Les élections européennes du 25 mai prochain peuvent-elles clarifier le clivage droite-gauche en Europe ? Oui, répond Maxime Lefebvre, à condition que le président de la Commission européenne soit désigné par le Conseil européen et approuvé par le Parlement européen en tenant compte du résultat des urnes.
Une campagne européenne d’un nouveau type s’annonce avec la désignation par les partis européens de leur candidat à la présidence de la Commission européenne : Martin Schulz, pour le Parti socialiste européen (PSE), Alexis Tsipras, pour la Gauche européenne, et d’autres encore qui devraient suivre de la part des libéraux, des Verts et des conservateurs du Parti populaire européen (PPE). Jamais les formations politiques européennes n’étaient allées aussi loin dans une véritable compétition paneuropéenne. Il n’y a guère que les partis populistes ou eurosceptiques qui ne se prêteront pas à ce jeu : or l’enjeu des prochaines élections n’est-il pas justement de contenir la poussée de ces partis et d’offrir aux électeurs un choix plus large que celui de voter « pour » ou « contre » l’Europe ?
Le Parlement européen a toujours été à l’avant-garde de la démocratisation et de la politisation des institutions européennes. Depuis 1981, il s’est octroyé un pouvoir d’investiture de la Commission. Avec le traité de Lisbonne, il peut refuser le président de la Commission et les commissaires désignés par le Conseil européen. Ce dernier doit en effet « tenir compte » du résultat des urnes et donc du candidat à la présidence de la Commission que les partis européens auront désigné.
En 2014 s’offre donc l’opportunité de politiser l’élection de la Commission européenne. Certes, les différences nationales traversent les partis politiques européens. Mais savoir si la Commission sera de gauche ou de droite est un enjeu fort et qui parle aux électeurs. Eviter la politisation, c’est faire le jeu de l’abstention et des partis eurosceptiques.
La politisation de l’élection de la Commission est-elle probable ? Cela dépendra d’un rapport de force complexe. Si le PSE est parti avec une longueur d’avance en désignant Martin Schulz, le PPE devrait désigner son candidat d’ici mars prochain. Les dernières déclarations de la chancelière Merkel laissent entendre un équilibre défavorable au Parlement européen face au Conseil européen, lequel cherchera à garder la main en se mettant d’accord à l’unanimité. Même avec un résultat assez clair pour imposer un vainqueur à la tête de la Commission, les autres postes seront l’objet d’âpres négociations entre les Etats membres.
Pour l’instant, les pouvoirs exécutifs nationaux ont intérêt à ne pas se lier les mains. C’est donc aux partis d’orchestrer la bataille politique européenne. Le président de la Commission sera-t-il de gauche ou de droite ? Sera-t-il issu du résultat des urnes ? Pour la gauche, cela implique de mettre en valeur les enjeux politiques d’une réorientation de l’Europe, y compris à partir d’avancées concrètes et réalistes comme l’encadrement du détachement des travailleurs, le salaire minimum, l’harmonisation fiscale, le « juste échange » (instruments de protection commerciale). Plus le PSE sortira renforcé des élections, plus son candidat pourra prétendre au poste de président de la Commission et, quels que soient les équilibres, tirer la politique européenne vers la gauche.