Les ressorts du regain de popularité d’Emmanuel Macron

Comment comprendre la progression de personnes se déclarant satisfaites de l’action du président Macron ? Frédéric Dabi et Chloé Morin fournissent des éléments de réponse en analysant, pour l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès et L’Opinion, les réponses aux questions ouvertes posées aux Français dans le dernier baromètre Ifop publié par Le Journal du dimanche.

Les derniers indices de popularité Ifop pour Le Journal du dimanche ont enregistré une progression de 5 points à l’égard d’Emmanuel Macron. L’essentiel de cette hausse, assez inédite en septembre, période de rentrée propice à l’expression de mécontentements sur la politique économique et sociale du pouvoir exécutif, émane des segments traditionnellement acquis à la droite – la cote du chef de l’État progresse ainsi de 8 points chez les 65 ans et plus, de 5 points parmi les cadres supérieurs et professions libérales et surtout de 15 points parmi les sympathisants LR. Après un été extrêmement difficile, qui l’a vu chuter de 24 points en deux mois, comment Emmanuel Macron a-t-il réussi à enrayer sa chute et à inverser une tendance – alors qu’aucun de ses deux prédécesseurs n’y était parvenu ? Rappelons que pour Nicolas Sarkozy comme pour François Hollande, le franchissement du seuil de l’impopularité auprès des Français avait constitué – hors période exceptionnelle (tensions internationales et crise financière en 2008 pour l’un, attaques terroristes pour l’autre) –  un « chemin sans retour ».          

L’analyse des questions ouvertes posées dans le cadre du baromètre Ifop-Le Journal du dimanche nous apporte quelques éléments de réponse. Tout d’abord, contrairement à l’impression de flottement d’un été marqué par un président très visible mais silencieux, les Français – toute tendance politique confondue – qui se disent « davantage satisfaits » ce mois-ci par rapport au mois dernier mettent en exergue le volontarisme et la cohérence de l’action présidentielle. En effet, ils soulignent qu’il « agit », « est déterminé à réformer », fait les « vraies réformes qui n’avaient jamais été prises ». Le « changement attendu » semble donc bien en marche, et un certain nombre d’interviewés – en particulier de droite – louent son « courage », celui d’avancer coûte que coûte, de « tenir tête aux forces de la rue », de ne « pas hésiter à dénoncer les fainéants », et de ne « pas céder face aux syndicats ». De ce point de vue, le fait que Jean-Luc Mélenchon se soit imposé comme une opposition claire, frontale et déterminée permet au président de valoriser sa posture réformiste par contraste avec la crainte du « blocage » et du « désordre » possibles.

Au sentiment qu’il met enfin le pays en mouvement, s’ajoute le fait – absolument essentiel et inédit au cours des quinze dernières années – qu’on reconnaît à ce président qui « trace sa route sans faire attention aux protestations » qu’il respecte ses promesses de campagne. Il ne s’agit pas de faire n’importe quelles réformes: il s’agit de respecter à la lettre la parole donnée, ce qui tranche avec l’impression donnée par ses prédécesseurs. « Il respecte ce qu’il a dit pendant la campagne », « il tient sa parole », « il tient ses promesses »… Les propos de ce type sont abondants, comme rarement dans l’historique du baromètre Ifop-Le Journal du dimanche. À cet égard, la réforme du code du travail constitue la pierre angulaire de ces perceptions : le sentiment perçu qu’Emmanuel Macron ne cèdera pas face au mouvement social matérialise la preuve de sa volonté de tenir ses engagements de la campagne présidentielle et constitue une nouvelle preuve de différenciation avec ses prédécesseurs (« il ne cède pas devant le chantage alors que tous les présidents reculaient »). Enfin, cela acte l’existence d’un cap: celui de son offre programmatique présidentielle. 

Cette capacité à « tenir le cap » en étonne même certains, qui avouent ne pas avoir voté pour lui et avoir nourri des doutes à son égard, mais reconnaissent avoir « changé de regard sur lui : « il tient le cap et c’est rassurant », il exécute ce qu’il a dit, il applique son programme »  

Dans ce cadre, les nombreux sympathisants du centre et de droite, qui avaient accueilli ses promesses de campagne avec méfiance, reprenant à leur compte l’antienne filloniste « Emmanuel Hollande »,  sont ainsi forcés de constater qu’à ce stade, les actions sont conformes aux promesses. Là encore, la réforme du code du travail émerge, symbole du fait « qu’il essaie de faire avancer les choses », et dont on estime que « ça va permettre d’embaucher sans se stresser en tant qu’employeur », de « donner un peu plus de liberté à tout le monde ».

Ajoutons que certains n’ont pas été insensibles à l’emploi du qualificatif de fainéants, qui renvoie à leurs yeux la reconnaissance, par le président, qu’il existe un certain nombre de personnes qui ne méritent pas l’aide publique: « il ne soutient pas les gens qui ne travaillent pas et profitent de l’État ». Ce mot de fainéants est sans surprise invoqué par une part des Français se déclarant insatisfaits du président ce mois-ci, qui y voient symbole du mépris social dont ils ont le sentiment de faire l’objet. Un des exemples, nombreux, où ce qu’ont compris les uns et des autres diverge fortement de ce que le président – dont l’entourage a expliqué qu’il visait ses prédécesseurs – croit avoir dit. Si ce propos a nourri un certain nombre de critiques, notamment chez les sympathisants FN et France insoumise, il n’est cependant pas possible à ce stade de considérer le propos présidentiel comme un « acte lourd ».

Les autres mesures qui ont été mémorisées positivement par ces électeurs ne sont pas très nombreuses, au regard du nombre de fronts ouverts récemment par le gouvernement : la baisse de la taxe d’habitation (« c’est déjà ça… »), la réforme du RSI, la « révision des droits au chômage et des APL», l’augmentation du budget de l’enseignement supérieur pour 2018. À cela s’ajoute le fait que, dans le prolongement de la polémique des « fainéants » évoquée ci-dessus, le président ait l’air de « s’attaquer à certains avantages excessifs », notamment les retraites des députés, la possibilité d’employer un membre de leur famille, ou encore « les régimes spéciaux tels que la SNCF ».

Enfin, l’action internationale du chef de l’État, et notamment son engagement en faveur de l’environnement, est invoquée comme un élément expliquant un regain de confiance à son égard ces dernières semaines: « il représente bien l’État, c’est quelqu’un qui cherche la paix », « il s’impose sur la scène internationale », « son aura est renforcée par sa visite à l’ONU, il a bien remis en place les inquiétudes sur le réchauffement climatique », entend-t-on.

Faut-il en conclure que le président pourra continuer à restaurer sa popularité en amplifiant le mouvement enclenché en cette rentrée ? Rien n’est moins sûr. Car lorsqu’une France parle de promesses tenues, de courage, de président qui tient face à la rue et n’a pas peur d’adopter des mesures impopulaires, l’autre nous parle d’un président qui n’écoute pas sa souffrance, mène une politique au bénéfice exclusif de quelques-uns, fragilise voire méprise les plus faibles. Quand une France retrouve espoir et confiance, l’autre trépigne, bouillonne, s’exaspère ou même se désespère. L’arrivée des résultats parviendra-t-elle à réconcilier les deux ? C’est un des enjeux de ce début de quinquennat…

 

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