Les «Identitaires» appliquent la seule manière de faire de la politique qui a jamais marché : définir une vision du monde, même simple, former des cadres, forger et imposer concepts et mots, imposer et faires désigner ses cadres à des postes d’influence. D’autres chapelles politiques ont procédé ainsi dans le passé. Elles sont rares à le faire aujourd’hui. Analyse avec Gaël Brustier pour L’Œil sur le Front.
Des nationalistes-révolutionnaires quittant le FN
Issus de la galaxie «nationaliste-révolutionnaire» et devant tout à l’introduction dans la vie politique de la thématique «identitaire» par des personnalités comme Bruno Mégret ou Jean-Yves Le Gallou, les Identitaires sont sans doute inexistants électoralement mais loin de l’être politiquement.
Lors de la scission du FN en 1998-1999, les sections mégrétistes, celles qui basculent le plus au MNR, sont généralement les plus perméables à la reconfiguration de l’extrême droite autour de la thématique identitaire. C’est cette reconfiguration identitaire qui permet aujourd’hui une radicalisation parallèle des électorats de droite et d’extrême droite et, parfois, une fusion relative ou tendancielle de ces électorats ou de segments de ces électorats. Les multiples travaux de Nicolas Lebourg, Jean-Yves Camus, Stéphane François, Jérôme Fourquet, dans leurs domaines respectifs le démontrent.
Lors de la scission, une réalité est nettement observable via internet : les sites des sections FN qui font référence au «Rock Identitaire Français» (RIF) et à la scène musicale qui lui est liée basculent au MNR de Mégret. Cette scène comporte nombre de groupes dont Vae Victis ou In Memoriam notamment. On trouve aussi Fraction (Hexagone), dont fit toujours partie Fabrice Robert et que rejoint un jeune militant du nom de… Philippe Vardon. On trouve aussi alors, promus sur les même sites et en version moins «rock», Docteur Merlin, par exemple, qui sort alors un album «Docteur Merlin chante Brasillach», du nom de l’écrivain, journaliste de Je suis partout, collaborateur versant collaborationniste forcené, condamné à mort à la Libération et exécuté le 6 février 1945, et auteur des Poèmes de Fresnes, objets de la mise en musique. Au sein du MNR, on trouve alors des membres du groupe nationaliste-révolutionnaire «Unité Radicale», en général les plus amateurs de RIF.
Des nationalistes-révolutionnaires se muant en Identitaires
À la suite des coups de feu tirés sur Jacques Chirac par Maxime Brunerie, un membre d’Unité Radicale, le groupe est dissout. Avec d’autres militants nationalistes-révolutionnaires mais également des militants davantage issus de la galaxie maurrassienne (ou néo-maurrassienne), Fabrice Robert lance les Identitaires. Les Identitaires se sont ensuite vite constitués en «Jeunesses Identitaires» et en «Bloc Identitaire». La réflexion sous-jacente est simple : le monde tel qu’il évolue met l’accent sur la question de l’identité. C’est sur cet aspect que peut se reconfigurer le camp politique de ces militants.
Combat culturel (le hashtag #combatculturel est fréquemment utilisé par les figures emblématiques du mouvement identitaire comme Philippe Vardon, Damien Rieu ou leur aîné Fabrice Robert) et combat sémantique, capacité aussi (par des entraînements physiques rendus visibles sur les vidéos du mouvement) à s’imposer physiquement, ceux qui vont donner naissance à la «génération identitaire» ont une vision totale de l’investissement militant.
Désigner un ennemi : l’islam
L’ennemi de l’Identitaire a un nom : l’Islam (en Europe). L’américanisation du monde n’est pas rangée du bon côté, on le devine. Il faudra observer ce que la Alt-right, les paléo-cons et le trumpisme génèrent comme réactions… Parce qu’ils savent que la politique est l’art d’imposer alternativement des mots et des hommes, les Identitaires ont fait progressivement muter le Bloc Identitaire de parti politique à une école de formation à un centre de propagande de fait de leurs idées et de leurs cadres. Ils veulent créer un «Greenpeace de l’identité», et envahissent des fast-foods servant des menus hallal ou des mosquées en construction.
Ces happenings habilement mis en scène, les soupes populaires «au cochon», sont leur invention ainsi que les «apéros saucisson-pinard». Ils empruntent assurément à la «contre-culture» de la destra italienne et au mouvement Casa Pound, sis à Rome, une manière de faire de la politique qui s’insère à merveille dans les nouveaux clivages de la société française et dans la reconfiguration de la droite et de l’extrême droite hexagonales.
Des Identitaires entrant ou travaillant avec le FN
Fabrice Robert fut élu FN à la Courneuve. Philippe Vardon est aujourd’hui membre du FN, élu régional et responsable de la communication de celui-ci au Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. Damien Rieu travaille à la mairie de Beaucaire (dont le maire est Julien Sanchez, FN) mais, côté services, au sein desquels il s’occupe de la communication. Les Identitaires ont formé des cadres politiques qui savent maîtriser localement et nationalement un discours politique, le mettre en application, d’une petite mairie à une région. C’est là leur force.
En formant quelques centaines de jeunes recrues, ils ne sont pas une force d’appoint pour le FN. Ils ne sont plus des supplétifs, ils sont désormais pour le FN, et sans doute potentiellement pour d’autres, la moelle nécessaire au bon fonctionnement d’une action et d’une efficace organisation politique.