Le changement ? Les réformes de l’après 10 mai

Les réalisations concrètes qui ont suivi l’élection de François Mitterrand ont-elles été en adéquation avec l’objectif ambitieux affiché par les socialistes durant la campagne présidentielle de 1981 – Changer la vie – ? Matthieu Tracol apporte un nouvel éclairage sur la mise en œuvre de ce programme.

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu à la présidence de la République sur un programme au titre ambitieux, qui propose rien de moins que de Changer la vie. À partir des interventions des participants de la table ronde organisée le 16 mars 2011 par la Fondation Jean-Jaurès et l’Institut François Mitterrand, consacrée à l’état de la France en 1981 et aux premières réformes du septennat, Matthieu Tracol apporte un nouvel éclairage sur la mise en œuvre de ce programme à la suite de l’accession des socialistes au pouvoir.

Les réalisations concrètes qui ont suivi ont-elles été à la hauteur de l’ambition affichée lors de la campagne ? Avant de répondre à cette question, un détour par l’examen de la situation économique et sociale de la France en 1981 s’impose. En cette période que l’on peut qualifier de transitoire – on assiste à la fois au crépuscule des « années 68 » et de leur effervescence contestataire et à l’apparition des premiers effets de la crise économique –, ce sont surtout l’inflation et le chômage qui préoccupent les Français. Les socialistes sont par conséquent très attendus sur ces sujets, et particulièrement sur la question du chômage, qui constitue l’enjeu essentiel de l’élection.

Les « 110 propositions pour la France » détaillent le programme socialiste. Dans un contexte de rivalité grandissante entre le Parti socialiste et le Parti communiste, il s’agit de battre les communistes sur leur propre terrain, c’est-à-dire celui d’une politique sociale. Cette volonté de détourner les citoyens français de l’attrait exercé par un Parti communiste encore très en vogue en faveur du Parti socialiste ne cessera de déterminer l’orientation de la politique mitterrandienne.

Dès les premiers temps de la période post-électorale, des réformes sont entreprises dans de très nombreux domaines : Alain Bergounioux parle à ce sujet du « gigantesque chantier » qu’ont constitué les premiers temps du septennat. Mais la lutte contre le chômage quant à elle se heurte au choc démographique que connaît la société française à cette période. Néanmoins, en œuvrant à la diminution du chiffre de la population active et au partage du travail, les socialistes parviennent à contenir, pour un temps, les chiffres du chômage. Fallait-il oser mener plus loin encore la réduction de la durée du travail (alors ramenée à trente-neuf heures) ? Fallait-il l’envisager sous l’angle économique et non pas sous l’angle strictement social comme ce fut alors le cas (dans le but, une fois encore, de séduire la base électorale communiste) ? Quoi qu’il en soit, la réduction de la durée du travail n’a pas suffi à enrayer le phénomène. Le taux de chômage connaît de nouvelles hausses brutales dès 1983.

Si le chômage n’a pas été vaincu, alors qu’il était au départ l’objectif prioritaire des électeurs, une véritable rupture s’observe en matière économique : grâce à la désindexation des salaires, les socialistes obtiennent la victoire contre l’inflation. Ainsi se dessine l’inflexion majeure de leur politique économique et sociale, qui conduit naturellement au « tournant de la rigueur » de 1983. Celui-ci a fait l’objet de la table ronde tenue la semaine suivante, dont sera issue une note que la Fondation Jean-Jaurès publiera prochainement.

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