L’érosion de la droite parlementaire (2002-2012) : éléments de réflexion sur la stratégie de « droitisation »

Au lendemain des élections présidentielle et législatives, alors que les dirigeants UMP s’interrogent sur la pertinence de la stratégie de « droitisation » menée pendant cette séquence, Jérôme Fourquet revient sur les conséquences de cette stratégie sur l’évolution des positions détenues par la droite.

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Après une séquence électorale désastreuse pour la droite, le débat sur les valeurs et les orientations de l’UMP a été initié par nombre de ses membres et risque de s’accentuer au fil des mois, revêtant un enjeu politique et idéologique central à quelques mois du congrès de l’UMP. La stratégie de la droitisation est dénoncée par certains, justifiant leur position par les déroutes d’une grande partie des membres de la Droite populaire, ainsi que celles des figures comme Nadine Morano ou Claude Guéant. Parallèlement, des personnalités à sensibilité humaniste ont également été défaites (Laurent Hénart, Hervé de Charette), permettant d’atténuer l’accusation stipulant que les électeurs auraient avant tout puni la droitisation et ses plus proches représentants lors des législatives.
Sans négliger le fait que ces élections reposent sur des facteurs divers, ainsi que sur des considérations locales importantes, l’analyse sur l’évolution des positions détenues par la droite parlementaire entre 2002 et 2012 s’avère pertinente pour éclairer le débat. Il s’agit par ailleurs d’avoir une base de comparaison antérieure à l’élection de Nicolas Sarkozy afin de quantifier les effets du positionnement droitier, de mise depuis 2007.
Entre 2002 et 2012, une droite en fort recul sur toute la façade Ouest, mais qui résiste mieux dans le reste du pays
Au cours de la campagne de 2012, qu’il s’agisse de la présidentielle ou des législatives, la cassure entre l’électorat modéré de l’Ouest et la droite s’est amplifiée, du fait de la confirmation de l’orientation droitière de l’UMP. Ajouté à cela, la droite a fait face à un retour en force du FN dans le paysage électoral. Ces deux éléments expliquent en partie la déroute de l’UMP, bien que l’analyse régionalisée de l’évolution du nombre de sièges détenus par la droite parlementaire montre que ces deux phénomènes sont divergents dans leur expression au sein de chaque territoire. On observe alors une perte de 50 points dans le Grand Ouest entre 2002 et 2012, 21 points dans le grand pourtour francilien, 4 points dans le Nord-Pas-de-Calais. L’hémorragie ayant affecté la droite depuis 2002 est particulièrement nette sur toute la façade Ouest du pays, ainsi que dans des territoires comme l’ensemble Aquitaine/Poitou Charentes. La déroute était initiée depuis 2007, quand bon nombre de circonscriptions qui avaient été perdues avaient fortement voté pour François Bayrou au premier tour de l’élection présidentielle. On observe également une hémorragie progressive de la droite dans l’ensemble Grand Centre/Midi-Pyrénées, ainsi que dans la région parisienne, où le quinquennat qui vient de s’écouler s’est avéré plus déterminant, tout comme dans les régions de l’Est et du Sud-Est de la France.
On note cependant une érosion assez faible dans certaines régions, comme l’Alsace-Lorraine ou le « grand pourtour francilien », territoires où la stratégie de captation de l’électorat lepéniste par Nicolas Sarkozy adoptée en 2007 a permis de renforcer (dans des zones où le poids électoral du FN est historiquement élevé) une droite localement puissante lors des législatives de 2012. D’une manière générale, le FN a été suffisamment haut pour aider la droite à remporter ses duels face à la gauche, mais pas assez pour la dépasser au premier tour ou lui imposer des triangulaires.
Certaines situations s’avèrent plus spécifiques, comme la région PACA. Jouissant d’une position hégémonique en 2002 et en 2007, les pertes ont été plus sévères en 2012 (- 8 circonscriptions par rapport à 2007). Cela s’explique par la tendance nationale favorable à la gauche, ainsi que par la remontée du FN (11 des 28 triangulaires ayant eu lieu cette année en France l’ont été dans la région PACA). Néanmoins, l’issue s’est avérée moins défavorable à la droite que dans d’autres régions.
Entre 2002 et 2007, il apparaît clairement que les choix stratégiques et les orientations suivies par l’UMP ont coïncidé avec un important affaiblissement de ses positions dans toutes les régions modérées de l’Ouest, et ce dès 2007. En outre, on observe un recul plus limité mais bien réel dans les territoires plus droitiers de l’Est et du Sud-Est, phénomène ne se manifestant que cette année et très peu en 2007. La droite devra dès lors s’interroger sur la bonne stratégie à adopter pour reconquérir ses électeurs perdus de l’Ouest de la France : une place accrue pour la sensibilité humaniste et modérée de l’UMP ? Un retour à un système à deux partis, avec à côté de l’UMP une formation de centre-droit ?
La Droite populaire : un rendement électoral décevant
La création de la Droite populaire s’est avérée inefficace pour faire face au retour du FN dans la France de l’Est et du Sud Est. Le taux de victoire parmi les députés de ce collectif se représentant dans leurs circonscriptions est de 50 % lors des législatives de 2012, contre 69 % pour les autres sortants de l’UMP, et 62 % pour les députés Divers droite et Nouveau Centre se représentant. Par ailleurs, au vu des résultats de Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle, les parlementaires de ce collectif ne se trouvaient pas dans les circonscriptions les plus difficiles, même s’ils étaient dans des territoires très favorables au FN. La Droite populaire n’a cependant pas échoué partout, en témoigne la victoire de Lionnel Lucas, Dominique Tian ou Nicolas Dhuicq.
Cela laisse penser que leurs voix continueront à peser au sein d’une droite aujourd’hui divisée quant à ses orientations stratégiques, 48 % des sympathisants de l’UMP se déclarant favorables à des accords aux élections locales entre l’UMP et le FN (+16 points par rapports à mars 1998).

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