Le lieu est inspiré du Casapound romain : des militants du GUD occupent un immeuble vide de Lyon pour le réserver à des personnes en situation de précarité, sur la base du principe de préférence nationale. Une action qui témoigne de l’existence d’une droite radicale mouvementiste. Retrouvez, en partenariat avec L’Œil sur le Front, l’analyse de Jean-Yves Camus.
C’est à Lyon que l’extrême droite radicale a choisi de lancer, le 27 mai dernier, une expérience inédite en France et conçue sur le modèle de la Casapound romaine : un squat désormais baptisé « Bastion social », occupé par des militants du GUD. Cet immeuble du 2e arrondissement, désormais vide, est destiné par les gudards à héberger des personnes en situation de précarité, sur la base du principe de préférence nationale, formulé ainsi : «les nôtres avant les autres». Selon le responsable du mouvement Steven Bissuel, cette action vise à populariser l’idée d’un «grand plan de construction et de réhabilitation de logements», ainsi que de «réquisition et rénovation totale des bâtiments publics abandonnés afin que les Français les plus démunis puissent avoir un logement décent». Le groupe y ajoute «la facilitation de l’accès à la propriété par la mise en place de prêts aidés et de micro-crédits».
Les spécialistes reconnaîtront dans ces formulations et dans l’acte lui-même la «patte» des «fascistes du troisième millénaire» italiens et du lieu devenu mythique qu’ils animent à Rome depuis 2003 : Casapound, du nom du poète américain Ezra Pound, dont l’engagement pro-mussolinien reposait entre autres sur la dénonciation de l’usure et du capitalisme financier. Les contacts entre le noyau lyonnais du GUD et Casapound sont réguliers, l’un des responsables français du lieu alternatif romain, Sébastien « de Boëldieu », ayant tenu une conférence le 3 décembre 2016 au local du GUD, le « Pavillon noir ». Une autre expérience similaire existe désormais à Madrid, sous le nom de Hogar Social, dans le quartier de Tetùan. Il se réclame de Ramiro Ledesma Ramos, le fondateur du national-syndicalisme, une variante de gauche du phalangisme, mise à l’index sous le franquisme pour son contenu «nationaliste-révolutionnaire».
Droite radicale mouvementiste
Quel que soit son avenir – financier : le GUD appelle au financement participatif pour poursuivre son action ; et administratif, un squat étant par définition illégal –, l’action du GUD est inédite en France et témoigne de l’existence d’une droite radicale mouvementiste, c’est-à-dire privilégiant l’activisme et l’intervention sociale sur la politique électorale. L’idée centrale, couramment admise en Italie chez les néo-fascistes se réclamant du programme de Vérone, celui du tournant social de 1943, consiste à mettre en place des actions qui font pendant à ceux de la gauche alternative en «sortant» vers le monde extérieur, en se donnant une visibilité médiatique et auprès de la population, au lieu de rester enfermés dans le fonctionnement groupusculaire et l’entre-soi militant.
Le Bastion social lyonnais a encore beaucoup de chemin à parcourir pour devenir, comme Casapound, un lieu de vie, un mouvement politique, un espace de débats (y compris avec des adversaires de la gauche radicale) et de concerts. Notamment parce que l’attitude des autorités municipales précédentes, à Rome, avait permis de légaliser le « squat », ce qui ne sera pas évident à Lyon. Quel que soit son avenir, l’initiative des radicaux montre aussi que, même dans les villes qu’il administre, le Front national a du mal à s’inscrire dans une dynamique d’initiatives innovantes. D’abord parce que, dans un domaine comme le logement social et l’aide aux plus démunis, il a choisi d’agir dans le domaine de la légalité, qui interdit la préférence nationale. Ensuite parce qu’il se comporte au fond comme un parti traditionnel : les premiers locaux militants ouverts sur les quartiers ont été lancés par le Bloc identitaire (d’abord à Nice, puis à Lyon) ou à Lille par des militants du défunt mouvement Troisième voie. Quant à l’expérience Casapound, si elle est vue d’un très bon œil par certains amis proches de Marine Le Pen appartenant à une génération antérieure de « gudards », elle est, pour le parti, inassumable ouvertement en raison de ses références fascistes. Jusqu’à son autodissolution en 2016 c’est donc le Mouvement d’action sociale (MAS) qui en était le plus proche. La web-radio Méridien zéro continue dans la même lignée.