Gérard Houllier : itinéraire d’un grand coach

Le panthéon du football se remplit malheureusement trop vite ces derniers temps. Après Maradona et Paolo Rossi, voici qu’un autre grand nom du sport, Gérard Houllier, vient de nous quitter. Retour sur l’itinéraire d’un grand coach par Richard Bouigue et Pierre Rondeau, directeurs de l’Observatoire du sport de la Fondation.

Gérard Houllier restera comme le premier entraîneur à avoir remporté le titre de champion de France avec le Paris-Saint-Germain, le sélectionneur maudit du début des années 1990, mais qui s’était refait une santé et une renommée successivement avec Liverpool et l’Olympique lyonnais. 

L’ancien instituteur d’Arras aura tout connu dans le football, toutes les émotions et tous les trophées. Trois titres de champion de France, une coupe d’Angleterre et une coupe d’Europe, et même un Euro avec les U18 français en 1996. Gérard Houllier avait tout pour lui, le talent, l’intelligence tactique, l’humanité suffisante pour gérer un effectif, la connaissance du milieu et la compétence à son poste.

Gérard Houllier, c’est l’histoire d’un Ch’ti devenu grand, un entraîneur issu de la base de la pyramide du football, et non de son sommet. C’est dans le Pas-de-Calais où il est né que tout commence. Joueur amateur à Hucqueliers, puis au Touquet, il devient d’abord animateur à l’école normale d’instituteurs d’Arras avant de devenir entraîneur professionnel des équipes du Touquet et de Noeux-les-Mines – qu’il fait monter en Division 2 – et de goûter à l’élite en 1982 avec le RC Lens. Une belle année pour les Sang et Or qui terminent quatrièmes du championnat et se qualifient ainsi pour la coupe de l’UEFA. 

Une reconnaissance qui lui permet de « monter » à la capitale et de prendre la tête du Paris-Saint-Germain. Comme à Lens, sa première saison est une réussite, il décroche le premier titre de champion de France du club en faisant confiance à des joueurs tels que Joël Bats, Luis Fernandez, Dominique Rocheteau ou encore Safet Sušić.

Dès 1998, après avoir été directeur technique national de la Fédération française de football, il rejoint le mythique club de Liverpool et s’impose rapidement comme un manager hors pair, réalisant en 2001 une saison exceptionnelle remportant, à la suite, la FA Cup, la League Cup puis la coupe de l’UEFA, l’ancêtre de l’actuelle Europa League. 

Il fait à nouveau confiance à de jeunes joueurs, comme Steven Gerrard, auquel il offre le brassard de capitaine alors qu’il n’a que 23 ans, ou Michael Owen, futur ballon d’or France Football, les idoles de toute une génération, marqueurs d’un football champagne, spectaculaire et offensif. La finale de la Coupe UEFA 2000-2001 remportée par Liverpool face aux espagnols du Deportivo Alavés se terminera sur le score singulier de 5 buts à 4 et sera jugée, par beaucoup d’observateurs du football, comme l’une des plus belles finales européennes de l’histoire. L’Angleterre acclame et admire un héros et le nomme officier honoraire de l’Ordre de l’Empire britannique. Une reconnaissance qui se lit encore dans l’hommage du club aujourdhui : « We are mourning the passing of our treble-winning manager, Gérard Houllier. The thoughts of everyone at Liverpool Football Club are with Gérard’s family and many friends. Rest in peace, Gérard Houllier ».  

Les déboires et les désillusions en équipe de France A, avec en point d’orgue la piteuse et honteuse défaite face à la Bulgarie le 17 novembre 1993 au Parc des Princes (qui empêchera l’équipe de France de se qualifier pour la Coupe du monde 1994), restée en mémoire de tous les fans du ballon rond, ne pourront pas résumer toute la carrière de Gérard Houllier. Il ne peut être réduit à ce seul match, à ce seul épisode douloureux. Le natif de Thérouanne, dans les Hauts-de-France, était bien plus que cela. 

Par la suite, Gérard Houllier retrouvera le championnat de France, dès 2005, en devenant l’entraîneur de l’ambitieux Olympique lyonnais. En deux ans de présence, en plus de ses titres nationaux, il marquera l’histoire du club en réalisant de formidables épopées européennes, notamment celle de 2006 où, arrivé en quart de finale de Ligue des Champions, il se fera éliminer par le grand Milan AC.

Pour toute la génération 1980, et tous les autres, Gérard Houllier restera gravé dans les mémoires. Il représente et représentera, pour toujours, ce football européen gratuit, diffusé en clair à la télévision, sur TF1. Au lycée comme à la fac, des millions de jeunes ont pu s’inventer et se construire un inconscient collectif, un imaginaire commun, découvrir les coups-francs magnifiques de Juninho, les frappes magiques de Sidney Govou…

Gérard Houllier avait tout vécu dans le ballon rond, ou presque. Il ne pouvait rien regretter, rien pleurer, rien déplorer. Il a consacré sa vie au foot et celui-ci lui a bien rendu. Son départ nous marque et nous attriste terriblement. Avec lui, c’est une petite part du football populaire, accessible et visible qui disparaît. C’est toute une époque qui s’en va et une certaine idée de ce qu’était le sport professionnel.

 

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