Quelles formes prend la haine anti-LGBTI+ en France aujourd’hui ? Pour mieux la saisir, un rapport – qui en est à sa troisième édition annuelle – sur les signalements répertoriés au sein de l’application FLAG! met en avant différents éléments : les lieux où se produisent les LGBTIphobies, le profil des victimes, mais aussi celui des auteurs des faits. Ce rapport en appelle à l’action des pouvoirs publics pour lutter résolument contre les LGBTIphobies.
Les chiffres clés
- Du 1er janvier au 31 décembre 2022, 1783 signalements (terminés) ont été effectués sur l’application FLAG!. Cela représente une augmentation de 53,58% par rapport aux signalements effectués sur l’année 2021.
- 70% des signalements sont faits pour des infractions liées à la haine en ligne et 30% correspondent à des faits qui ont lieu dans l’espace physique. Cela représente une nette augmentation par rapport aux données enregistrées pour l’année 2021, où la part des faits en ligne, bien que majoritaire, se situait autour de 51%.
- Augmentation de la part des témoins parmi les signalants : ils sont à l’origine de 1270 signalements, soit 71% du total.
- Atteintes à l’honneur sur internet : 89% des faits en 2022, contre 63% en 2021
- Faits signalés par les témoins par grands types en 2022 : 89% d’atteinte à l’honneur, 7% d’harcèlement et de menaces, 2% de violences physiques, 1% de violences sexistes et sexuelles et 1% d’autres.
- Faits signalés par les victimes par grands types en 2022 : 35% d’atteintes à l’honneur, 25% d’harcèlement et de menaces, 5% d’atteintes aux biens, 21% de violences physiques, 8% de violences sexistes et sexuelles et 1% de violences intrafamiliales, 5% de discriminations institutionnelles et professionnelles.
- Auteurs des faits, signalés par les témoins : 13% de personnes non connues seules, 8% de personnes non connues en groupe, 70% de personnes connues, 1% de maintien de l’ordre, 1% de représentants de l’État, 5% de journalistes et 2% d’autres.
- Auteurs des faits, signalés par les victimes : 26% de personnes non connues seules, 28% de personnes non connues en groupe, 18% de personnes connues, 2% de personnes morales, 6% au travail, 5% de maintien de l’ordre, 1% de justice, 4% de représentants de l’État, 1% de santé, 4% à l’école, 4% au sein de la famille, 1% par la sécurité privé, 1% au sein d’un taxis.
- Sur les 681 signalements où l’âge est renseigné, on constate une surreprésentation des 30-39 et 40-49 ans.
- Pour ce qui est de la catégorie socioprofessionnelle, les victimes sont principalement des employés ou des cadres ; la catégorie des ouvriers est quasiment absente.
- 696 signalements précisent le genre de la victime : 452 sont des hommes cisgenres, 151 des femmes cisgenres, 93 sont des personnes trans et intersexes. Comme pour les années précédentes, on notera une surreprésentation des hommes cisgenres parmi les victimes, pour deux raisons : l’application est plus utilisée par ces derniers et les femmes, personnes trans et intersexes sous-déclarent les discriminations et violences subies.
Table des matières
Synthèse
Préface
Avant-propos
Introduction
L’année 2022 au fil de l’eau
Les signalements dans l’espace et le temps
Les types de faits et leurs contextes
En ligne, hors ligne : deux espaces de victimation distincts
Témoins et victimes : forces et limites de la solidarité
Les victimes des actes signalés
Annexes
Focus thématique n°1. L’État, l’administration et les forces de l’ordre : instantanés d’une victimation particulière (du lancement de l’application au 31 décembre 2022)
Focus thématique n°2. Transphobie et signalements rapportant des victimes trans ou intersexes (du lancement de l’application au 31 décembre 2022)
Affiche présentant l’application FLAG!
Flyer « actions » de l’association FLAG!
Fiche « le respect du droit à la dignité des personnes trans » de FLAG!
Fiche « La transidentité au travail » de FLAG!
Liste des codes NATINF (gendarmerie) recensés par l’application FLAG! pour les atteintes anti-LGBTI+
Contribution du Défenseur des droits
Les auteurs
Flora Bolter et Denis Quinqueton codirigent l’Observatoire LGBTI+ de la Fondation Jean-Jaurès.
Flora Bolter est politiste et travaille dans le champ de l’observation des politiques publiques. Engagée de longue date dans le mouvement associatif, elle a également exercé des responsabilités électives de terrain.
Denis Quinqueton a été président de l’association HES · Socialistes LGBT+(2012-2018) et il est l’un des artisans du Pacs dans les années 1990.
Johan Cavirot est président de FLAG!.
Préface, par Johan Cavirot
Depuis quelques mois, nous sommes confrontés à une véritable montée en puissance de la haine à l’encontre des personnes LGBTI+ et plus particulièrement les personnes transgenres, que cela soit sur Internet, les réseaux sociaux ou dans la vie réelle. Plus que jamais, il est important de ne pas fléchir face à toutes ces personnes qui font leur notoriété sur la haine de l’autre et qui souhaitent le recul des acquis sociaux et du droit de chacun·e de pouvoir être soi sans crainte. Ce qu’il se passe outre-Atlantique est symptomatique des retours en arrière catastrophiques.
Cette hausse des violences se traduit par l’augmentation des signalements dans #SignalementFLAG!, mais aussi par l’augmentation des plaintes auprès des services de police et de gendarmerie. Pour autant, nous sommes encore très loin d’avoir une image réelle de ces actes de haine du quotidien, car trop de victimes n’osent pas parler, n’osent pas se signaler.
Durant trois ans, j’ai essayé de convaincre les différents ministères de communiquer sur leur périmètre respectif à propos de notre dispositif prévu par le plan gouvernemental 2020-2023. Sinon quelques initiatives localisées, quelques affichages qui sont déjà précieux, cette communication ne s’est pas faite avec autant d’ampleur que nécessaire, par inertie ou autre. Cela n’a pas, à ce jour, permis de le faire connaître autant que nécessaire. J’espère que le prochain plan gouvernemental insistera sur cette question de l’effectivité de la communication et de la formation dans tous les territoires sur les dispositifs existants, notamment #SignalementFLAG!, au-delà des simples effets d’annonce nationaux. Car il est temps d’arrêter d’ignorer ce que l’on ne veut pas, ne peut pas quantifier, et il est urgent de libérer la parole, afin de pouvoir mettre en place des actions concrètes et ciblées à destination des victimes et enfin faire reculer les LGBTI-phobies du quotidien dans la rue, à l’école, dans nos services, dans le monde de la santé, dans le sport…
J’en profite pour remercier ceux qui aujourd’hui ont compris cette importance :
– l’ensemble des associations qui relaient l’existence de ce dispositif ;
– les ministères, les collectivités territoriales et les partenaires privés qui le soutiennent financièrement ;
– les ministères sociaux et les douanes qui l’ont déployé au sein de leur intranet afin d’identifier ces violences au sein de leur administration.
Ces données permettent également la réalisation de ce rapport qui permet d’éclairer les élu·es, les décideurs sur ces violences et leur forme actuelle en France. Je remercie Flora Bolter et Denis Quinqueton de la Fondation Jean-Jaurès, mais également tous les membres du conseil scientifique pour ce rapport une nouvelle fois de qualité qui montre bien l’urgence d’agir auprès de tous les publics.
Dans ce domaine, ce n’est que tous ensemble que nous pourrons avancer au profit de tous et toutes, pour que chacun puisse vivre libre et en sécurité sans devoir constamment regarder au-dessus de son épaule.
Nous comptons sur vous.