Le congrès annuel du Labour Party, qui s’est tenu en septembre 2011, devait montrer que les travaillistes britanniques avaient commencé à reconstituer leurs forces et que Ed Miliband avait assis son leadership. Rendez-vous manqué : le Labour reste fragile, encore mal dégagé du passé et peinant à retrouver des idées nouvelles.
Le rendez-vous du congrès annuel du Parti travailliste devait marquer son retour en tant qu’acteur majeur de l’opposition et témoigner de la capacité d’Ed Miliband à surmonter les divisions intestines pour créer un véritable élan. Malheureusement, il semblerait bien que le rendez-vous ait été manqué.
Alors que la sévérité budgétaire de la politique menée par le gouvernement de coalition au pouvoir aurait pu, par comparaison, faire apparaître les travaillistes comme un contrepoint désirable, les sondages ne traduisent pas de capitalisation du mécontentement par le parti du Labour. Pire, au vu du caractère très personnel des élections au Royaume-Uni, ces sondages révèlent que seul un quart des citoyens estime Ed Miliband crédible dans la position de Premier ministre.
Ce manque de crédibilité lui vient peut-être des faiblesses manifestées dans le rôle de chef de l’opposition. En effet, bien qu’il ait su tirer avantage des remous provoqués chez les conservateurs par l’affaire Murdoch, il a en revanche montré moins de mordant sur les questions économiques et sociales, sur lesquelles il a pu apparaître comme trop en retrait. Son opposition aux mouvements de contestation de la réforme des retraites, qu’elle ait été motivée par sa volonté de conserver un positionnement politique au centre ou de garder son indépendance à l’égard des syndicats, risque en outre de lui avoir aliéné le soutien de ceux-ci ainsi que des salariés.
Ce soutien chancelant des supporters traditionnels du Labour se double d’une dispersion préoccupante au sein du parti, qui porte encore les stigmates de la division entre les frères Miliband pour l’accession à sa direction. L’appareil du parti travailliste reste en effet tenu par la tendance blairiste que portait David Miliband, et les parlementaires ne laissent d’affirmer leurs critiques à l’égard de son frère Ed Miliband. La gauche du parti, elle, semble trouver un second souffle après la longue éclipse connue sous l’ère du New Labour, bénéficiant des retombées de son soutien à Ed Miliband et d’une période plus favorable à ces arguments. Cela ne fait qu’accroître la distance politique que doit couvrir le chef du Labour entre un centrisme blairiste et une gauche qui prend de plus en plus des accents populistes et nationalistes.
Le chantier de la reconstruction du parti travailliste ne serait pas complet sans le programme, qui reste lui aussi à construire. Prenant pour prétexte l’échéance de long terme des prochaines élections générales, le Labour ne semble pas pressé de produire de nouvelles idées, pourtant très attendues, et reste souvent vague quant aux propositions émises. L’esprit du projet travailliste, tel qu’il transparaissait dans le discours d’Ed Miliband devant le congrès du parti, est assez semblable aux orientations des autres partis sociaux-démocrates européens, à savoir la recherche d’un policy mix adapté et responsable de nature à faire repartir la croissance et à sortir le pays de la crise. Il faut toutefois noter le peu d’espace accordé à la réflexion sur le versant européen de la crise : cet impensé demeure relativement inquiétant, l’Europe étant reléguée à la « politique étrangère ».
A l’aune du dernier congrès travailliste de septembre 2011, le Labour apparaît donc dans une position fragile, tant sur le plan de la cohésion que sur le plan des idées, tant il peine à insuffler un élan nouveau dans l’opposition. Il faut espérer qu’il mettra à profit le temps qui le sépare encore des prochaines élections pour y remédier.