En cette période de disette budgétaire, la dépense publique pour la culture n’apparaît pas nécessairement comme une priorité. Pourtant, l’analyse du budget de son ministère, qui illustre les carences d’une administration dispersée et appauvrie, démontre l’existence de marges de manœuvre réelles, à condition d’une volonté politique raisonnée et affirmée.
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La France consacre à son ministère de la Culture et de la Communication un peu moins du quart de ce qu’elle consacre à sa défense, soit 9,6 milliards d’euros pour 2012. En baisse, comme les autres ministères techniques, le budget de la culture ne peut pas être appréhendé simplement en termes de volume mais doit être conçu en termes de structure.
En effet, près de la moitié de ses crédits budgétaires sont des crédits d’intervention, dirigés vers les opérateurs de l’Etat (45 % des dépenses budgétaires), établissements publics, associations et autres entreprises privées. Cette dépense publique se traduit donc essentiellement en soutien de nombreux secteurs économiques (presse écrite, cinéma, auteurs). De plus, cette dépense publique crée un effet levier qui rend l’investissement culturel doublement vertueux.
Mais, avec moins de la moitié des dépenses culturelles du ministère en crédits budgétaires, de nombreuses politiques sont désormais en grande partie financées par des taxes affectées ou un compte de concours financier. Autre difficulté, ce budget couvre une grande variété des politiques publiques, de la francophonie à la presse écrite en passant par l’archéologie. De fait, de nombreuses missions culturelles sont réalisées par d’autres ministères. Cet éclatement laisse peu de marge de manœuvre budgétaire.
En 2012, le budget du ministère deviendra, de plus, insoutenable. Le non financement de certaines mesures (gratuité pour les jeunes par exemple) ou la multiplication des projets a absorbé toutes les économies de la RGPP. En valeur absolue, si le budget augmente en yoyo depuis trente ans, il stagne en réalité depuis 2007 (+0,7%). Une grande partie de cette hausse sert à compenser la perte de recettes de l’audiovisuel publique sur la publicité.
Le prochain gouvernement ne devrait pas disposer de crédits supplémentaires dans ce contexte de crise, malgré l’effet multiplicateur de la dépense publique culturelle. Une stabilité des crédits sur le quinquennat permettrait au moins de mener sereinement un certain nombre de réformes nécessaires.
Il existe des marges de manœuvre néanmoins. Les effets très limités de la suppression de la publicité après vingt heures à la télévision, compensée à hauteur de 400 millions d’euros par le ministère, appellent à repenser cette compensation. Certains opérateurs du ministère, aux ressources importantes, pourraient voire leurs subventions reconsidérées. Mais en cas de baisse du budget, il faudra certainement faire le choix de mettre fin à certains des projets récemment lancés.
L’un des engagements les plus forts du futur président de la République sera alors de proclamer à la fois son intérêt pour ce secteur, clef du développement économique et touristique de notre pays, d’affirmer sa foi en la nécessité des investissements culturels, tout en renonçant à de nouveaux projets pour consacrer les marges dégagées à des chantiers moins nobles mais tout aussi efficaces : le maintien en l’état du patrimoine de l’Etat et l’aide aux projets négociés avec les collectivités, dans un souci de développement de l’attractivité de notre territoire et de rééquilibrage entre Paris et les régions.