La rose et le glaive : les socialistes et la défense dans les années 1970

La Fondation a réuni le 4 décembre 2018 de nombreux historiens et témoins à l’occasion d’une journée d’études consacrée au Parti socialiste et à l’international durant les années 1970, période charnière tant pour le socialisme français que pour la mondialisation économique et politique. Maxime Launay étudie les réflexions et les positions parfois paradoxales en matière de défense que les socialistes mettent en avant, alors qu’ils aspirent à arriver au pouvoir.

La parution en 1972 du premier Livre blanc sur la défense nationale grave dans le marbre la politique de défense telle qu’elle a été élaborée depuis 1958 par le général de Gaulle. Pour le fondateur de la Ve République, l’indépendance nationale est l’axe central de la politique étrangère de la France. Au terme de plus de quinze années au pouvoir, les présidences de Gaulle (1958-1969) et Pompidou (1969-1974) lèguent une politique de défense profondément transformée dont les fondements reposent sur trois piliers : une stratégie qui se fonde sur des alliés, au sein de l’Alliance atlantique, tout en affirmant l’autonomie de la position française dans l’OTAN ; la constitution d’un armement nucléaire national (l’autonomie de décision) ; le refus du système d’intégration militaire.

Pour les partis de gouvernement qui aspirent aux plus hautes responsabilités se pose dès lors la question suivante : quel outil militaire pour servir la politique étrangère de la France ? Assumant la conquête du pouvoir dans le cadre institutionnel de la Ve République qu’il avait initialement combattue, le Parti socialiste de François Mitterrand cherche à faire évoluer après son congrès refondateur d’Épinay les positions de la SFIO dont il est l’héritier. Cette dernière, hostile à la Ve République et aux grands choix stratégiques effectués depuis 1958, avait combattu sur le plan de la défense la création de la force de frappe française – en expliquant qu’elle était coûteuse, dangereuse et inefficace – et, sur le plan des alliances, le départ du commandement intégré de l’OTAN, estimant que le socle de la sécurité de l’Europe était constitué de l’Alliance atlantique et de son organisation militaire intégrée, l’OTAN.

Si les socialistes furent les contempteurs de la politique étrangère du général de Gaulle, il leur était difficile d’en contredire les principes essentiels, en particulier la volonté de conduire une diplomatie indépendante. Conscient qu’il hériterait de la dissuasion nucléaire, principal instrument de cette indépendance, dans la perspective d’un gouvernement de la gauche arrivant au pouvoir, François Mitterrand reste nuancé et prudent concernant la destruction immédiate de la force de dissuasion qui est proposée par la gauche. Le soupçon d’incompétence à l’égard des socialistes dans le domaine militaire et la nécessité de s’allier les milieux militaires poussent également les socialistes à engager un important travail de réflexion dans ce domaine régalien par excellence qu’est la défense.

Dans le même temps, le Parti socialiste se réclamait de l’internationalisme et était membre de l’Internationale socialiste ; il s’inscrivait ainsi dans un « mouvement éthique », promoteur de la paix et du désarmement par une « diplomatie de la négociation » dont les principes reposaient sur un refus des armements nucléaires et une volonté de prendre ses distances à l’égard des alliances militaires.

Imprégnés d’une culture politique internationaliste, pacifiste, voire antimilitariste, héritiers d’une doctrine atlantiste et antinucléaire, comment les socialistes procédèrent-ils à un aggiornamento de leur politique de défense ? La politique de défense socialiste des années 1970 était-elle en cohérence avec sa politique étrangère ?

Historiographie et sources

L’étude des relations politico-militaires à partir de l’exemple du Parti socialiste bénéficie de nombreux travaux, parfois anciens, et trouve aujourd’hui un renouveau rendu possible par l’accès facilité aux témoins et à l’ouverture des archives.

Aux ouvrages fondateurs de Samy Cohen et aux enquêtes du journaliste Jean Guisnel se sont ajoutés, il y a vingt ans, dans le contexte de l’après-guerre froide et de la professionnalisation des armées, les ouvrages de Louis Gautier, centré sur la période 1990-1995 et de Patrice Buffotot, qui proposait une synthèse complète et très informée sur le long terme.

La publication en 2017 des actes du colloque sur François Mitterrand et la défense, un recueil de témoignages assorti d’analyses d’experts illustre l’importance des sources orales pour approfondir notre connaissance du sujet. Le contexte de sa publication est aussi riche en enseignements : c’est celui du retour des socialistes au pouvoir, et donc aux affaires militaires, à travers Jean-Yves Le Drian qui était déjà aux côtés de Charles Hernu à la fin des années 1970. Ainsi l’expérience du Parti socialiste et de François Mitterrand sur la défense offre encore aujourd’hui matière à réflexion. Les acteurs de cette histoire, officiers généraux, responsables politiques, militants, désormais retirés des responsabilités et disponibles pour livrer leurs souvenirs trente ou quarante ans après les faits, offrent une source riche et souvent très complémentaire aux documents écrits.

L’ouverture des archives participe également à ce renouvellement. Les documents conservés à la Fondation Jean-Jaurès, à l’OURS, au Service historique de la Défense, à Villeurbanne, ainsi que dans les autres partis permettent de travailler non plus seulement à partir de la presse et des brochures, mais à partir des documents internes du parti, de la correspondance et des notes des responsables.

La défense, un enjeu central au sein de la gauche

Les années 1970 sont une période charnière de la guerre froide du point de vue des questions internationales, et en conséquence du point de vue des questions de défense. Si la logique bipolaire avec un adversaire continental qu’est l’URSS continue de déterminer le cadre conceptuel pour penser l’action diplomatique et l’outil militaire, ce cadre est amené à évoluer avec la Détente, qui pousse à revoir la posture stratégique de la France sous les présidences de Georges Pompidou puis de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981). Les bouleversements de la situation internationale (transformation des relations soviéto-américaines avec les accords Salt de 1972 ; crise pétrolière ; marginalisation de la France) forcent les socialistes à repenser les relations Est-Ouest.

Pour le Parti socialiste, la défense est un enjeu central à double titre : au sein même du Parti socialiste dans le rapport entre ses différents courants, et à l’extérieur dans ses relations avec les autres partis, au premier chef le Parti communiste.

Au sein du Parti socialiste d’abord, les questions de défense apparaissent comme un sujet de division entre les sensibilités, car la dissuasion et l’organisation de la défense demeurent des sujets peu consensuels. Dans Changer la vie, le programme adopté en 1972, le Parti socialiste préfère ainsi insister sur le respect de la démarche d’Helsinki, l’approfondissement du dialogue, et pour un système de sécurité collective devant permettre à terme la dissolution des blocs et le désarmement, autrement dit affirmant une politique d’indépendance hors des deux blocs.

C’est ensuite dans le cadre de la négociation du programme commun de gouvernement avec le Parti communiste que les questions de défense apparaissent comme un enjeu important pour les socialistes. Les deux partis s’accordent en juin 1972 sur la renonciation à la force nucléaire « sous quelque forme que ce soit avec arrêt immédiat de la fabrication et reconversion », et se prononcent en faveur de la dissolution du pacte de Varsovie et du traité de l’Atlantique Nord. En attendant, il n’est pas question pour la France de se désengager du pacte de l’Atlantique, mais pas non plus de réintégrer l’OTAN.

Le rôle de la commission défense du Parti socialiste : en finir avec « une somme de négations »

Si l’internationalisme constitue l’axe principal de la politique étrangère du Parti socialiste, celui-ci correspond surtout à des négations. C’est d’ailleurs le sens des propos de François Mitterrand au congrès de Grenoble le 23 juin 1973 lorsqu’il rappelle aux militants socialistes la responsabilité du parti en matière de défense, en expliquant :

« qu’un grand parti comme le nôtre n’a pas le droit de considérer que le problème de la sécurité de la collectivité nationale peut être le résumé d’une somme de négations ; on ne peut être à la fois contre l’armée de métier, contre un service militaire suffisamment long – quand ce n’est pas contre le service militaire tout court, contre l’armement atomique français, […] contre l’éventuelle alliance de caractère atomique et nucléaire avec la Russie soviétique, contre l’atlantisme… pour s’apercevoir ensuite, dans les pleurs et la douleur, que le devoir d’un socialiste, c’est aussi de contribuer à la défense de son pays ».

Pour ce faire, les socialistes doivent redéfinir leur rapport à une institution militaire pour lesquels ils nourrissent une forte hostilité. Cette défiance ancienne à l’égard du corps des officiers, réputé conservateur, qui remonte au XIXe siècle, et qui trouve ses racines pour la génération qui dirige le Parti socialiste dans les années 1970 aux événements du 13 mai 1958 et au putsch des généraux de 1961, est ranimée après le coup d’État militaire survenu au Chili le 11 septembre 1973. C’est ce que rappelle Hubert Védrine qui participa aux côtés de Charles Hernu à la réflexion sur les questions de défense dans les années 1970 avant de devenir le proche collaborateur que l’on connaît de François Mitterrand à l’Élysée : « la méfiance demeure vivace parmi une large partie de l’électorat et de l’appareil du Parti socialiste qui continue à voir dans l’armée ‘une briseuse de grèves’, ‘l’instrument de la répression de la bourgeoisie’, ‘la fauteuse de guerre’, ‘l’âme du complexe militaro-industriel’, voire, chez les plus angoissés, l’instrument d’un putsch. »

Sujet délicat qui présente l’inconvénient de soulever la polémique au sein de la gauche, mais domaine central de l’État aux yeux de ceux qui veulent démontrer leur crédibilité et leur capacité à exercer le pouvoir, les questions de défense connaissent un aggiornamento long et difficile au Parti socialiste. La dissuasion nucléaire est la clé de cet obstacle ; ses partisans au Parti socialiste estiment qu’elle est le moyen de mettre en cohérence la politique de défense du Parti socialiste avec le principe d’une politique étrangère indépendante : garant du principe d’indépendance nationale, le nucléaire est aussi l’arme par laquelle procède le reste de l’organisation de la défense. En acceptant de fonder la défense française sur la détention de l’arme atomique, les socialistes reconnaîtraient que la force nucléaire est non seulement un instrument de sécurité mais aussi un instrument politique permettant de garantir et d’affirmer l’indépendance de la France. Le contexte sur le plan Est-Ouest, marqué par les négociations américano-soviétiques (accords Salt) pousse par ailleurs dans ce sens, alors que des interrogations naissent sur la garantie nucléaire américaine à l’Europe. Ce ralliement présente cependant un inconvénient puisqu’il suppose de contredire les positions socialistes précédentes, à commencer par celles de François Mitterrand, à l’égard de la politique de défense définie et mise en œuvre par le général de Gaulle.

Cette tâche est accomplie par le responsable des questions de défense du parti, Charles Hernu, un ancien radical mendésiste devenu un proche de François Mitterrand. Il trouve un soutien en la personne de Jean-Pierre Chevènement, dont l’option en politique étrangère se fonde ouvertement sur la notion d’indépendance nationale. Pour ce faire, la stratégie de Charles Hernu est de renouer avec la figure du soldat citoyen, en invoquant Jean Jaurès et l’armée nouvelle, et en multipliant les structures en direction des armées entre 1972 et 1974. Une commission de la défense est créée, composée de multiples groupes de travail, proposant rapports et notes ; des « Conventions pour l’armée nouvelle », groupes de réflexion et d’échanges entre cadres de l’armée et socialistes, sont mises en place par le Parti socialiste (même si elles ne sont pas officiellement liées à celui-ci), son logo associant à la rose socialiste les trois armes (le glaive, l’ancre de marine et les ailes). Quant à Charles Hernu, il multiplie ses réseaux, officiels ou informels, en direction des hauts responsables de la défense qui acceptent de le voir. Les différentes réflexions qui ressortent de ces travaux sont rendues publiques, sans que la direction politique et son premier secrétaire en soient responsables, faisant de Charles Hernu un poisson pilote et évitant ainsi que les questions de défense ne deviennent un enjeu politique susceptible de diviser le parti ou de provoquer les critiques d’adversaires politiques, de gauche comme de droite.

Un ralliement à la dissuasion nucléaire conditionné par une politique de désarmement

Dans les années qui suivent, le ralliement à la dissuasion nucléaire, pourtant souhaité par les principaux responsables des questions internationales et de défense du Parti socialiste, n’est pas décidé. La priorité reste sur le plan politique le maintien de l’Union de la gauche. L’orientation antinucléaire du programme du Parti communiste et du programme commun demeure un obstacle à ce choix. Adhérer à la dissuasion provoquerait la rupture de l’alliance entre les deux principaux partenaires de la gauche, or l’objectif premier est de construire une majorité politique seule capable de produire l’alternance. Mais combattre officiellement les forces nucléaires expose aussitôt les socialistes à la critique dès qu’ils cherchent à aller sur le terrain de l’indépendance. C’est le sens des propos tenus à l’Assemblée nationale par le Premier ministre Jacques Chirac, qui, en avril 1975, répond au président du groupe socialiste Gaston Defferre qui l’avait attaqué sur la politique de défense du gouvernement à l’occasion d’une motion de censure :

« C’est mentir que de prétendre que le gouvernement renonce à l’indépendance nationale. C’est mentir plus encore que de réclamer à grands cris une défense indépendante et combattre sans relâche le seul instrument décisif de cette indépendance, c’est-à-dire la dissuasion nucléaire nationale. […] On ne peut à la fois – le président de la République l’a souligné – souhaiter une défense indépendante et en refuser les moyens à la nation. »

L’année 1977 marque un tournant lorsqu’en mai les communistes décident de se rallier unilatéralement à la dissuasion nucléaire en adoptant le rapport rédigé par Jean Kanapa, le responsable de la politique étrangère du Parti communiste. La rupture du programme commun durant l’été, lorsque Georges Marchais dénonce l’accord de réactualisation, prenant prétexte de la position socialiste sur la dissuasion nucléaire, ouvre le champ des possibles alors que les socialistes espèrent une victoire aux élections législatives qui doivent se tenir en 1978. Après avoir accepté en novembre 1977 lors d’un bureau exécutif que l’armement nucléaire soit maintenu en état, une convention sur la défense tenue en janvier 1978 entérine le ralliement à la dissuasion nucléaire, à travers l’adoption d’une position médiane : l’objectif final affiché est d’obtenir, au moyen d’une politique de négociations internationales, des accords de désarmement multilatéral et donc à terme une renonciation à l’armement nucléaire. Le Parti socialiste prône en attendant le maintien de la force nucléaire, ce qui constitue à la fois un compromis en raison de l’opposition d’une forte minorité d’antinucléaires et un ralliement prudent, les socialistes préférant mettre en avant leur universalisme, se faisant les zélateurs d’un système international fondé sur la négociation, le maintien de la paix et le désarmement. Mais, dans les faits, ce vote est une rupture majeure par rapport à un programme qui avait été largement forgé à partir de propositions issues des années 1960.

L’internationalisme du Parti socialiste à l’épreuve de sa stratégie nationale

Le ralliement à la dissuasion nucléaire des socialistes ouvre une période de consensus national sur la défense. L’objectif partagé par l’ensemble des partis de gouvernement de faire de la France une puissance mondiale grâce aux moyens de sa défense se fonde sur la non-intégration dans l’Alliance atlantique et la bombe atomique, deux grandes options militaires mises au service du principe cardinal de la politique étrangère française d’indépendance nationale. Pour les socialistes, cette adhésion crédibilise son candidat qui, de présidentiable, parvient désormais à accréditer sa stature d’homme d’État. Mais en mettant en cohérence sa politique de défense au regard du principe d’indépendance nationale, la politique étrangère du Parti socialiste ne le place-t-il pas en défaut sur le plan de l’internationalisme qu’il revendique ? Cet aggiornamento du Parti socialiste, qui s’est construit à l’interface de la politique française et des relations internationales, a-t-il des conséquences sur ses relations avec les autres partis socialistes et sociaux-démocrates européens ?

Pour en juger, l’attitude face au pacifisme permet de comprendre combien le Parti socialiste de François Mitterrand s’est fait une idée souvent très éloignée de celles des autres « partis frères » sur ce qu’était le monde et la place que pouvait y occuper la France.

Si l’année 1978 avait été marquée par la clarification de la position du Parti socialiste en matière de défense, elle ouvre aussi une période de désaccord avec ses partenaires sociaux-démocrates européens. Des relations de travail existaient déjà au sein de l’Union des partis socialistes de la communauté européenne (UPSCE) et, si les questions internationales et de défense faisaient l’objet de discussions, il faut attendre 1979 et la crise des euromissiles pour que les profondes divergences face au défi nucléaire éclatent. L’inquiétude de la population ouest-allemande face à ce qui est perçu comme une course aux armements pousse le SPD à faire évoluer sa position à l’égard des armes nucléaires qui apparaissent en Occident « de moins en moins comme un atout stratégique et politique face à l’URSS et de plus en plus, au mieux, comme une triste nécessité, au pire comme une abomination ». Le choix du parti socialiste français d’écarter le pacifisme au profit des armes nucléaires, à rebours des conceptions allemandes sur le désarmement, lui avait déjà valu d’être soupçonné de dérive militariste par les sociaux-démocrates allemands. Ce fossé ne pouvait que s’agrandir lorsque le SPD évolua vers le pacifisme antinucléaire et décida de critiquer la stratégie nucléaire de l’OTAN, provoquant chez les Français un refus du neutralisme qui gagnait alors les partis sociaux-démocrates européens. L’inquiétude était d’autant plus forte que le SPD, très influent au sein de l’UPSCE et de l’Internationale socialiste (IS), était loin d’être isolé tant la social-démocratie était confrontée en Europe à une vague pacifiste hostile aux armements nucléaires. En Grande-Bretagne par exemple, le Parti travailliste opère un changement important lorsqu’il se rallie en 1980 aux vues antinucléaires, alors que les travaillistes s’étaient consacrés au développement du nucléaire lorsqu’ils étaient au pouvoir.

Les positions du Parti socialiste sont donc hétérodoxes au sein de l’Internationale socialiste. Cette dernière, si elle ne défend pas une ligne officielle sur le sujet dans les années 1970 en raison des différences nationales, partage l’idée qu’être internationaliste signifie être pacifiste.

Le Parti socialiste se trouve dans une situation paradoxale en 1981. Parvenu au pouvoir en France, ses choix stratégiques l’ont cependant isolé au sein de l’Internationale socialiste. L’aggiornamento auquel il s’est livré dans l’opposition, privilégiant l’indépendance nationale fondée sur une force autonome de dissuasion, l’avait éloigné de l’internationalisme fondé sur une stratégie de désarmement dans le cadre de grandes négociations internationales. S’ils restaient attachés à la défense de la paix, les socialistes refusaient un pacifisme incapable de décourager une agression extérieure et donc d’assurer la sécurité des Français.

La politique étrangère et de défense de François Mitterrand consacra définitivement le ralliement des socialistes à l’orthodoxie gaulliste, ce que l’on résume à travers le concept de « gaullo-mitterrandisme ». Il se manifesta de deux façons : sur le plan des alliances, par sa solidarité avec l’Alliance atlantique, cherchant à rassurer le camp occidental tout en revendiquant une position autonome, estimant qu’il ne peut y avoir de défense que nationale ; sur le plan de la dissuasion, par la recherche constante de maintenir la crédibilité des forces nucléaires françaises. Le nouveau président revendiqua sa prééminence dans le « domaine réservé », même s’il contestait cette notion, lorsqu’il affirma que « la pièce maîtresse de la stratégie de dissuasion en France, c’est le chef de l’État, c’est moi : tout dépend de sa détermination. Le reste, ce sont des matériaux inertes ».

Ses positions sur les euromissiles et la poursuite des essais nucléaires dans le Pacifique illustrèrent sa détermination à agir pour assurer la défense de la France et maintenir son rang de puissance mondiale. En cela, il restait fidèle à ses propos tenus au congrès de Grenoble de 1973 : « notre parti a tendance à voyager idéologiquement sur les franges du neutralisme qui, je le dis tout clair, si les conditions de l’histoire et de la géographie le voulaient, c’est cela qu’il faudrait faire […] Mais alors si nous appartenons au monde, avons-nous le droit d’ignorer toutes les conditions de la sécurité nationale ? ».

Ainsi, pour François Mitterrand, la tentation d’une forme d’autarcie internationale n’était pas permise en raison de la place historique et géographique de la France.

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