Impact du changement climatique : il est urgent de s’adapter

L’année 2024 bat d’ores et déjà tous les records sur le plan climatique : canicules, sécheresses, inondations, ouragans, typhons. Alors que se tient actuellement la COP29, Adélaïde Zulfikarpasic, directrice générale de BVA Xsight, et Anne-Laure Gallay, directrice du département Opinion de BVA Xsight, analysent comment les Français envisagent l’adaptation au changement climatique et leurs priorités en la matière, d’après la septième vague de l’enquête Climat réalisée pour la Banque européenne d’investissement (BEI).

L’année 2024, qui touche bientôt à sa fin, s’annonce comme l’année de tous les (tristes) records sur le plan climatique. L’été 2024 fut l’été le plus chaud jamais enregistré dans le monde et particulièrement en Europe. En effet, le mois de juin a été le plus chaud jamais observé dans le monde et le 22 juillet la journée la plus chaude depuis plus de 100 000 ans ! Les derniers chiffres du programme européen Copernicus parus la semaine dernière sont formels : 2024 devrait bien être l’année la plus chaude que la Terre ait connue depuis 1850, franchissant même la barre symbolique du +1,5 °C de réchauffement en moyenne sur les douze mois de l’année. 

Conséquence de ce réchauffement : de fortes canicules ont touché de nombreuses parties du globe, en Chine, en Inde, au Vietnam, au Mexique ou encore en Arabie Saoudite. Ces records s’accompagnent d’autres épisodes climatiques extrêmes. Après les sécheresses de l’été, cet automne est émaillé d’ouragans et de typhons d’une rare violence. Les inondations, liées à des pluies diluviennes, sont devenues monnaie courante, notamment en France, mais aussi bien sûr en Espagne. Comment ne pas mentionner ici les terribles inondations survenues dans la région de Valence il y a quelques jours à peine, fin octobre, faisant de très (trop) nombreuses victimes et des disparus ? Plus parlants que tout rapport évoquant de nouveaux records, plus parlants que des chiffres, les faits sont sous nos yeux. Le changement climatique et ses conséquences sont là. Palpables, tangibles, concrètes. Les propos de la nouvelle ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, à l’issue d’une réunion de crise en raison de la tempête Kirk, le 9 octobre dernier, sont sans équivoque : « Ces épisodes vont être appelés à se répéter. Nous sommes dans un moment où le dérèglement climatique se traduit concrètement dans nos vies quotidiennes », a-t-elle souligné devant les journalistes1« La dépression Kirk balaye la France, quelque 48 000 foyers encore privés d’électricité », France 24 avec AFP, 9 octobre 2024..

Un troisième plan national d’adaptation au changement climatique a été dévoilé fin octobre par le Premier ministre Michel Barnier et la ministre de la Transition écologique, lors d’un déplacement auprès des victimes d’inondations dans le Rhône. L’objectif de ce plan est d’anticiper les dégâts humains et matériels alors que la France de 2024 est déjà à 1,7 degré au-dessus de la température de l’ère préindustrielle. Le scénario retenu est celui d’un réchauffement de 4 degrés en 2100, le scénario du pire, tandis que le précédent plan était calibré sur un réchauffement à 2 degrés.

Comment les citoyens perçoivent-ils cette traduction concrète des effets du changement climatique dans leur vie ? Sont-ils de plus en plus préoccupés par ce sujet ? Anticipent-ils la nécessité d’une logique d’adaptation aux conséquences du changement climatique ? Ces questionnements sont au cœur de la dernière vague de l’enquête Climat menée pour la Banque européenne d’investissement (BEI).

À la veille de la COP29, nous analysons comment les Français entrevoient l’adaptation au changement climatique et leurs priorités en la matière à partir de cette septième vague de l’enquête Climat, réalisée auprès de plus de 24 000 citoyens dans les 27 pays de l’Union européenne et aux États-Unis (dont un échantillon représentatif de 1008 Français pour la France), soit avant l’annonce du nouveau plan d’adaptation au changement climatique et les derniers épisodes météorologiques extrêmes rendant tangibles ces dérèglements.

L’adaptation au changement climatique : une nécessité… voire une opportunité économique selon les Français

Le changement climatique reste au cœur des priorités des Français cette année selon notre dernière enquête de BVA Xsight pour la Banque européenne d’investissement (BEI). Même s’ils demeurent préoccupés en premier lieu par l’augmentation du coût de la vie (57%), ils citent le sujet climatique comme le deuxième défi auquel est confronté leur pays (34%). 

Graphique 1. Principaux défis auxquels est confrontée actuellement la France

La question du changement climatique fait en réalité écho à deux objectifs qui ont pu être considérés pendant longtemps comme dissociés : combattre le changement climatique en agissant sur ses causes ou tenter de s’adapter et de se protéger face à ses conséquences. Alors que l’attention du grand public a été massivement dirigée vers le premier objectif ces dernières années afin de l’encourager à limiter son empreinte carbone, la question de l’adaptation au changement climatique semble avoir fait son chemin dans l’opinion.

Ainsi, les Français pensent désormais qu’il faut agir sur les deux aspects en parallèle : la plus grande part d’entre eux (40%) sont convaincus que leur pays doit traiter avec le même degré de priorité la question de l’atténuation du changement climatique et celle de l’adaptation à ses effets (+3 points par rapport à la moyenne de l’UE27). Parmi les autres répondants, 29% souhaitent prioriser l’atténuation et 22% l’adaptation. Au sein de l’Union européenne, les Français sont particulièrement sensibilisés à la question de l’adaptation au changement climatique, considérant à 56% qu’elle doit être prioritaire dans les actions que doit mener le pays dans les années à venir (+6 points par rapport à la moyenne de l’UE27), et 41% qu’elle doit être importante. Mis à part chez les sympathisants d’extrême droite241% seulement des sympathisants d’extrême droite jugent « prioritaire » l’adaptation au changement climatique, soit 15 points de moins que la moyenne., la réponse « prioritaire » est majoritaire dans toutes les catégories de la population et accentuée, nous le verrons, avec le vécu des impacts du changement climatique. Au total, ce sont 97% des citoyens français qui reconnaissent la nécessité de traiter ce sujet, dans un pays pionnier en matière de planification de l’adaptation au changement climatique, avec une stratégie nationale lancée dès 2006.

Outre le fait que l’adaptation soit jugée nécessaire pour protéger les populations de l’impact du changement climatique, elle peut aussi devenir une opportunité économique selon les Français : 90% d’entre eux pensent qu’investir dans l’adaptation peut contribuer à créer des emplois et à stimuler l’économie locale (+4 points par rapport à la moyenne de l’UE27). 

Les Français sont également largement conscients de l’utilité d’investir dès maintenant pour préparer demain. Adapter le pays dès aujourd’hui aux effets du changement climatique est coûteux : 2,3 milliards d’euros minimum par an pour les mesures incontournables à lancer dès maintenant selon l’Institute for Climate Economics3Voir Étienne Monin, « Adaptation au changement climatique : l’Institut de l’économie pour le climat préconise d’investir 2,3 milliards d’euros chaque année en France », France Info, 23 juin 2022.. Pour autant, les scientifiques s’accordent à dire que le coût de la prévention sera moindre que le coût de l’inaction. Un constat largement intégré par les Français qui sont 88% à penser que les dépenses d’aujourd’hui éviteront des coûts plus importants à l’avenir (+3 points par rapport à la moyenne de l’UE27). 

Investir dès maintenant pour se préparer aux effets du changement climatique : un objectif qui s’avère donc largement soutenu par les citoyens français et de manière plus marquée que dans le reste de l’Union européenne. Des bénéfices et un intérêt économique reconnus par toutes les sphères de la société, augurant d’une adhésion a priori forte aux politiques publiques qui seront déployées en la matière.

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Une conscience de l’enjeu alimentée par les effets du changement climatique déjà palpables au quotidien, par le biais d’événements climatiques extrêmes

Notre pays connaît des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, de plus en plus fortes, et qui dépassent désormais le périmètre des régions initialement jugées à risque. Ces événements, dont l’intensification par le changement climatique a été affirmée par le GIEC, démontrent la vulnérabilité de notre pays à ses effets. La multiplication des risques, leur médiatisation et leurs effets déjà tangibles sur le quotidien de nombreux habitants expliquent probablement la sensibilité forte des Français à la question de l’adaptation. La conscience de l’urgence à s’adapter est en effet encore plus élevée chez les Français ayant déjà été personnellement touchés par des catastrophes naturelles : l’adaptation est jugée prioritaire à 62% chez les personnes en ayant vécu au moins une ces cinq dernières années contre 33% chez les personnes qui n’ont jamais été touchées personnellement par ces événements.

Interrogés sur leur exposition à ces risques, 8 Français sur 10 reconnaissent avoir subi, au cours des cinq dernières années, les conséquences négatives d’au moins un événement climatique extrême sur leur vie quotidienne, un score identique à la moyenne de l’UE27. Parmi ceux-ci :

  • les fortes chaleurs et canicules (56%), premier risque dans toutes les régions à l’exception de la Normandie ;
  • les sécheresses (39%), particulièrement évoquées par les habitants d’Occitanie (59%) et de Provence-Alpes-Côte d’Azur (52%) ;
  • les fortes tempêtes ou épisodes de grêle (31%), davantage citées dans la région Bretagne (48%) ;
  • les incendies (24%), particulièrement en Occitanie (35%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (35%) ;
  • les inondations (20%), évoquées plus nettement dans les Hauts-de-France (38%).
Graphique 2. Principaux événements climatiques ayant eu un impact négatif sur le quotidien des Français

Une exposition aux événements climatiques extrêmes qui diffère donc selon les régions, mais également par type d’habitat : alors que les citadins déclarent avoir davantage été exposés aux canicules, les ruraux semblent davantage concernés par les tempêtes et les inondations.

Les conséquences de ces événements sont également variées et déjà concrètes pour les individus. Suite à ces épisodes, 17% des Français ont souffert de coupures d’électricité ou de problèmes d’approvisionnement en énergie (un chiffre qui monte à 34% en Bretagne), 16% ont rencontré des problèmes de santé, 15% ont vu des forêts ou des espaces naturels détruits près de chez eux (28% en Provence-Alpes-Côte d’Azur), 15% ont subi des perturbations de transports et 14% une suspension de services publics. Il est à noter que les conséquences sont parfois aussi financières : 13% ont subi des surcoûts en matière d’assurance et 7% une perte de valeur de leur bien immobilier.

Graphique 3. Principales conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes déjà subies par les Français 

Des citoyens particulièrement clairvoyants sur les impacts futurs et les stratégies d’adaptation qu’ils devront mettre en œuvre à leur niveau

Les effets du changement climatique sont donc déjà une réalité concrète pour bon nombre d’habitants et ils génèrent une certaine anxiété. 83% des Français se disent inquiets par l’impact potentiel du changement climatique sur leur vie future, un score supérieur de 10 points à la moyenne de l’UE27 approchant la France du niveau d’inquiétude mesuré dans les pays d’Europe du Sud (85%). Un niveau de préoccupation élevé quels que soient la région d’habitation et le type d’habitat, mais encore plus marqué chez les parents d’enfants de moins de 18 ans (88%). Concrètement, un peu plus d’un Français sur deux (54%) craint que sa maison ou sa voiture soient endommagées en raison de l’impact du changement climatique (-4 points par rapport à la moyenne de l’UE27).

Fortement préoccupés par les conséquences futures du changement climatique, les Français ne comptent pas sur des actions d’adaptation qui viendraient uniquement des pouvoirs publics. 80% d’entre eux reconnaissent qu’ils devront modifier leur mode de vie, dont 25% « beaucoup », un niveau nettement plus élevé que dans le reste de l’Union européenne (72%), proche de celui des pays d’Europe du Sud et que l’on retrouve dans toutes les sphères de la population (de manière encore plus marquée en Occitanie, où ce chiffre atteint 89%). Les Français ont donc déjà largement intégré le rôle qu’ils auront à jouer personnellement pour faire face aux effets du climat.

Graphique 4. Perception des Français quant à la nécessité d’adapter leur façon de vivre en raison des effets potentiels du changement climatique

En ce qui concerne l’évolution de leur mode de vie, une part non négligeable envisage d’ores et déjà des changements radicaux. Ainsi, 39% des Français pensent qu’ils devront déménager dans un endroit moins risqué, même localement – pour éviter les inondations ou incendies par exemple. Un chiffre légèrement supérieur à la moyenne de l’UE27 (+4 points) mais surtout particulièrement élevé chez les citadins (46 %) et les jeunes (jusqu’à 63% chez les moins de 30 ans). De même, à un niveau cette fois identique à la moyenne de l’UE27, 28% pensent qu’ils devront déménager dans une région ou un pays plus frais. Là aussi, cette proportion est particulièrement élevée en zone urbaine (34%) et chez les jeunes (43% des moins de 30 ans). La migration climatique, souvent perçue comme une problématique lointaine, est finalement plus proche qu’on ne le croit.

Graphique 5. Perception des Français quant à la nécessité de déménager en raison des effets potentiels du changement climatique

Fait encourageant, 63% des Français se déclarent informés des mesures qu’ils peuvent prendre pour adapter leur logement et leur mode de vie au changement climatique (-8 points néanmoins par rapport à la moyenne de l’UE27). Les chômeurs et les inactifs, les populations défavorisées et les locataires sont moins nombreux à savoir comment procéder. Cet apparent « effet de classe » est une donnée à prendre en compte, étant donné que ces populations ne se montrent pas moins préoccupées que les populations plus favorisées par l’impact potentiel du changement climatique sur leur vie et surtout qu’elles sont les premières victimes des effets du changement climatique, notamment en ce qui concerne la rénovation thermique des logements (elles sont en effet plus nombreuses à vivre dans des « passoires thermiques », faute de moyens). 

La familiarité avec les aides publiques est moindre : 44% des citoyens français (+4 points par rapport à la moyenne de l’UE27) connaissent les subventions publiques ou les incitations financières disponibles pour adapter leur logement à la hausse des températures. En matière d’équipements, les Français se sont équipés ou pensent qu’ils s’équiperont en premier lieu de climatisation (44%), de ventilateurs (38%) ou qu’ils assureront une meilleure isolation de leur logement (34%).

Qui, comment, par qui : le souhait d’une politique d’adaptation à tendance « universelle », dans ses contributeurs comme dans ses bénéficiaires 

Pour adapter leur environnement local au changement climatique, les Français souhaitent prioriser des actions liées à la végétation : 41% se prononcent pour la plantation d’espèces plus résilientes (+6 points par rapport à la moyenne de l’UE27), 37% pour le rafraîchissement des villes grâce la création d’espaces verts ou à des rues bordées d’arbres (-5 points). 36% souhaiteraient miser sur l’amélioration de l’isolation des maisons et des bâtiments, un chiffre supérieur de 8 points à la moyenne de l’UE, venant confirmer la sensibilité forte des Français à cette thématique poussée par les pouvoirs publics et déjà observée dans de précédentes éditions de l’enquête Climat. 

L’éducation de la population est également considérée comme un axe important : 33% considèrent comme prioritaire l’acculturation de la population aux gestes à adopter en cas d’événement climatique extrême (-5 points par rapport à la moyenne de l’UE27), une orientation qui fait déjà l’objet de nombreuses campagnes d’information régulières de la part du ministère de la Transition écologique, notamment sur les risques d’inondations et de feux de forêt.

Graphique 6. Actions à privilégier pour adapter la région au changement climatique

Cette panoplie d’actions envisageables soulève la question de leur financement : qui doit financer l’adaptation de notre pays au changement climatique ? Sur ce point, les avis sont assez partagés, mais assez proches de la moyenne européenne. 31% des répondants pensent que tout le monde devrait participer de manière égale par le biais des impôts, une option particulièrement évoquée par les personnes les plus fortunées (37%), mais 32% pensent que le coût devrait être supporté par les entreprises et les industries qui contribuent le plus au changement climatique. De manière surprenante, ces réponses ne sont pas teintées politiquement. Une autre proposition consistant à lier les politiques d’adaptation au critère du revenu en faisant porter les coûts sur les personnes les plus aisées est peu soutenue : seuls 15% des personnes interrogées soutiennent cette idée avec cette fois une sur-représentation des sympathisants d’extrême gauche (24%). Enfin, seuls 11% citent les assurances pour prendre en charge ces coûts.

Graphique 7. Principaux contributeurs attendus par les Français pour supporter le coût de l’adaptation au changement climatique

En ce qui concerne les personnes qui devraient être aidées en priorité pour s’adapter au changement climatique, les Français aimeraient avant tout qu’aucun ciblage spécifique ne soit fait, ce qui résonne avec la forte proportion d’entre eux déjà impactés par ses effets : 41% d’entre eux pensent que tout le monde devrait être aidé de la même manière (+3 points par rapport à la moyenne de l’UE27). 27% sont favorables à une priorité portée vers les personnes âgées, particulièrement vulnérables au risque de canicule notamment. 21% opteraient un ciblage géographique vers les régions les plus à risque. Là encore, la question des moyens financiers entre peu en compte, probablement du fait de la perception globale que l’adaptation nécessiterait : seuls 16% souhaiteraient qu’on aide en priorité les personnes à faibles revenus, une mesure plus soutenue par les sympathisants de gauche (22%) mais pas davantage par les foyers défavorisés.

Graphique 8. Catégories de population à aider en priorité en matière d’adaptation au changement climatique 

Le questionnement sur les bénéficiaires des politiques d’adaptation dépasse nos frontières. À un niveau équivalent à la moyenne européenne, 56% des Français interrogés pensent que la France devrait payer davantage pour aider les pays en développement les plus vulnérables. La polarisation politique sur ce sujet est assez évidente : les sympathisants de gauche sont associés à une plus grande solidarité avec ces pays (71%), contrairement aux sympathisants de droite (46%). Sur ce sujet, la France a conforté, lors de la COP28, son soutien aux pays les plus vulnérables en annonçant un paquet financier de 173 millions d’euros4Voir le communiqué de presse, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 6 décembre 2023..

Les Français témoignent ainsi d’une certaine maturité sur le sujet de l’adaptation au changement climatique et des politiques publiques nécessaires pour soutenir cette adaptation. Ce que l’enquête ne permet pas de mettre en exergue, en revanche, et qui constitue pourtant une vraie interrogation, c’est la question de « la trajectoire de cette maturité ». Est-elle croissante, plus grande qu’il y a quelques années ? Et si oui, quelles en sont les raisons ? Cette conscience est nourrie en partie, on l’a vu, par le vécu des effets du dérèglement climatique au quotidien. Mais y a-t-il d’autres facteurs explicatifs ? On peut ainsi s’interroger sur l’articulation entre « adaptation au changement climatique » et « lutte contre le changement climatique ». Cette maturité sur le sujet de l’adaptation climatique est-elle également, outre le fruit d’une réalité tangible au quotidien, la résultante d’une sorte de fatalisme face au changement climatique ? Les Français pensent-ils qu’« il est désormais trop tard pour atténuer le changement climatique » et qu’« il faut donc se concentrer sur l’adaptation à ses impacts » ? En d’autres termes, anticiper l’adaptation au changement climatique, n’est-ce pas un peu renoncer à lutter contre les causes ?

Ce n’est pas ce que les Français semblent dire aujourd’hui puisqu’une majorité relative d’entre eux – 40% – pensent que leur pays doit traiter avec le même degré de priorité la question de l’atténuation du changement climatique et celle de l’adaptation à ses effets. Pour autant, 22% souhaitent prioriser l’adaptation quand 29% souhaitent prioriser l’atténuation des effets du changement climatique. Il serait intéressant de voir comment évoluent ces proportions dans les années à venir et si la part d’individus convaincus qu’il faut prioriser l’adaptation plutôt que l’atténuation stagne, régresse ou bien progresse, ce qui pourrait constituer un signal alarmant. Il ne faudrait pas en effet que la volonté de miser avant tout sur l’adaptation traduise un sentiment que « le combat est perdu d’avance » et annihile toute volonté d’agir pour lutter contre le changement climatique. Pire encore, qu’elle annihile toute forme de responsabilité chez les individus comme chez les responsables politiques.

Ces enjeux risquent quoi qu’il en soit de se poser avec plus encore d’acuité dans les prochains mois et les prochaines années. L’élection de Donald Trump ne sera sans doute pas sans conséquences sur la question climatique. Selon une estimation de Carbonbrief, le programme de Donald Trump va conduire les États-Unis à émettre 4 milliards de tonnes de CO2 en plus d’ici 2030 (vs la trajectoire actuelle), soit l’équivalent des émissions annuelles combinées de l’Union européenne et du Japon.

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