Jurés populaires en correctionnelle : une fausse bonne idée

Alors qu’est discuté à l’Assemblée le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, George Pau-Langevin et Dominique Raimbourg dénoncent le caractère démagogique et coûteux de cette proposition et rappellent que la justice n’a pas à se soumettre aux caprices présidentiels.

Conformément à la volonté du président de la République, un projet de réforme judiciaire a récemment vu le jour, prévoyant de faire siéger de simples citoyens dans les tribunaux correctionnels. Rapprocher la justice des citoyens est un objectif que peut partager tout démocrate. En revanche, le projet d’intégrer des jurés populaires en correctionnelle est une mauvaise idée. Les députés George Pau-Langevin et Dominique Raimbourg, membres de la commission des lois de l’Assemblée nationale, mettent en évidence les nombreux défauts d’un tel projet et démontrent qu’il répond à une logique purement démagogique et populiste.
Des citoyens assesseurs sont fréquemment associés à l’œuvre de justice, sous une forme qui satisfait les professions du droit, les associations et les justiciables. Mais au niveau du droit pénal, la présence de jurés pour assister les juges est une spécificité de la cour d’assises. Or si le niveau de juridiction de cette dernière (qui a vocation à juger des crimes, là où le tribunal correctionnel est en charge des délits) justifie effectivement la présence de citoyens non magistrats, leur présence ne se justifie pas en tribunal correctionnel et constituerait une extraordinaire perte de temps, d’énergie et d’argent.
Les futurs jurés potentiels seraient tirés au sort et appelés à venir deux par deux compléter les trois magistrats correctionnels pour juger environ 40 000 affaires par an sur les 600 000 jugements correctionnels. Le fait de devoir décider des dossiers pour lesquels leur présence est nécessaire, ainsi que leur inexpérience et leur ignorance des dossiers en question engendreront nécessairement un important ralentissement de la procédure, comme c’est le cas en cour d’assises, déjà accusée de travailler trop lentement. Outre cette désorganisation annoncée, le projet est un gaspillage d’argent public : le coût moyen par juré est de 3333 euros.
Quant à la partie du projet qui concerne les mineurs, elle est tout aussi funeste. D’abord la nécessité de condamner toujours plus durement les enfants ayant commis des actes hors la loi est en soi discutable. Se pose ensuite la question de la conformité du projet à la constitution, étant entendu que, à rebours de la logique actuelle qui avance vers une réduction de l’écart de traitement entre enfants et adultes, les mineurs délinquants devaient être jugés par un juge spécifique, selon une procédure spéciale et en application d’un droit particulier. Ce projet prévoit aussi un recours accru aux centres éducatifs fermés (CEF), ce qui est aussi contestable à plus d’un titre. En agissant ainsi, le gouvernement et sa majorité concentrent les moyens financiers et les orientations pénales vers des outils normalement réservés à des délinquants récidivistes.
Finalement, sous couvert de vouloir renforcer la participation citoyenne, ce projet n’est rien d’autre qu’une mesure populiste qui témoigne avant tout d’un profond mépris à l’égard de tous les gens qui connaissent les questions judiciaires, les professionnels de la justice et de l’éducation comme les parlementaires dont les rapports sur la justice des mineurs vont à l’encontre de l’esprit de cette réforme.

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