Fractures françaises 2023 : les grands enseignements

Pour la onzième année consécutive, l’enquête Fractures françaises livre des enseignements sur la manière dont les Français appréhendent la société dans laquelle ils vivent. Les évolutions constatées depuis un an sont à la fois impressionnantes et préoccupantes et Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation, analyse les six principaux points à en retenir.

Le grand malaise français

Il ressort des résultats de cette enquête une véritable inquiétude, mêlée de pessimisme, au sein de la population française. La part de Français considérant que la France est en déclin a augmenté de sept points en l’espace d’un an, une position rassemblant 82% de nos concitoyens. Plus encore, c’est bel et bien la part de Français considérant que ce déclin est « irréversible » qui a augmenté. Dans le même ordre d’idées, la nostalgie gagne du terrain en France : la part de Français considérant que « en France, c’était mieux avant » augmente de quatre points pour arriver à 73%. Ce déclinisme se traduit de deux manières différentes : une plus grande demande d’ordre (par exemple, l’opinion selon laquelle « on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre » augmente de trois points pour arriver à 82%) et une tentation de repli sur soi (58% des Français pensent par exemple que les immigrés ne font pas d’effort pour s’intégrer en France, une augmentation de trois points). Enfin, dernier élément venant noircir ce tableau, la confiance dans le personnel et les institutions politiques est en baisse depuis un an, tout comme l’opinion selon laquelle la démocratie est le meilleur système possible (baisse de cinq points, de 70% à 65%).

Les émeutes ont marqué les Français, mais le pouvoir d’achat les préoccupe davantage

Indéniablement, les émeutes de l’été dernier ont marqué la population française et ne sont certainement pas étrangères aux dynamiques présentées dans le point précédent. La part de Français considérant que la société est « très violente » augmente ainsi de sept points, passant de 24% à 31%. 60% des Français pensent par ailleurs que la violence augmente beaucoup, une hausse d’à nouveau sept points. Par ailleurs, l’attitude des policiers est également contestée concernant l’utilisation de la violence : 54% des Français considèrent que les policiers font régulièrement ou de temps en temps un usage excessif de la force, soit une augmentation de neuf points en l’espace d’un an. Pour autant, si les Français sont marqués par cette violence, ce n’est pas le sujet qui les préoccupe le plus : les difficultés en termes de pouvoir d’achat sont toujours en tête de liste des enjeux qui préoccupent le plus nos concitoyens, loin devant les autres.

Le risque d’un backlash écologique

Il ne faut par ailleurs pas négliger le risque d’une tension de la société française sur les questions environnementales. Seulement 57% des Français considèrent que le dérèglement climatique est dû à l’activité humaine, une baisse de quatre points en l’espace d’un an. Plus encore, 67% des Français considèrent qu’il faut que le gouvernement prenne des mesures rapides et énergiques pour faire face à l’urgence environnementale, même si cela signifie demander à la population de modifier en profondeur leurs modes de vie. Ils étaient 82% il y a deux ans.

Une demande de parlementarisme qui reste forte

Si les émeutes de l’été ont marqué l’année qui vient de s’écouler, la séquence des retraites a également été un fait politique de toute première importance, qui s’est notamment soldé par de vives tensions au sein de l’Assemblée nationale et par l’absence de vote sur le projet de loi. Dans ces conditions, la part de Français considérant qu’une Assemblée nationale sans majorité absolue est une meilleure chose car elle permet, en théorie, de déboucher sur des compromis plus représentatifs des positions des citoyens, est en baisse (elle passe de 70 à 59%). Pour autant, c’est bien la demande de parlementarisme qui reste majoritaire, comme si, finalement, les Français attendaient des partis politiques qu’ils fassent évoluer leur culture. Ainsi 60% des Français jugent-ils que le gouvernement ne fait pas assez de concessions aux oppositions, une augmentation de cinq points en un an.

La dédiabolisation du Rassemblement national poursuit sa marche

Inlassablement, le Rassemblement national (RN) tend de plus en plus à être considéré comme un parti « comme les autres », capable de gouverner le pays pour 44% de la population (augmentation de cinq points en un an) et proche des préoccupations des citoyens pour 40% des Français (augmentation de trois points). Notons quand même que, sur les items de proximité avec les préoccupations de Français, de capacité à prendre des mesures impopulaires et sur le fait que la société prônée par le parti est globalement celle dans laquelle les Français veulent vivre, le Rassemblement national arrive devant tous les autres partis politiques ! Et concernant la capacité à gouverner le pays, le RN n’est désormais devancé plus que par un seul parti, Les Républicains.

Inversement, les stigmates associés à ce parti s’étiolent un peu plus d’année en année : moins quatre points concernant le qualificatif du RN comme parti d’extrême droite, moins deux points sur le jugement « xénophobe » de ce parti, moins deux points également concernant le jugement du RN comme parti « dangereux pour la démocratie »

LFI, de plus en plus clivant

La dédiabolisation du Rassemblement national se déroule en miroir de la diabolisation d’un autre parti, La France insoumise (LFI), considéré désormais plus dangereux pour la démocratie que le RN (57% contre 52%) et comme un parti qui attise davantage la violence (60% contre 52%). De la même manière, 50% des Français considèrent que l’opposition du parti de Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale est trop radicale (contre 18% considérant qu’elle est au bon niveau). Enfin, 60% des Français désapprouvent l’attitude de LFI à l’Assemblée nationale (contre 23% qui l’approuve). Parmi tous les partis présents au palais Bourbon, il s’agit des chiffres les plus négatifs, et de loin.

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