Enquête climat : l’opinion dans 40 pays. Focus sur 10 pays d’Afrique et du Moyen-Orient

Comment les citoyens perçoivent-ils l’urgence climatique et ses enjeux ? Une enquête internationale conduite par BVA et la Fondation Jean-Jaurès livre des enseignements précieux. Après un focus sur la France et un sur la situation en Europe, comparée à celle au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Chine, un troisième volet porte sur le cas de dix pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Ce sont Matthieu Cassan, directeur d’études au département Opinion de BVA, et Gilles Olakounlé Yabi, fondateur et directeur exécutif de WATHI, qui en font l’analyse.

 

Les résultats par pays

Selon 41% des Sud-Africains, l’environnement fait partie des cinq plus grands défis auxquels la population est confrontée. La perception de la priorité accordée au défi environnemental arrive loin derrière la perception relative aux problèmes liés à la corruption (80%), l’inflation (57%) et l’accès à l’électricité (46%).

Parmi les sondés qui considèrent le changement climatique comme un défi majeur, les habitants du KwaZulu-Natal (49%), région située au sud-est de l’Afrique du Sud, et du Limpopo (56%), région du nord-est, se démarquent. Cette plus haute perception des habitants de ces régions s’explique certainement par les inondations dramatiques du mois d’avril 2022 ayant fait plus de 300 morts dans le KwaZulu-Natal et des dégâts matériels considérables. Ainsi, 91% des habitants du KwaZulu-Natal interrogés déclarent que le changement climatique a un impact sur leur vie de tous les jours.

La haute perception du problème de corruption – largement supérieure donc aux problématiques climatiques – nous invite à nous pencher sur la question. Occupant la 69e place sur 180 pays au rang du classement de Transparency InternationalTransparency International est un mouvement mondial de lutte contre la corruption qui se base sur un indice de perception de la corruption afin de classer les pays., les rapports détaillant des enquêtes anti-corruption font régulièrement l’actualité en Afrique du Sud. En juin 2022, soit deux mois avant ce sondage, une large enquête sur la corruption d’État sous le mandat de l’ancien président Jacob Zuma est publiée. L’affaire, suivie de près par la population sud-africaine, est accablante : près de 1500 personnes – dont Jacob Zuma soupçonné d’avoir permis à trois hommes d’affaires d’infiltrer les administrations et les entreprises publiques pour en détourner le fonctionnement et les ressources – ont été mises en cause. Ainsi, les révélations publiques sur la corruption endémique qui touche le pays expliquent le positionnement aussi franc de la population à cet égard.

Pourtant, les résultats montrent que le changement climatique représente une réalité pour la majorité des personnes interrogées. Selon 86% des sondés, le changement climatique a un impact sur leur vie quotidienne (dont 52% estiment un « fort impact »). Plus de la moitié des sondés déclarent que le changement climatique et la dégradation de l’environnement affectent leur source de revenue (55%), le temps passé à trouver de l’eau et du bois (53%), ou déclarent avoir pris des mesures individuelles pour s’adapter au changement climatique (58%). Enfin, 55% des sondés déclarent avoir dû déménager ou être contraints de le faire dans le futur. Au regard de ces résultats, nous constatons que le changement climatique représente une réalité pour la majorité des personnes interrogées.

Une fois ce constat effectué, comment cette perception du changement climatique se manifeste-t-elle dans des exigences à l’égard des pouvoirs publics et des États ?

Pour 53% des sondés, tous les pays sont responsables du changement climatique tandis que 24% considèrent les pays développés principalement responsables. Cette perception du changement climatique comme étant une responsabilité commune explique peut-être le positionnement de 69% des personnes sondées en faveur d’investissements dans les énergies renouvelables contre 16% dans les énergies fossiles et 13% dans le nucléaire. Pourtant, l’Afrique du Sud est le principal producteur et consommateur de charbon du continent, ce qui en fait l’un des douze plus grands pollueurs du monde. Avec ses 2 milliards de dollars de revenus annuels, le charbon demeure un secteur économique important pour le pays. S’exprimant lors d’un événement organisé dans le cadre de la Semaine africaine du pétrole au Cap, le ministre sud-africain de l’Énergie, Gwede Mantashe, a d’ailleurs déclaré qu’il n’était pas dans l’intérêt économique du pays d’abandonner trop rapidement le charbon. Lors de la COP26 de Glasgow, l’Afrique du Sud a néanmoins été félicitée pour le rehaussement de ses engagements d’ici 2030 et son objectif de neutralité carbone en 2050. C’est dans ce contexte que l’Allemagne, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont conclu des accords financiers de plus de 8 milliards de dollars pour les cinq prochaines années afin de financer la transition du pays vers des solutions plus écologiques. La majorité des sondés sont d’ailleurs confiants que l’aide financière apportée par les pays industrialisés bénéficiera à leur pays : 65% de confiance à l’égard de l’aide promise par l’Union européenne et 61% de confiance en l’aide promise par les États-Unis ; loin devant les 54% de confiance dans les financements accordés par la Chine. La question des financements est donc largement ancrée dans la population et sera largement abordée lors de la COP27.

Tandis que les résultats de ce sondage indiquent de manière très claire la haute perception du changement climatique et de la nécessité de s’y adapter, on remarque que les plus de 30 ans sont plus nombreux que les 15-29 ans à penser que les défis environnementaux représentent les défis principaux pour leur pays. Ainsi, 21% des 15-29 ans considèrent le changement climatique comme un des principaux défis de leur pays contre 26% des 30-49 ans et 35% des plus de 50 ans. De plus, 23% des 15-29 ans estiment que l’État doit investir en priorité dans les énergies fossiles, contre 14% des 30-49 ans et 7% des plus de 50 ans. À l’inverse, 45% des 15-29 ans pensent que le gouvernement doit investir en priorité dans les énergies renouvelables, contre 58% des 30-49 ans et 63% des plus de 50 ans.

S’il est difficile d’expliquer cette différence de positionnement vis-à-vis des énergies fossiles par une méconnaissance du lien de causalité entre exploitation du charbon et réchauffement climatique, nous pouvons néanmoins avancer que la proportion de jeunes moins sensibles à la priorité climatique avance d’autres priorités qui sont les leurs : économie, sécurité, éducation, emploi, pouvoir d’achat. On peut alors en conclure qu’une transition écologique, si elle ne permet pas de répondre ou n’est pas associée au développement économique, à l’emploi et à la stabilité politique, n’imprègne pas durablement le cœur des populations.

Enfin, la haute perception de la corruption ajoutée aux catastrophes climatiques qui impactent durement la population crée une forte désillusion envers les institutions. Le scepticisme des Sud-Africains dénonçant l’inaction des pouvoirs publics est susceptible de favoriser un contexte où la jeunesse se sentira de moins en moins sensibilisée aux questions environnementales.

En Côte d’Ivoire, les inquiétudes face aux effets du changement climatique sont vives. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest peuplé de 25 millions d’habitants, les résultats de l’enquête de la Banque européenne d’investissement (BEI) en partenariat avec BVA et la Fondation Jean-Jaurès révèlent que pour 64 % des personnes interrogées, la problématique environnementale fait partie des cinq plus gros défis auxquels leur pays doit faire face, devant la corruption (58 %), l’accès à un logement (48 %), l’inflation (43 %), ou encore la sécurité (38 %).

91% des sondés estiment que le changement climatique a un impact sur leur vie quotidienne. Tandis que 63 % estiment qu’il agit sur leur source de revenu, 53 % estiment avoir subi des pertes financières, matérielles, ou territoriales. Face aux effets du réchauffement climatique, 43 % des sondés reconnaissent avoir dû prendre des mesures – ou connaissent des personnes ayant dû en prendre – pour s’adapter. Parmi les 41 % qui déclarent avoir dû déménager ou être contraint de le faire dans le futur, les 15-29 ans se distinguent de manière évidente. Ainsi, 38 % des jeunes pensent devoir quitter leur région dans le futur, soit dix points de plus que parmi les 30-49 ans (28 %).

Les effets du changement climatique sont bel et bien réels pour une majorité de la population, notamment en ce qui concerne la hausse des températures, la disponibilité réduite de l’eau et le risque d’épisodes météorologiques extrêmes.Avec ses 500 km de côte Atlantique, la Côte d’Ivoire est très exposée à l’élévation du niveau de la mer et à l’érosion côtière. Et tandis que l’agriculture est le secteur le plus important du pays (46 % de la population active), seules 0,2 % des terres cultivées sont équipées pour l’irrigation, traduisant la vulnérabilité du secteur agricole face au risque d’épisodes météorologiques extrêmes.

Interrogés sur la responsabilité des États, 47 % des sondés considèrent tous les pays responsables du changement climatique, 34 % les pays industrialisés, et 19 % que changement climatique est un phénomène naturel. On constate une plus faible disparité dans les réponses apportées par les jeunes générations. En effet, parmi les 15-29 ans, 37 % considèrent tous les pays responsables, 30 % les pays industrialisés, et 32 % le changement climatique est un phénomène naturel. Ce positionnement des 15-29 ans est d’autant plus intéressant 75 % d’entre eux se prononcent en faveur d’investissements dans les énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles.

Concernant l’aide financière à l’adaptation, 61 % des sondés pensent que l’aide européenne bénéficiera à leur pays ; 52 % croient aux bénéfices de l’aide apportée par les États-Unis ; et 53 % aux bénéfices de l’aide apportée par la Chine. La Côte d’Ivoire est classée 147ème sur 178 parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique. Les scénarios les plus graves prévoient une diminution des précipitations annuelles pouvant atteindre 65 mm d’ici à 2080, des périodes sèches et humides plus extrêmes, des rendements de maïs, de mil et sorgho qui devraient baisser, et un niveau de la mer qui devrait s’élever de 39 cm d’ici à 2080, menaçant les communautés côtières. La Côte d’Ivoire devra se doter de mesures d’adaptation afin de limiter les effets négatifs du changement climatique dans le secteur forestier, agricole et sur la sécurité alimentaire.

Avec 40 % de la production mondiale, la Côte d’Ivoire est par ailleurs le plus grand producteur et exportateur de fèves de cacao. Cette réussite économique cache la triste réalité du pire taux de déforestation au monde : le pays a perdu plus de trois millions d’hectares de forêt entre 2001 et 2019, soit une baisse de 20 %. Ainsi, le 19 octobre 2022, la Team Europe, composée de l’Union européenne, des États membres de la Banque européenne d’investissement (BEI), en association avec la Suisse, a décidé de mobiliser un montant de 450 millions d’euros afin d’appuyer la stratégie ivoirienne en matière de renforcement de la durabilité de la chaîne des valeurs du cacao.

La 27e conférence des Nations unies (ou COP 27) s’ouvrira le 6 novembre prochain (et se terminera le 18 novembre) dans la ville balnéaire de Charm el-Cheikh en Égypte, située entre le Sinaï et la mer Rouge. Ce sera ainsi le quatrième pays du continent africain à accueillir une COP, après l’Afrique du Sud, le Kenya et le Maroc.

Pays désertique et semi-aride, l’Égypte se trouve dans une situation de vulnérabilité extrême face au changement climatique : inondations, épisodes de sécheresse, pluies diluviennes et tempêtes de sable se succèdent dans le pays depuis plusieurs années. 36 % des Égyptiens estiment que le changement climatique est le plus gros défi auquel doit faire face leur pays, juste après l’accès aux services de santé (39%) et l’inflation (39%).

Et les conséquences du changement climatique se font déjà ressentir. Principal port du pays, la ville d’Alexandrie – située à moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer – connait déjà des inondations massives. 92 % des Égyptiens estiment que le changement climatique a un impact dans leur vie quotidienne. Cette perception diffère néanmoins selon la tranche d’âge : 98 % des 50 ans et plus répondent par l’affirmative contre seulement 87 % des 15-29 ans, soit une différence de 11 points de pourcentage.

Dans les prochaines années, le réchauffement climatique va fortement modifier les moyennes de température. D’après une étude du Center for nation reconstruction and capacity development, les précipitations devraient diminuer de 9,3% au cours du XXIème siècle en Égypte et la température devrait augmenter de 3,6 degrésIRIS, « Rapport d’étude N°5. Prospective Afrique de l’Est », Observatoire géopolitique des enjeux climatiques en termes de sécurité et de défense », février 2018.. Ce qui se traduit inévitablement par une évaporation du Nil, qui représente 95 % de l’eau consommée annuellement dans le pays.

Cet impact du changement climatique va considérablement affecter certains secteurs de l’économie marocaine. C’est notamment le cas de l’agriculture, qui représente 13,5 % du PIB et emploi de manière directe et indirecte 55 % de la main d’œuvre du Royaume. 63 % des Égyptiens considèrent d’ailleurs que le changement climatique a eu un impact sur leurs revenus. Ce chiffre est de 68 % pour les employés et s’élève jusqu’à 70 % pour les cadres et professions intellectuelles supérieures.

D’après une étude de la Banque mondiale, une montée des eaux de 50 cm dans les 50 prochaines années pourrait avoir des conséquences directes sur les 180 000 hectares de terres cultivées, la destruction de 200 000 emplois et le déplacement de deux millions de personnesNil Bassin Initiative. Climate Change and its Implications for the Nile Region, 2012.. De fait, 45% des sondés pensent qu’ils devront déménager dans les prochaines années à cause du changement climatique. Parmi eux, 61 % voudraient rester en Afrique tandis que 43 % envisagent l’émigration hors du continent (12% en Europe).

En plus du réchauffement climatique, l’Égypte fait face à un autre défi majeur : la croissance démographique. Avoisinant les 100 millions d’habitants, la population pourrait encore croitre de 50 % d’ici à 2050, selon les prévisions hautes du département des études démographiques des Nations unies. Cet accroissement accentuerait la demande hydrique, foncière et alimentaire.

Avec 96,1% de la consommation d’énergie primaire basée sur les ressources fossiles en 2019, le mix énergétique et électrique de l’Égypte demeure très carboné. L’Égypte dispose de la cinquième plus importante réserve de pétrole d’Afrique, et de la troisième plus importante réserve de gaz du continent. Pour autant, 74 % des sondés considèrent que leur pays doit investir principalement dans les énergies renouvelables, tandis que 22 % estiment qu’il est nécessaire de poursuivre les investissements dans les énergies fossiles ou nucléaire. L’Égypte ambitionne de faire passer la part des énergies renouvelables dans la production totale de 20 % en 2022 à 42 % en 2035, dans le cadre de sa stratégie intégrée pour l’énergie durable instaurée en 2020.

Au Kenya, les résultats de l’enquête de la BEI en partenariat avec BVA et la Fondation Jean-Jaurès sur la perception du changement climatique sont frappants. Dans ce pays de la Corne de l’Afrique particulièrement sujet aux périodes de sécheresses, 61 % des personnes interrogées considèrent l’environnement comme l’un des cinq plus gros défis auxquels leur pays doit faire face. Un défi qui se range en deuxième position, après la problématique de la corruption (76 %). Par ailleurs, la quasi-majorité des sondés (97 %) estiment que le changement climatique a un impact sur leur vie quotidienne : 76 % d’entre eux estiment qu’il agit sur leur source de revenu ; 77 % sur leur capacité à accéder à de l’eau et du bois ; et 79 % estiment avoir subi des pertes financières, matérielles, ou territoriales.

Les sécheresses – de plus en plus fréquentes – touchent principalement les régions du nord et certaines régions de l’est. Dans ce pays où le secteur agricole est le principal employeur (près de 70 % de la population active en 2017), en l’absence de régénération des points d’eau et des pâtures, les revenus des habitants s’effondrent. En 2021 d’après le journal Le Monde, certains éleveurs ont perdu jusqu’à 75 % de leurs bêtes, tuées par la faim et la soif. Le positionnement de la population locale vis-à-vis du changement climatique est clair : les Kenyans ont conscience de subir de plein fouet les conséquences dramatiques du changement climatique. Et la nécessité pour eux de s’adapter à cet environnement de plus en plus hostile passe par la migration. Ainsi, 20 % des personnes interrogées affirment avoir dû quitter leur région et 37 % pensent qu’ils devront la quitter dans le futur. On peut donc estimer qu’à la faveur de l’aggravation des effets du réchauffement climatique, environ une moitié de la population kenyane aura été contrainte au déplacement, majoritairement régional puisque 72% d’entre eux comptent rester au Kenya.

L’aide financière de la part des pays riches est perçue comme indispensable. Respectivement 82 % et 79 % des sondés pensent que l’aide apportée par l’Union européenne (UE) et les États-Unis bénéficiera à leur pays ; soit un taux d’opinions plus favorables à l’aide apportée par la Chine qui ne convainc que 60 % des personnes interrogées. Ces chiffres traduisent non seulement l’attente des Kenyans à l’égard des financements à l’adaptation de la part de pays développés, mais également leur confiance à l’égard des pays occidentaux. En 2018, la Banque européenne d’investissement a créé un mécanisme pour aider les banques commerciales du pays à accorder davantage de prêts aux entreprises agricoles venant en aide aux petits exploitants. Une mesure de soutien qui permet aux éleveurs pastoraux de s’adapter à la sécheresse..

Enfin, la grande majorité des sondés (81%) pensent que leur pays devrait investir en priorité dans les énergies renouvelables. Face à cette large majorité seulement 12 % estiment que l’investissement doit être dirigé vers les énergies fossiles. Nous pouvons en déduire d’une part que la corrélation entre l’exploitation des énergies fossiles et le réchauffement climatique est une évidence pour la majorité de la population ; d’autre part, que ce résultat traduit la volonté de ne pas reproduire un modèle de production énergétique nuisible pour l’environnement, même si pour 30 % des sondés, les pays industrialisés sont responsables du réchauffement climatique.

La sensibilisation de la population kenyane au changement climatique est très forte. Et selon les experts, la cadence des sécheresses risque de s’accroître. Alors qu’elles suivaient auparavant un cycle de cinq à sept ans, seulement trois ans séparent les deux dernières. Dans ce pays où la corruption reste une problématique majeure, l’urgence de l’adaptation est une réalité pour tous ses habitants. Il semble donc de la responsabilité des pouvoirs publics d’accompagner la population kenyane.

Les épisodes caniculaires se succèdent au Maroc depuis plusieurs années. En août 2021, les températures ont frôlées les 50 degrés (49,6 degrés à Sidi Slimane) et, à certains endroits, dépassées les normales mensuelles de 5 à 12 degrés. Par ailleurs, cet été, le royaume chérifien a enregistré la pire sécheresse depuis quatre décennies. La fréquence des sècheresses (année où la pluviométrie est inférieure à 400 mm) a été multipliée par cinq depuis le début des années 1980, passant d’une année sèche sur 15 années normales jusque dans les années 1970 à une année sèche sur trois à partir des années 1980.

Si ces vagues de chaleur sont pour l’heure exceptionnelles, elles vont de se normaliser dans les années à venirWorking on a warmer planet, Organisation mondial du travail, 2019.. 46 % des Marocains estiment que le changement climatique est le plus important défi actuel dans leur pays, juste après l’accès à la santé (53%). Pourtant, cette question sensibilise davantage les 50 ans et plus (55%) que les 15-29 ans (38%).

Depuis septembre 2021, le pays subit un sévère déficit pluviométrique et une baisse alarmante des réserves des barrages de près de 89% par rapport à la moyenne annuelle, selon les statistiques officielles. Ce déficit est « un indicateur inquiétant même s’il a été résorbé par des mesures préventives, afin d’éviter les pénuries d’eau », a reconnu Abdelaziz Zeouali, directeur de la Recherche et de la Planification de l’eau. Fin décembre, les villes de Marrakech et Oujda, ont dû recourir à la nappe phréatique pour assurer leur approvisionnement.

86% des personnes habitant le royaume se disent affectées par le changement climatique au quotidien. C’est notamment le cas des nomades, qui voient leur mode de vie complètement modifié. Alors qu’ils étaient 70 000 en 2004, les nomades n’étaient plus que 25 000 en 2014 (date du dernier recensement officiel), soit une chute de deux tiers en 10 ans. Le changement climatique affecte en premier lieu leur parcours de transhumance. Puis, la rareté de l’eau contraint même certains nomades à s’endetter pour nourrir leur bétail. Outre les nomades, 51% des Marocains considèrent que leurs revenus sont impactés par le changement climatique et la dégradation environnementale. Les revenus des habitants de Fès et de Meknès sont les plus affectés (61%) que ceux habitants dans les autres villes. Il faut noter que ces deux villes ont battues leurs records de chaleur en 2021, avec un pic atteignant les 46 degrés à Fès contre 45 degrés à Meknès. Pour lutter contre le changement climatique, le Royaume a multiplié les initiatives.  Engagé depuis la conférence de Rio en 1992 sur les questions environnementales, le pays s’est doté, dans le sillage de la COP15 de Copenhague, d’un Plan national de lutte contre le réchauffement climatiqueIRIS, « Rapport d’étude N°4, Prospective Afrique du Nord », Observatoire géopolitique des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense, janvier 2018. C’est également l’un des premiers pays à proposer une contribution nationale dans le cadre de la préparation à la COP21. Celle-ci prévoit de réduire de 13% ses émissions de GES d’ici 2030 voire de 32% avec un appui financier international adapté. Diminuer la consommation d’énergie de 15% d’ici 2030 et passer à 50% de production d’électricité à partir des énergies renouvelables à l’horizon 2025 constituent les deux autres principaux objectifs. 74% des sondés estiment que leur pays doit en priorité investir dans les énergies renouvelables, tandis que 22% veulent poursuivre les investissements dans les énergies fossiles et le nucléaire. En 2021, le Maroc a, par d’ailleurs, adopté une feuille de route pour développer l’hydrogène vert. Selon le ministre néerlandais des Affaires économiques et de l’action pour le Climat, M. Rob Jetten, le Maroc bénéficie d’un potentiel « important » pour développer ce nouveau secteur de la transition énergétique, et peut devenir un fournisseur clé d’hydrogène vert pour l’Europe.

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