Si, au cours des années 1970, l’Iran est regardé, depuis l’Europe, avec une certaine méfiance, le Parti socialiste français s’engage très tôt aux côtés de l’opposition iranienne. Témoin privilégié par ses responsabilités au sein du Parti socialiste, Alain Chenal offre un regard personnel sur une décennie d’histoire mouvementée de l’Iran.
Synthèse :
L’Iran impérial de Mohammad Reza Shah Pahlavi, empereur francophile et francophone, était un proche partenaire de la France d’après-guerre, notamment du fait que les élites iraniennes avaient souvent étudié en France. Au début des années 1970, les socialistes français sont, comme la majorité de la gauche, fortement engagés dans la critique du caractère dictatorial et autoritaire du régime du Shah, symbolisé par son service de renseignement, la Savak.
L’opposition iranienne gagne une première victoire, avec l’annulation de la venue du président Pompidou à Persépolis pour le 2500e anniversaire de la monarchie iranienne en octobre 1971, remplacé par Chaban-Delmas. Elle multiplie ensuite les opérations de sensibilisation de la population française à la réalité du régime, à une époque où l’Occident le présente majoritairement comme un îlot de stabilité et de réussite dans la région. Ainsi des élus de gauche boycottent les visites du Shah ou d’autres dignitaires du régime.
Leur engagement est surtout notable dans le soutien apporté aux opposants iraniens réfugiés en France, souvent malmenés par la police et menacés d’expulsion et donc, quasi certainement, de mort à leur retour au pays. De tels drames sont évités grâce à la mobilisation des intellectuels et avocats proches du Parti socialiste.
Celui-ci reçoit régulièrement les opposants démocrates à Paris et les introduit dans les réunions de l’Internationale socialiste. Il organise également une rencontre entre Karim Sandjabi du Front national iranien et Khomeyni, alors en exil à Paris en 1978, pour préparer sereinement l’avenir. Celui-ci deviendra le premier ministre des Affaires étrangères de la République islamique quelques mois plus tard.
Initialement soutiens de la révolution en cours au début 1979, les socialistes français voient rapidement leurs amis dépassés sur le terrain politique par les dirigeants religieux, qui profitent de l’absence de partis politiques. En 1980, l’Occident soutient l’invasion de l’Iran par le « laïc » Saddam Hussein, contre le « régime des Mollahs ». Le Parti socialiste, lui, dénoncera cette opération qui ne pourra que renforcer le régime et unir ses composantes face à un ennemi commun.
Le régime se renforce en effet et se radicalise ; le 12 juin 1981, le président iranien Banisadr est destitué et contraint à la clandestinité, avant de s’exfiltrer vers la France le 29 juillet où il obtiendra l’asile du nouveau pouvoir socialiste.
Le Parti socialiste est désormais au pouvoir. Le gouvernement s’éloigne progressivement de l’Iran pour se rapprocher de l’Irak avec, en 1983, la fourniture à l’Irak du couple Super Etendard-Exocet. Moins de dix ans après, la France participera à l’opération Tempête du désert.
De cette décennie de changement pour l’Iran, Alain Chenal, qui partage ici ses souvenirs et analyses, retiendra les éléments qui permettent aujourd’hui d’éclairer les révolutions arabes. Il appelle également les militants à continuer de se mobiliser contre toute politique de connivence avec les régimes autoritaires.
Retrouvez l’entretien d’Alain Chenal à Lettres Persanes à l’occasion du 38e anniversaire de la Révolution iranienne (16 février 2017)