Libre-échange : les impasses du RN

Tout au long de la campagne des élections législatives, les experts et les Observatoires de la Fondation Jean-Jaurès analysent le programme du Rassemblement national, secteur par secteur. Dans cette note, l’Observatoire de l’économie se penche sur les ambitions du RN pour le commerce international, alors que la valeur des exportations françaises à destination de pays tiers s’élève à 394 milliards d’euros en 2019 et que les exportations de la France vers les pays tiers soutiennent 3,4 millions d’emplois en France.

La mystification de la revue des accords commerciaux

Le programme du RN aborde de manière succincte le commerce international. Le Rassemblement national (RN) veut « protéger notre économie de la concurrence déloyale et revoir les accords de libre-échange qui ne respectent pas les intérêts de la France ».

Revoir les accords de libre-échange qui ne respectent pas les intérêts de la France signifie pousser la France à rouvrir des traités commerciaux négociés par la Commission européenne au nom de tous les États membres de l’Union européenne (UE) et approuvés par ces mêmes États membres à Bruxelles. C’est possible, mais pour changer le texte, il faut que :

  • les autres États membres soient d’accord. Comment le RN entend-il convaincre les 26 autres États membres de l’UE de se rasseoir à la table des négociations pour préserver des intérêts français ? Quelle coalition entend-il mobiliser ?
  • le partenaire commercial soit d’accord. Comment le RN entend-il le convaincre de rouvrir le texte ? En position de force, ce dernier demandera des compensations. Et ce sera la France qui les paiera. En négociation internationale, les éléments de négociation les plus immédiats sont les quotas agricoles, exprimés en tonnes. Jordan Bardella est-il prêt à assumer de faire des concessions sur ces quotas agricoles ?

Le RN rêve d’une Europe où la France décide seule. Le RN rêve d’une Europe qui n’existe pas. Le RN rêve en réalité de sortir la France de l’Europe.

La mystification de la revue des accords commerciaux

Dans son programme, le RN écrit « Le projet de TAFTA entre l’Union européenne et les États-Unis a été abandonné en 2016 à l’initiative des Américains ».

Il est heureux que ce partenariat transatlantique, ardemment souhaité par l’administration Obama, les plus libéraux des gouvernements européens et l’industrie automobile allemande, ait fait long feu. Il ouvrait l’Europe sans réciprocité, sur les marchés publics notamment. Il exposait le marché à des volumes de quotas agricoles libres de douane excessifs, particulièrement dommageables aux filières agricoles françaises de qualité (comme l’élevage bovin). Il ne protégeait pas les indications géographiques.

Le RN oublie de rappeler que, bien avant que Donald Trump n’abandonne les accords de libre-échange et ne s’engage dans une guerre commerciale avec la Chine, c’est la gauche française qui avait tué dans l’œuf le texte. En demandant officiellement l’arrêt des négociations le 30 août 2016 et en confirmant cette demande en septembre 2016 devant ses partenaires européens, la gauche de gouvernement au pouvoir en France prenait ses responsabilités et stoppait la machine infernale de la négociation avec les États-Unis. La gauche sait dire non aux mauvais accords.

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Le mythe des accords sectoriels

Le RN rêve d’« accords sectoriels », c’est-à-dire portant seulement sur les produits agricoles.

Les accords sectoriels agricoles seraient la ruine de nos exploitations agricoles les plus petites.

Dans une telle négociation commerciale agricole, la France aurait des buts de guerre offensifs : ouvrir de nouveaux marchés pour y exporter des produits pour lesquels la France est compétitive (le blé, les spiritueux, les produits laitiers). Pour être compétitifs à l’international, la qualité compte mais la taille est déterminante : seules les grandes exploitations (ou ayant des produits très spécifiques) y parviennent. Dans cette même négociation, la France aura des intérêts défensifs : limiter les quotas de bœuf entrant en Europe sans droits de douane par exemple. Il s’agira ici de défendre des exploitations plus petites.

Un accord sectoriel sera donc forcément donnant/donnant : aider les gros au détriment des petites exploitations que le RN aime tant présenter comme chères à son cœur.

C’est tout l’intérêt des négociations multi-secteurs que d’éviter d’avoir à sacrifier nos petites exploitations : les concessions peuvent être réparties dans plusieurs secteurs, étalées dans le temps, associées à des mécanismes de compensation.

Avec quels pays le RN envisage-t-il de conclure ses accords sectoriels ? Le RN n’a jamais fourni la moindre information à ce sujet. 

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