Les instances françaises et européennes du football en font toujours trop peu pour lutter contre l’homophobie, selon Richard Bouigue et Pierre Rondeau, co-directeurs de l’Observatoire du sport de la Fondation Jean-Jaurès, et Julien Pontes, du collectif Rouge direct.
Le 17 mai est la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Pourtant, alors que cette discrimination reste abjecte et déplorable, qu’elle est assujettie à une peine d’un an d’emprisonnement et jusqu’à 45 000 euros d’amende, elle est encore trop peu condamnée.
Une récente étude de la Fondation Jean-Jaurès faisait notamment état d’une banalisation et d’une augmentation des insultes et des menaces. En 2018, elles ont même doublé.
Et, alors que la société va mal, le football, sport le plus populaire du pays, semblerait ne rien faire contre cela. Pire, dans ce sport, l’homophobie deviendrait du folklore, du vocabulaire lambda rentré dans le langage courant, un simple outil au service d’une joute verbale.
Mais quel est cet univers où traiter un joueur, un arbitre ou un supporter de « sale pédé » serait courant ? Où ces qualificatifs s’inscriraient simplement dans une sémantique guerrière, combative et particulièrement hétéronormée ? Autrement dit, « pédé » ne serait qu’un synonyme de faible, de passif ?
Huit clubs signataires
Oui, le football banalise l’homophobie, n’agit pas assez pour la faire disparaître des enceintes. L’éducation, la prévention ou la répression sont encore trop faibles. Or, les fans jusqu’aux instances oublient que l’insulte touche directement une communauté entière, qu’elle stigmatise et blâme des hommes et des femmes pour leurs seules préférences sexuelles.
Il est temps d’en finir avec cette simplification, cette discrimination. Les moyens existent et sont nombreux.
Oui, la Ligue de football professionnel a tenté et tente encore d’y mettre fin. En 2008, la charte de lutte contre l’homophobie du Paris Foot Gay avait été rédigée. Elle n’aura finalement été signée que par huit clubs sur les quarante-quatre équipes professionnelles de l’Hexagone. Cette année, la Ligue a dévoilé un plan d’action de lutte contre l’homophobie qui s’articule autour de mesures-phares, en collaboration avec plusieurs associations.
Oui, des actions ont été menées depuis une vingtaine d’années. Dorénavant, les clubs portent, sur une journée de championnat, des lacets arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT (lesbienne, gay, bi, trans), et des messages prônant le respect sont lancés à chaque début de rencontre.
On ne peut qu’applaudir ces mesures, qui devront faire l’objet d’un bilan précis et chiffré. Mais est-ce suffisant ? Pourquoi les associations de supporters n’ont-elles pas été impliquées ? Pourquoi tous les acteurs n’ont-ils pas été associés ?
Le RC Lens condamné
Faut-il attendre un drame avant que la ligue s’attaque efficacement au problème ? Faut-il que la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, dénonce légitimement des chants entonnés dans les stades pour que les instances prennent conscience de cette réalité ? Récemment, un club – le RC Lens – a enfin été condamné pour des cris homophobes, d’une amende de 50 000 euros.
Et demain ? Il faut que cela devienne automatique, il faut que les gens comprennent que l’insulte touche et blesse. Il faut condamner unilatéralement.
Côté européen, c’est la même dérive. L’UEFA (l’Union des associations européennes de football) ne fait rien. Pourtant, la répression est clairement écrite dans le règlement de la fédération. L’article 23 stipule que l’obtention de la licence-club, le fameux sésame pour participer aux Coupes d’Europe, est conditionnée à la mise en place de « politiques actives de lutte contre toutes les formes de discrimination ». Sauf que, pour l’instant, aucun club n’a été suspendu de ligue des champions ou de la Ligue Europa après des chants homophobes, aucun.
Il faut arrêter ce « pinkwashing », de se contenter de faire de l’affichage, et prendre à bras-le-corps le combat contre l’homophobie. Il n’y a pas de hiérarchisation dans l’insulte. Au même titre que le racisme ou l’antisémitisme, l’homophobie reste condamnable. Il est temps que le football cesse de se dévoyer sur les insultes. Il est temps qu’il s’y attaque efficacement.