Engager la France dans la transition énergétique

Nombreux sont nos voisins européens à s’engager vers une sortie du nucléaire. Comment la France, pays le plus « nucléarisé » au monde, peut-elle réagir à l’après Fukushima ? Pierre Moscovici présente un scénario nous permettant d’envisager une transition énergétique.

La préparation de la France à la transition énergétique est désormais une nécessité absolue. Reste à en définir les modalités.
Afin de préserver son indépendance énergétique, la France n’a cessé de développer son parc nucléaire, à l’origine de 75 % de sa production d’électricité. Cet engagement s’explique par les nombreux avantages que peut représenter l’atome : une production d’énergie avec une émission limitée de gaz à effet de serre, une dépendance réduite vis-à-vis des producteurs d’hydrocarbures, l’élaboration d’une filière industrielle d’excellence, créatrice d’emplois. Cependant, les problèmes que pose le nucléaire sont à la hauteur de ses avantages et les événements du 11 mars dernier en sont une parfaite illustration.
La catastrophe de Fukushima, qui s’est produite dans un pays où il y a tout lieu de croire que les mesures de sécurité sont d’autant plus draconiennes que les risques sismiques sont élevés, nous permet de réévaluer les risques pesant sur notre propre politique de sécurité. Les opinions ne sont pas restées neutres et, aujourd’hui, les Français, qui, pour la moitié, estimaient avant 2010 que l’importance du nucléaire dans notre mix énergétique constituait un avantage, sont 77 % à se déclarer favorables à une sortie de l’atome. Pourtant, au sein de cette forte majorité, bien peu sont prêts, y compris parmi les sympathisants d’Europe Ecologie-les Verts, à en assumer les surcoûts !
Afin de dépasser le débat entre pro- et anti-nucléaires et de proposer un scénario différent de ceux rendus publics à ce jour, qui reposent sur un horizon de long terme (2030-2050), une priorité absolue donnée à la maîtrise de la demande d’énergie et le maintien d’une part d’électricité produite à partir du charbon et/ou du gaz pour pallier l’intermittence de certaines énergies renouvelables et équilibrer le système électrique, il est possible de tracer un chemin ambitieux préparant l’après nucléaire.
Ce chemin se fonde sur cinq grands principes : la volonté de conserver l’excellence industrielle française en matière énergétique et de développer les emplois qui en découlent ; le respect des contraintes budgétaires de l’Etat et du pouvoir d’achat des ménages ; l’inscription dans une perspective de long terme afin de se concentrer sur la maîtrise de la demande énergétique ; la certitude que la stabilité du cadre de régulation est indispensable à la réalisation d’un objectif ambitieux ; le refus de sacrifier unilatéralement les exigences de Kyoto : la transition énergétique ne se fera pas au profit d’énergies moins coûteuses à court terme que les énergies renouvelables mais dont les performances en termes de rejet de CO2 sont incomparables.
L’application de ces principes nécessite d’inscrire la transition énergétique dans un cadre de régulation renforcé et de doubler l’investissement dans la maîtrise de la demande et les énergies renouvelables ; or cette exigence constitue également une opportunité : celle de faire de la France l’un des leaders mondiaux en matière d’énergie verte. Avant cette transition progressive, les centrales en fin de vie ou présentant des risques majeurs, comme celle de Fessenheim, doivent être démantelées. Mais notre ambition énergétique sera vaine si elle n’est que nationale, elle doit faire l’objet d’une priorité européenne réaffirmée et concrétisée.
Plutôt que de débattre indéfiniment de la sortie du nucléaire à l’horizon 2040, 2050 ou 2060, il est proposé ici de s’engager fermement et précisément pour les quinze prochaines années. C’est-à-dire celles qui relèvent de la responsabilité du prochain président de la République. Dès le début du prochain quinquennat, un grand débat national sur la transition énergétique devra être proposé afin que la préparation des conditions économiques et sociales de l’après nucléaire puisse faire l’objet d’un large consensus national.

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