Six mois après une première enquête d’opinion sur la crise des migrants, la Fondation Jean-Jaurès et la FEPS ont voulu analyser l’évolution des opinions en Allemagne, en Italie et en France – trois pays déjà testés –, notamment après les attentats de novembre 2015 à Paris.
En septembre 2015, l’Ifop réalisait pour la Fondation Jean-Jaurès et la FEPS une enquête dans sept pays pour comprendre le regard des Européens sur la crise des migrants. Depuis lors, les arrivées massives se poursuivent – 2 000 migrants en moyenne arrivent chaque jour en Grèce. Des négociations complexes se sont tenues entre les partenaires européens, et avec la Turquie. L’enquête sur les attentats perpétrés à Paris en novembre 2015 a révélé que plusieurs djihadistes s’étaient infiltrés en Europe via le flux des migrants. Les événements de la Saint-Sylvestre à Cologne ont choqué l’opinion publique. Des pays comme la Macédoine, la Serbie et la Croatie se sont résolus à fermer les frontières. La tension à Calais, autour de la « jungle », s’est aggravée. Quel est désormais l’état de l’opinion européenne sur la question des migrants ? Tel est l’objet d’une nouvelle enquête de l’Ifop, réalisée dans trois pays : la France, l’Allemagne et l’Italie.
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Il en ressort que le jugement des Français et des Italiens est demeuré très stable. Les points de vue convergent d’ailleurs souvent : 77% des Français et 78% des Italiens craignent un phénomène d’appel d’air par exemple. En revanche, les Italiens sont nettement plus nombreux que les Français à penser que leur pays a le devoir d’accueillir des migrants qui fuient la guerre et la misère – 69% contre 56%.
En Allemagne, l’opinion se durcit. Alors qu’en septembre seul un tiers des Allemands estimait que l’accueil d’immigrés supplémentaires n’était pas possible, c’est désormais 47% de la population, soit près d’une personne sur deux, qui partagent cet avis. Et l’augmentation est plus forte parmi les sympathisants de gauche. En revanche, l’idée que l’accueil des migrants est un devoir national est encore plus partagée, avec 72% d’approbation, qu’en France et en Italie.
Si l’hypothèse selon laquelle les terroristes potentiels gagnent l’Europe par la voie empruntée par les migrants paraissait plausible en septembre à 64% des Allemands, 69% des Français et 79% des Italiens, les attentats de Paris ont contribué à crédibiliser cette hypothèse. Aujourd’hui, 80% des Français y adhèrent.
La différence de situations en France et en Allemagne au regard de l’accueil effectif de migrants sur le territoire doit être prise en compte mais l’écart de 28 points sur la question de l’accueil des migrants comme devoir national traduit tout de même une profonde divergence au sein du couple franco-allemand.
Par ailleurs, la part de ceux qui pensaient que le phénomène n’allait durer que quelques semaines ou quelques mois est passée entre septembre 2015 et mars 2016 de 20% à 7% en France et de 21% à 11% en Allemagne. La crise apparaît désormais durable et structurelle.
De façon identique, la France, l’Allemagne et l’Italie voient plus de 80% de leur population souhaiter que les migrants repartent dans leur pays d’origine dès que la situation le permettra. Le refus de les voir s’installer définitivement s’est d’ailleurs renforcé depuis septembre 2015, gagnant neuf points en Allemagne et cinq en France.
Parallèlement, une très large majorité se dessine dans les trois pays en faveur de la suppression des accords de Schengen et du rétablissement, au moins provisoire, des contrôles fixes aux frontières. Signe de l’importance de la crise, on observe de larges majorités en faveur de leur suppression dans des électorats qui ont toujours porté l’idéal européen. En France, l’adhésion à la suppression atteint par exemple 73% parmi les sympathisants du Modem et 60% parmi les sympathisants du PS. En Allemagne, ce sont 61 % des électeurs du SPD qui veulent le rétablissement des frontières. Sans surprise en revanche, les sympathisants des partis d’extrême droite – Front national, Alternative für Deutschland, Lega Nord – s’illustrent par des scores massifs contre Schengen qui dépassent les 80 % dans les trois pays.