L’éducation des filles, incontournable dans la réponse aux changements climatiques

L’un des enjeux principaux de l’Accord de Paris sur le climat ? Pour Hélène Conway-Mouret, sénatrice des Français de l’étranger et directrice du secteur international de la Fondation Jean-Jaurès, et Hélène Ferrer, coordinatrice de la Coalition Éducation, c’est résolument celui de la promotion de l’éducation des jeunes filles et des jeunes femmes dans les pays en voie de développement. 

Un an après la COP 21, nous sommes nombreux à dresser un premier bilan des dynamiques engagées depuis l’Accord de Paris. Le sommet de la COP 22 qui débute aujourd’hui à Marrakech permet de souligner les avancées enregistrées dans la mise en œuvre de l’Agenda des solutions et d’accentuer certaines orientations.

La lutte contre les changements climatiques fait intervenir de nombreuses thématiques, dont la préservation des écosystèmes, la sécurité alimentaire, l’accès à l’énergie, l’aménagement urbain… S’il est une question sur laquelle il nous faut insister dans la coordination des efforts pour maîtriser les bouleversements du climat, c’est celle du genre, et en particulier l’éducation des filles et des jeunes femmes.

Les liens entre les conditions d’accès à l’éducation des filles et les enjeux climatiques sont importants. Ils doivent être pris en compte dans l’analyse des causes et des risques liés aux phénomènes de dérèglement climatique, et dans la définition des réponses à y apporter. La prudence est néanmoins de mise afin que la défense de l’éducation des filles soit menée pour les bonnes raisons.

Une récente étude de la Brookings Institution fait de l’éducation des filles le levier le plus efficace et le plus efficient de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le mécanisme derrière cette affirmation tient à l’impact du développement de l’éducation des filles sur le contrôle des naissances – à travers la sensibilisation à la planification de celles-ci – et, partant, à une réduction de la croissance démographique, notamment dans les pays où le nombre d’enfants par femme est encore très élevé.

Rappelons que les projections des Nations unies indiquent que la population mondiale, approchant aujourd’hui les 7 milliards d’individus, pourrait atteindre 9,3 milliards en 2050, et plus de 10 milliards en 2100. Les évolutions démographiques sont certainement à prendre en compte dans les efforts pour enrayer le dérèglement climatique auquel l’activité humaine participe. Faut-il pour autant que ce soit au nom de la maîtrise de la natalité que l’éducation des filles soit encouragée ?

Les émissions de gaz responsables du réchauffement sont bien plus importantes dans les pays à haut revenu, où la croissance de la population est faible, que dans les pays en développement. Prôner le contrôle des naissances en Afrique n’est en rien la solution miracle au défi climatique ; ce sont bien les comportements dans nos pays riches qu’il faut aujourd’hui ramener à plus de frugalité.

Ceci étant dit, chaque femme devrait pouvoir s’informer sur la santé reproductive et avoir accès au planning familial. C’est le droit de chacune, et un levier important d’amélioration de la santé et de la situation socioéconomique des femmes et de leurs familles.

La croissance démographique signifie en outre que davantage de populations seront soumises aux effets des changements climatiques dans les prochaines années, en particulier dans les pays à faible revenu. Les filles et les femmes sont davantage touchées, parce qu’elles sont souvent en charge des corvées domestiques telles que les corvées d’eau et de bois, rendues plus difficiles en période de sécheresse. Elles sont généralement moins mobiles, et leur bien-être est le plus souvent sacrifié dans les temps difficiles.

Développer l’éducation des filles – une fille sur cinq en est encore privée dans le monde – et lever les obstacles que sont les mariages et les grossesses précoces, les violences en milieu scolaire, la pauvreté, le travail domestique, sont les moyens les plus efficaces pour renforcer la résilience des populations face aux évolutions climatiques, et leur permettre d’adopter en conscience des comportements plus favorables à l’environnement.

Il est urgent de sortir les filles et les femmes de leur statut de victimes des catastrophes naturelles et des changements climatiques. Elles doivent faire partie intégrante de la solution mise en œuvre par les experts et les responsables politiques. Généraliser leur éducation en est la condition primordiale.

 

Cette tribune a été publiée dans le Huffington Post le 7 novembre 2016.

 

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