La France et l’Allemagne ouvrent la voie à la solidarité européenne

Angela Merkel et Emmanuel Macron ont proposé lors d’une conférence de presse commune la création d’un fonds de relance de 500 milliards d’euros, intégré au prochain budget européen. Alors que l’Union européenne cherchait un second souffle dans la réponse à la crise, cette initiative tente de faire consensus entre les positions divergentes des vingt-sept États membres. Pour Théo Verdier, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès, vice-président du Mouvement européen-France en charge des campagnes d’opinion, la crise liée à la pandémie de Covid-19 révèle le manque d’Europe dans le domaine sanitaire et doit nous amener à penser les actions des États à l’échelle européenne.

La Commission européenne a salué les annonces des dirigeants français et allemand avant même la fin de leur intervention. On peut y voir le signe d’une annonce faite à trois mains, depuis les deux rives du Rhin avec l’appui de l’exécutif européen. Et ce, en vue de proposer un fonds de relance de l’économie européenne, associé à des ambitions nouvelles pour faire émerger une Europe de la santé et renforcer la souveraineté industrielle du Vieux Continent. 

Le couple franco-allemand prend à dessein l’initiative avant un Conseil européen « en présentiel » qui doit se tenir mi-juin 2020. La dernière réunion en visioconférence des chefs d’État des vingt-sept avait donné pour mandat à la Commission de proposer un tel fonds de relance. Mais sans mandat clair sur un montant ou encore une méthode de collecte des fonds, difficile pour la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen de faire des annonces concrètes sans de solides appuis nationaux. 

La France et l’Allemagne ont su faire un pas l’un vers l’autre, dans l’espoir d’inciter le reste de l’Union européenne (UE) à prendre le train en marche. La France avait, par la voix de Bruno Le Maire, estimé à mille milliards l’enveloppe nécessaire à la relance économique de l’Union. L’Allemagne de son côté s’est toujours opposée à une « Union de transfert », c’est-à-dire à des dons des pays les plus riches de l’UE vers ceux dont les économies ont été les plus atteintes, par la crise financière hier, par l’épidémie aujourd’hui. Paris et Berlin proposent une synthèse, avec un fonds de « 500 milliards d’euros en dépenses budgétaires de l’UE ». Concrètement, il s’agirait pour les institutions communautaires d’emprunter directement sur les marchés pour financer les États et les secteurs économiques les plus atteints par le ralentissement économique.

S’assurer qu’aucun État membre ne prenne trop de retard sur ses voisins

On peut bien sûr évaluer cette annonce à l’aune de celles de nos voisins et concurrents. La somme ne se hisse pas à la hauteur de la cagnotte constituée par exemple aux États-Unis pour engager le plan de relance voulu par Washington. Elle se couple par contre en Europe à l’investissement des États membres sur leur sol national. La solidarité communautaire vise à compléter ces investissements pour aider les États du Sud tout en contribuant au dynamisme économique de l’ensemble du marché unique. Et ce, afin de s’assurer qu’aucun pays membre ne prenne trop de retard sur ses voisins.

La proposition franco-allemande doit désormais faire consensus au sein des vingt-sept. Et ce, en jouant à la fois sur la somme, le processus de levée de fonds et les garanties à concéder aux États « frugaux », Pays-Bas en tête, opposés depuis le début de la crise à un endettement commun. D’un autre côté, il faudra savoir matérialiser cet engagement en Italie, en Espagne, au Portugal, dans les pays membres où l’on a cruellement eu l’impression que l’Union ne savait pas se montrer solidaire. 

Convaincre vingt-sept opinions publiques différentes

Les institutions de l’Union ont su faire preuve d’une relative célérité dans leur réponse à l’épidémie, en débloquant les contraintes budgétaires du Pacte de stabilité ou encore en garantissant des taux d’intérêt bas par l’intermédiaire de la Banque centrale européenne. Les tristes exemples de vols de matériel, de fermetures inopinées de frontières, de manque de coordination sur le confinement constituent paradoxalement le signe d’un manque d’Europe dans le domaine sanitaire, d’où un volet dédié à ce sujet dans la proposition franco-allemande. 

De ces annonces reste finalement l’image qu’Angela Merkel répond enfin aux projets formulés par Emmanuel Macron lors de son discours de la Sorbonne de 2017 sur la souveraineté européenne. La crise du coronavirus constitue tant une terrible crise humaine et économique qu’une chance de constater le besoin de penser l’action des États à l’échelle européenne dans un monde où les échanges sont globalisés. Charge aux chefs d’État de matérialiser cette ambition lors du prochain Conseil européen et de prouver par l’exemple que l’union fait la force. En face d’eux, ils auront vingt-sept opinions publiques différentes à convaincre.

La tribune est également disponible sur le site du quotidien Les Échos.

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