et en réaction aux conditions du suivi judiciaire de Tony Meilhon, son meurtrier présumé, le débat s’était porté sur l’efficacité de l’exécution des peines et sur la responsabilité des magistrats. Fidèle à la pratique qui consiste à se saisir d’un fait divers pour y trouver matière à alimenter son agenda politique, le Président de la République avait alors commandé ce rapport pour faire toute la lumière sur la responsabilité des différents acteurs. Le rapport Ciotti devrait selon toute vraisemblance déboucher avant l’été sur le dépôt d’une proposition de loi, dont on peut d’ores et déjà interroger la cohérence future, tant le rapport se résume à un catalogue de mesures disparates, incohérentes et déconnectées de la réalité du terrain.
La présente note met en lumière les failles du diagnostic établi par Eric Ciotti. Ce diagnostic vicié ne peut que déboucher sur des recommandations inappropriées, dont le soubassement idéologique, caractéristique de la déviance sécuritaire de la droite, s’avère lui-même rétrograde à plusieurs niveaux.
Le caractère caricatural de la présentation du fonctionnement de la justice faite par Eric Ciotti, ainsi que les erreurs factuelles qu’elle recèle, le conduisent à livrer un constat qui minimise les effets catastrophiques de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et accable une machine judiciaire saturée par des exigences qui ne cessent de s’empiler. Entre l’assimilation des aménagements de peine à une forme de laxisme coupable des magistrats et la proposition d’abandonner les crédits de réduction de peine (qui sont un outil majeur de la dynamisation du parcours d’exécution des peines), l’orientation du rapport est claire : elle est celle d’une promotion irréfléchie d’une incarcération à tout prix, qui ne se pose même pas la question des limites de sa propre logique. En revanche, le lien entre les moyens alloués aux dispositifs et leur efficacité est laissée dans l’ombre, alors que c’est précisément un suivi de qualité qui pourrait assurer à l’aménagement des peines sa pleine efficacité.
Le rapport Ciotti s’appuie sur de graves confusions (entre peines de prison « en attente d’exécution » et peines de prisons inexécutées, par exemple) et passe sous silence la réalité des situations d’encombrement connues par la justice, ce qui lui permet d’assigner de nouvelles missions au parquet sans craindre de faire preuve d’une incohérence coupable. C’est toute la contradiction d’un rapport qui tend, de façon non surprenante, à une sévérité accrue, tout en mettant à contribution un système judiciaire dénigré et au bord de l’implosion. Les préconisations sur la justice des mineurs sont à cet égard caractéristiques du déni des réalités existantes : en témoigne ainsi la recommandation de développement du recours aux travaux d’intérêt général (TIG), qui ignore les difficultés rencontrées par la justice à trouver des partenaires avec lesquels faire réaliser ces TIG.
On l’aura compris, si le rapport Ciotti fait montre de cohérence, c’est uniquement avec les politiques régressives menées par le gouvernement depuis une dizaine d’années, qui se déclinent en trois orientations typiques : l’obsession carcérale, la défiance à l’égard de l’autorité judiciaire et le démantèlement des services en charge de l’application des peines. Sous le couvert de la modernisation prônée par la RGPP, c’est donc à un mouvement rétrograde que l’on assiste dans la réforme de la justice, mouvement auquel le rapport Ciotti ne fait qu’apporter sa pierre.