Dénutrition : la maladie invisible de la Covid

À l’occasion de la première semaine nationale de la dénutrition du 12 au 19 novembre 2020, le Collectif de lutte contre la dénutrition a souhaité mesurer, à travers une enquête conduite en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et l’Ifop, la perception par les Français des enjeux de la dénutrition, maladie trop méconnue. Jérôme Guedj, directeur de l’Observatoire des politiques sociales de la Fondation, en livre les résultats dans le contexte de la Covid-19 et analyse les enjeux que pose cette maladie au système de santé et plus largement à l’ensemble de la société.

« Quand l’appétit va, tout va »
Sagesse populaire

« Que ton aliment soit ta première médecine »
Hippocrate

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La dénutrition, un miroir de notre système de santé

La dénutrition souffre d’abord d’une méconnaissance et d’une forme de déni ou d’incrédulité : comment peut-on être dénutri dans une société d’abondance ? Quelle différence entre dénutrition, malnutrition pour raison économique, de famine ou encore d’anorexie ? Même quand ces obstacles à la bonne compréhension de cette pathologie sont levés, quand chacun mesure qu’il connaît en fait dans son entourage ou qu’il a connu lui-même une situation de perte brutale de poids dans une situation de fragilité (maladie chronique, hospitalisation, patients atteints du cancer, personnes âgées), une deuxième série d’objections surgit : est-ce si grave ? N’est-ce pas inévitable ? Pourquoi insister sur une pathologie de la nutrition et de la perte de poids quand le sujet dominant de la nutrition en santé publique porte sur l’obésité, la surcharge pondérale et les pathologies qui leur sont liées (diabète, maladies cardio-vasculaires…) ?

Pourtant, les données sont connues et depuis longtemps : la dénutrition existe, elle est massive et elle n’épargne personne. Les enfants hospitalisés, les adolescents et les jeunes adultes souffrant de troubles de la conduite alimentaire sont également concernés, certes dans des proportions plus faibles que les personnes touchées par une maladie chronique, les patients atteints d’un cancer, les personnes âgées et, désormais, les personnes infectées par la Covid-19 ayant développé une forme grave. Elle est une maladie à part entière qui peut tuer silencieusement. Elle a un coût économique.

Pourtant, paradoxe terrible, voilà une maladie qui touche au plaisir lié à l’alimentation dans un pays qui a le culte de la bonne chère ; voilà une maladie qui peut être évitée par des actions de prévention au long cours ; une maladie qui peut être facilement dépistée par une pratique simple et peu coûteuse, le suivi régulier du poids simplement avec un pèse-personne. Quand elle survient, malgré tout, des traitements existent, par l’enrichissement de l’alimentation et le cas échéant par la prescription médicale de compléments nutritionnels oraux jusqu’à la nutrition artificielle.

Or, chacun de ces leviers nécessite de changer de paradigme. D’abord, admettre la maladie, la nommer et mieux la faire connaître pour mieux et plus systématiquement la diagnostiquer et la prendre en charge, sans s’y résigner. Pour cela, il faut mobiliser non seulement le système de santé, bousculé par une pathologie liée à l’alimentation qu’il a du mal à prendre en compte à sa juste importance, parfois focalisé qu’il est sur l’obésité, mais aussi l’ensemble de la société tant les acteurs concernés sont multiples (familles et proches aidants, professionnels de santé, acteurs de la restauration, collectivités locales, associations, organismes de protection sociale, établissements sanitaires et médico-sociaux…). Il faut également mettre l’accent sur une logique de prévention plutôt que de réparation et agir sur les déterminants de santé et l’environnement, accompagner le patient à risque dans une logique de parcours, en décloisonnant médecine de ville et hôpital, sanitaire et médico-social.

C’est ce en quoi la dénutrition et les réponses à lui apporter constituent un miroir grossissant des difficultés, des défis, mais aussi des potentialités de notre système de santé.

La dénutrition demeure une maladie largement méconnue

Ce que nous dit l’enquête

Certes, 77% des Français ont déjà entendu parler de la dénutrition, mais seuls 46% voient précisément de quoi il s’agit. 31% identifient vaguement de quoi il s’agit et 23% n’en ont jamais entendu parler.

42% des Français interrogés continuent à penser que la dénutrition correspond à des situations de famine. Le sentiment d’incrédulité face à la possibilité de dénutrition dans une société d’abondance explique probablement que 58% seulement des sondés pensent que la dénutrition peut être présente dans des pays où les denrées alimentaires sont abondantes.

Seuls 18% des personnes interrogées indiquent que la dénutrition est une maladie (84% pensent que c’est une cause de certaines pathologies, 81% une conséquence).

La dénutrition : définition

La dénutrition est définie par la Haute Autorité de santé comme « l’état d’un organisme en déséquilibre nutritionnel, caractérisé par un bilan énergétique et/ou protéique négatif. Le déséquilibre inhérent à la dénutrition conduit à des effets délétères sur les tissus avec des changements mesurables des fonctions corporelles et/ou de la composition corporelle, associés à une aggravation du pronostic des maladies ». On est dénutri quand on ne mange pas assez par rapport à ses besoins, parfois même sans s’en rendre compte. On perd du poids, des muscles et de la force.

Le diagnostic de la dénutrition correspond à une perte de poids chez l’adulte de plus de 5% en un mois ou de plus de 10% en six mois. En l’absence de perte de poids rapide, elle est établie par une maigreur excessive mesurée chez l’adulte par un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 18,5. Pour les personnes âgées de soixante-dix ans et plus, la dénutrition est constatée dès que l’IMC est inférieur à 21. Chez l’enfant, c’est la stagnation, voire la cassure des courbes de poids et de taille qui indique la dénutrition.

La confirmation de la nécessité de sensibiliser sur la dénutrition

C’est la raison même d’être du Collectif de lutte contre la dénutrition depuis sa création en 2016. C’est surtout désormais un des objectifs du Programme national nutrition santé (PNNS) 2019-2023 (dit « PNNS 4 »), qui a décidé la création de la semaine nationale de la dénutrition. En dépit du contexte sanitaire contraint lié à la Covid-19 (premier puis deuxième confinement et forte sollicitation des établissements de santé et des Ehpad), cette première édition du 12 au 19 novembre 2020 parvient à mobiliser plus de 2300 actions de proximité, de sensibilisation et d’information, partout en France, et multiplie les événements en distanciel.

Le PNNS est un outil singulier et innovant, à la frontière du plan de santé et du programme sociétal, qui, dès sa création en 2001, a identifié la dénutrition comme enjeu des politiques de nutrition santé, au même titre que les recommandations et outils désormais bien connus du grand public (« manger, bouger », « ni trop gras, ni trop salé, ni trop sucré », « cinq fruits, cinq légumes par jour », le nutriscore…). Singulier, le PNNS l’est car il ne procède pas du strict champ sanitaire et médical et vise, par une approche à la fois sociétale et comportementale, à promouvoir les bonnes pratiques et à mobiliser les acteurs dans leur diversité (professionnels de santé, collectivités locales, école, publicité, acteurs de l’alimentation et de l’agro-alimentaire…). L’instauration d’un volet dénutrition dès 2001 atteste de la prise de conscience depuis plus de vingt ans mais les résultats en termes de prévalence n’ont guère été infléchis.

Une sous-estimation de l’ampleur du phénomène qui touche pourtant plus de 2 millions de personnes

Ce que nous dit l’enquête

Même si 93% des sondés sont bien conscients qu’on peut être touché par la dénutrition à tout âge, l’ampleur du phénomène demeure mésestimée.

Seuls 7% des personnes interrogées indiquent le juste chiffre de 2 millions de personnes dénutries, quand 46% le sous-estiment, parfois largement (27% pensent qu’elle concerne moins de 100 000 personnes), et 45% n’en ont aucune idée.

Pourtant, une fois la dénutrition bien définie, 11% indiquent avoir actuellement un proche souffrant de dénutrition. Et 32% réalisent avoir eu un proche dénutri : la dénutrition nous concerne bien tous.

Surtout, et c’est une donnée totalement inédite, 8% des sondés indiquent avoir été une fois diagnostiqués en état de dénutrition. Ce qui correspondrait en projection à plus de 5 millions de Français. Dont 2% au cours des douze derniers mois. Ce chiffre est cohérent avec les estimations de 2 millions de personnes dénutries en France, dont toutes n’ont pas eu un diagnostic formellement posé sur leur maladie par un médecin.

Les personnes interrogées ont une juste intuition des catégories de population les plus exposées au risque de dénutrition : ils citent d’abord les malades du cancer (90%), les personnes âgées (90%), les personnes en sous-poids (86%) et les patients infectés par la Covid-19 (79%). Ils sont plus dubitatifs, mais demeurent majoritaires, s’agissant de la possibilité pour les enfants (68%) et les personnes en surpoids (58%) d’être dénutris, alors que ces deux catégories sont effectivement exposées au risque de dénutrition : 1 enfant sur 10 hospitalisé est dénutri.

La dénutrition est bien un phénomène massif qui touche toutes les catégories

Les données disponibles confirment cette massification de la dénutrition :

  • 4 à 10% des personnes âgées vivant à domicile ;
  • 25% des personnes âgées fragiles ou en perte d’autonomie à domicile d’une aide à domicile ;
  • 30% des personnes hospitalisées ;
  • 40% des malades atteints de cancer ;
  • 30 à 40% des résidents d’Ehpad ;
  • 10% des enfants hospitalisés.

Les personnes en surpoids ou obèse peuvent être dénutries lorsqu’elles ont perdu du muscle.

Chez les enfants et les adultes jeunes, une pathologie sévère est le plus souvent impliquée : cancer, mucoviscidose, pathologies digestives, insuffisance rénale, respiratoire, hépatique ou cardiaque, brûlures étendues… Chez les personnes âgées, on retrouve ces mêmes pathologies, mais elles entrent souvent dans le cadre de la polypathologie et polymédication, avec des troubles de la mobilité, des troubles cognitifs, une dépendance, des troubles bucco-dentaires ou un isolement social.

Et cette maladie est grave : la dénutrition entraîne un affaiblissement de l’immunité, avec des risques d’infection. Elle se traduit par une perte de force physique, des difficultés à marcher, des risques de chute. Elle provoque baisse de moral et dépression et accentue les maladies chroniques et la dépendance.

La dénutrition a des conséquences concrètes mesurables. Le risque de complications médicales et chirurgicales augmente. Les infections nosocomiales sont trois fois plus fréquentes chez les malades sévèrement dénutris que chez les non dénutris. Le délai de cicatrisation des plaies s’allonge, la récupération fonctionnelle est ralentie. Enfin, on constate une augmentation de la durée de séjour à l’hôpital, des réadmissions non programmées et de la mortalité.

La crise de la Covid-19 amplifie les problématiques de dénutrition

Ce que nous dit l’enquête

À l’occasion de cette enquête sur la dénutrition, il a été demandé le poids et la taille des personnes interrogées. Ces deux données permettent de calculer l’indice de masse corporelle.

Il faut d’abord noter que les résultats de l’enquête sont en phase avec la mesure épidémiologique des problèmes de nutrition : 18% des sondés apparaissent en obésité, quand Santé publique France estime à 17% la part des Français en situation d’obésité. L’enquête indique 5% de personnes dont l’IMC est inférieur à 18,5, c’est-à-dire en situation de dénutrition, soit en projection une population adulte de 2,6 millions de personnes.

Pour les personnes âgées, dont l’état de dénutrition est établi à partir d’un IMC inférieur à 21, l’enquête indique une part de dénutris chez les plus de 65 ans qui monte à 8%, là aussi en phase avec les enquêtes épidémiologiques estimant cette prévalence entre 4% et 10% des personnes âgées.

Interrogés sur leur perte de poids durant le confinement (depuis mars 2020), 70% des Français indiquent ne pas avoir perdu de poids. Mais 14% ont perdu entre 1 et 3 kg, 9% entre 3 et 5 kg et 7% plus de 5 kg. Ces chiffres n’attestent pas mécaniquement d’une situation de dénutrition. Toutefois, une perte de poids brutale (à partir de 3 kg) est un risque de dénutrition qui doit être surveillé (notamment pour les 4% de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans qui indiquent avoir perdu plus de 5 kg). Ainsi, parmi les personnes ayant indiqué avoir été diagnostiquées en état de dénutrition dans les douze derniers mois, 36% ont perdu de 3 à 5 kg et 13% plus de 5 kg : le confinement a manifestement eu un impact sur leur dénutrition.

Surtout, 42% des sondés ayant contracté la Covid-19 depuis mars dernier (y compris les asymptomatiques et ceux ayant développé des formes légères) ont constaté une perte de poids. Parmi eux, cette perte de poids est supérieure à 3 kg pour 33%.

La Covid-19, nouvelle cause directe et indirecte de dénutrition

Une étude (conduite par Marie-France Vaillant, en cours de publication) portant sur 403 patients hospitalisés pour Covid-19, donc concernées par les formes les plus sévères de la maladie, indique une perte de poids moyenne de 6,5 kg et une reprise de poids assez lente, puisqu’un mois après la fin de leur hospitalisation, 4 patients sur 10 n’avaient pas retrouvé leur poids.

Pour les personnes âgées, à domicile comme en établissement, il n’existe pas encore à notre connaissance d’études. Mais le ressenti des proches aidants, des professionnels du soin et de l’accompagnement à domicile comme en Ehpad confirme l’effet délétère du confinement. La dénutrition est manifestement un dommage collatéral mais silencieux de la première vague de la Covid-19 du printemps 2020.

D’abord pour les personnes âgées vivant à domicile qui, sans être infectées par la Covid-19, ont pu connaître une perte de poids liée à l’isolement social, à la peur de sortir pour faire les courses, à la difficulté de les porter, à l’impossibilité de se restaurer à l’extérieur. Elle est également liée à la sédentarité forcée, car le fait de ne pas sortir de chez soi fait fondre les muscles et altère l’appétit.

Pour les résidents d’Ehpad, l’interdiction des visites des familles, puis le confinement en chambre, empêchant dans certains cas la prise de repas collective et le temps de convivialité lié au repas ont nourri les nombreux syndromes de glissement, dont la dénutrition et l’état dépressif sont des manifestations évidentes.

Combattre les idées fausses : la dénutrition n’est pas une fatalité

Ce que nous dit l’enquête

  • 50% des personnes interrogées estiment qu’il est normal de maigrir en vieillissant ;
  • 81% pensent qu’il est normal de maigrir quand on a un cancer ou une maladie grave. Ce haut niveau de conviction reflète assurément une forme de résignation face à l’inéluctabilité de la perte de poids en cas de pathologie lourde ;
  • 56% pensent que les personnes âgées ont besoin de manger moins de viande. Et, plus inquiétant, ce chiffre monte à 75% pour les sondés de soixante-cinq ans et plus.

La perte d’appétit est largement inéluctable pour les plus fragiles mais la dénutrition est souvent évitable

Toutes ces assertions sont infondées ou à tout le moins pernicieuses dans leur formulation. Certes, il est évident que la perte d’appétit liée à l’âge ou à un traitement lourd, comme une chimiothérapie pour des patients touchés par le cancer, sera constatée. Si celle-ci est souvent inévitable, la résignation à la dénutrition, qui en est la conséquence, ne doit pas l’être. Elle se prévient par une alimentation adaptée au quotidien, en ajustant les portions à l’appétit : des portions plus petites, mais plus riches en protéines, qui doivent être alors consommées tous les jours. Selon une idée reçue, les personnes âgées ont moins besoin de viande, or c’est l’inverse ! Les plats peuvent ainsi être enrichis, avec du fromage râpé, des œufs, du beurre, de l’huile ou de la crème. Le plaisir du goût doit être recherché, en relevant les plats par des épices, des aromates, des condiments. Les habitudes liées aux régimes et aux restrictions alimentaires (contre le cholestérol, par exemple), parfois présentes depuis des années, doivent être revues en cas de dénutrition.

Enfin, face à la maladie ou à la perte d’autonomie, les soins et conseils diététiques doivent être recherchés et être pleinement intégrés dans le protocole thérapeutique car guérir tout en étant dénutri rend l’avenir plus incertain et plus difficile, avec des risques de ré-hospitalisation avérés. Enfin, le médecin peut prescrire des compléments nutritionnels oraux riches en énergie et en protéines, en complément des repas. Là aussi, un suivi régulier de l’état nutritionnel par le médecin ou le diététicien doit être partie prenante du parcours de soin.

La pratique de la pesée : un dépistage simple mais pas suffisamment systématique de la dénutrition, y compris en milieu médical

Ce que nous dit l’enquête

Si 12% des sondés affirment se peser tous les jours (et on peut aisément imaginer que c’est la surveillance d’une prise de poids et l’observance d’un régime qui motive cette fréquence intense), et au total 57% au moins une fois par mois, l’enquête indique que 43% des sondés se pèsent au-delà d’une fois par mois, dont 10% ne se pèsent jamais.

Ainsi, sur leur pratique effective, 35% se sont pesés il y a plus d’un mois. Ce chiffre retombe à 23% chez les plus de soixante-cinq ans. Pourtant, les recommandations sanitaires indiquent qu’une pesée mensuelle est souhaitable, notamment chez les personnes âgées.

Plus préoccupantes sont les données sur la pesée lors d’une consultation médicale. 52% des sondés indiquent qu’elle n’a lieu que rarement (33%) ou jamais (19%) et que la pesée effective dans le cabinet n’a lieu que pour 24% d’entre eux, avec une fréquence plus forte pour les plus de soixante-cinq ans (34% déclarent être systématiquement pesés lors de la consultation).

Surtout, lors de ces consultations, la question explicite de la perte de poids demeure peu abordée par le médecin : 76% indiquent qu’elle ne l’est que rarement (37%), voire jamais (39%), son évocation n’étant systématique que pour 8% des personnes interrogées.

Plaidoyer pour une politique renforcée de lutte contre la dénutrition

Ce que nous dit l’enquête

Pourtant, il se dessine également une véritable conscience des enjeux et une attente de réponses structurées. 84% des personnes interrogées pensent qu’on peut traiter efficacement la dénutrition. 91% adhérent d’ailleurs à l’injonction d’Hippocrate – « que ton aliment soit ta première médecine » – en soutenant l’idée selon laquelle la nutrition est un élément central pour rester en bonne santé. Aussi, les attentes à l’endroit de la puissance publique et des acteurs concernés sont fortes : 82% des sondés plaident ainsi pour un plan de lutte spécifique contre la dénutrition.

Tous les leviers de prévention et de dépistage de la dénutrition sont plébiscités par les personnes interrogées :

  • 91% souhaitent un dépistage et des soins pour les problèmes de dentition ;
  • 88% militent pour que le suivi du poids des personnes fragiles soit rendu systématique ;
  • 88% insistent sur l’amélioration de la qualité des repas à l’hôpital et dans les établissements ;
  • 87% souhaitent que soient favorisées les activités physiques adaptées pour les personnes fragiles.

L’ensemble de ces mesures correspond à des mesures de prévention qui ont immanquablement un coût pour lequel 81% des sondés sont prêts à accepter une augmentation des dépenses de santé afin d’éviter des dépenses plus importantes en cas de dénutrition (hospitalisation, soins…). À noter que le soutien à l’ensemble de ces mesures est plus marqué encore chez les soixante-cinq ans et plus, premiers concernés.

Huit actions prioritaires

Le PNNS 4 constitue assurément une avancée significative dans l’entreprise nécessaire de visibilisation de l’enjeu de santé publique que constitue la dénutrition. D’abord avec la création de la semaine nationale de la dénutrition, portée par le ministère de la Santé et des Solidarités. Ensuite, en assignant des objectifs chiffrés inédits de réduction du pourcentage de dénutris :

  • de 15% au moins pour les plus de soixante ans ;
  • de 30% pour les plus de quatre-vingts ans ;
  • de 20% pour les malades hospitalisés à la sortie de l’hospitalisation.

Force est de constater cependant que ces objectifs, pour devenir opérationnels, doivent nécessairement s’appuyer sur une politique structurée et sur la mise en place d’outils, de processus et de moyens qui continuent à faire défaut. Le PNNS prévoit pour l’instant de former l’ensemble des professionnels à la prévention, au dépistage et à la prise en charge de la dénutrition, de renforcer la formation clinique des diététiciens (améliorer les cursus de formation), de favoriser le dépistage précoce de la dénutrition chez les seniors et de promouvoir la Charte nationale pour une alimentation responsable et durable dans les établissements médico-sociaux, ainsi qu’un développement des activités physiques adaptées. Ces orientations sont pertinentes mais n’embrassent pas, loin de là, l’ensemble des besoins identifiés par les acteurs de la lutte contre la dénutrition. Le Collectif de lutte contre la dénutrition avait formulé trente-huit propositions en avril 2019 (cf. annexe), dont la plupart demeurent d’actualité.

Six axes méritent une attention particulière :

  • le développement des actions de prévention, en matière de santé bucco-dentaire, par la mise en place d’un dépistage organisé à destination des personnes âgées (au moment du départ à la retraite et avant l’entrée en établissement quand elle a lieu) ;
  • la réalisation systématique de bilan nutritionnel en sortie d’hospitalisation pour les personnes âgées ;
  • le développement effectif des activités physiques adaptées (APA), en priorité pour les patients fragiles ;
  • un effort particulier sur la qualité nutritionnelle des repas à l’hôpital et en établissement. Le Conseil national de l’alimentation a émis un avis circonstancié sur l’alimentation à l’hôpital dont les recommandations sont parfois vertigineuses tant elles tendent à bouleverser l’organisation et les ressources humaines et même l’agencement architectural des services hospitaliers, afin de redonner au temps du repas et à l’alimentation un rôle social et convivial. Elles recommandent d’offrir le choix des repas et de renouer avec le plaisir de l’alimentation, en un mot, il s’agit de tordre le cou à la perception d’une malbouffe à l’hôpital, confirmée année après année par les enquêtes de satisfaction. C’est le sens d’une expérimentation « Repas à l’hôpital », engagée en 2019 dans trois établissements ;
  • cet enjeu du plaisir de l’alimentation est particulièrement prégnant pour les personnes âgées. Le rapport de Dominique Libault intitulé « Grand âge et autonomie » l’a d’ailleurs identifié comme un levier incontournable de la prévention. Il rejoint souvent les problématiques de lutte contre l’isolement social des personnes âgées, le repas et sa préparation doivent être des moments de convivialité. Les Ehpad intègrent de plus en plus cette préoccupation et, là aussi, les aspects organisationnels sont cruciaux, notamment pour réduire le jeûne nocturne à douze heures maximum (ou proposer une collation en soirée). Inévitablement, à l’hôpital comme en Ehpad, la question des moyens humains et financiers (notamment pour accroître le budget d’achat de denrées, aujourd’hui de 3,73 euros par jour à l’hôpital et 4,20 euros en Ehpad, soit 30% environ de la dépense d’alimentation à laquelle il faut ajouter les dépenses de personnel et d’investissement) constitue un obstacle dirimant aussi longtemps que ces postes ne sont pas vus comme des investissements directement en lien avec la qualité de la prise en charge et d’efficacité du soin ;
  • la systématisation de la pesée passe par la réhabilitation symbolique de la balance, qui devrait constituer l’outil simple de dépistage, facilement accessible. La prise de la tension artérielle est attendue et jugée évidente dans toute consultation, le suivi du poids (comme c’est le cas pour le jeune enfant) devrait l’être tout autant et les dossiers médicaux correctement renseignés.

Enfin, et probablement avant tout, la montée en puissance d’une politique de lutte contre la dénutrition repose sur le développement des compétences humaines axées sur la nutrition, qualitativement par la formation initiale et continue, et quantitativement par l’augmentation des effectifs dédiés (médecins nutritionnistes et diététiciens à l’hôpital et en Ehpad). Les instances d’irrigation et de coordination (clan, unité de nutrition clinique) portent intrinsèquement l’exigence d’une transversalité. Les professionnels de santé (médecin nutritionniste, médecin, diététicien, mais aussi dentiste, pharmacien, ergothérapeute, kinésithérapeute, psychomotricien) ainsi que les professionnels de l’activité physique adaptés sont les partenaires naturels de ces actions, qui s’inscrivent dans le territoire du parcours du patient. Cette dimension territoriale plaide aussi pour une implication accrue des collectivités locales.

Les conditions de prise en charge par la Sécurité sociale des soins diététiques et des activités physiques adaptées (sport sur ordonnance depuis 2016, mais sans remboursement) alimenteront le débat sur les moyens à dégager, dans un contexte budgétaire et financier encore plus contraint, au nom d’une préférence donnée à la dépense de prévention.

Conclusion

La dénutrition est une maladie largement liée aux progrès de la médecine, et pas le symptôme d’une régression désespérante dans la qualité de la prise en charge ou la situation individuelle : hier ou avant-hier, le décès rapide des malades du cancer évacuait la question de la dénutrition. Désormais, la chronicisation croissante des cancers entraîne de fait des situations de dénutrition. C’est le même phénomène qui est à l’œuvre pour les personnes âgées, avec l’allongement de l’espérance de vie. Pourtant, la prise en charge de la dénutrition n’a pas bénéficié des moyens comparables à ceux mobilisés pour obtenir ces résultats. Nouveau paradoxe, nouveau changement à opérer.

L’invisibilisation de la dénutrition décrite tout au long de ces lignes et confirmée pour partie par l’enquête fait largement écho à l’invisibilisation dans l’espace et le débat publics de ceux qu’elle frappe le plus : les plus fragiles, les personnes âgées. Dès lors, traiter la dénutrition à sa juste mesure, c’est remettre les fragilités, liées à la maladie ou à l’âge, au milieu du village, en l’occurrence au cœur de notre système de santé. Voilà un levier pour le faire bouger de l’intérieur, en s’appuyant sur une société mobilisée car lucide sur cet enjeu. Voilà un beau défi pour une société bienveillante.

Annexe : les propositions du Collectif de lutte contre la dénutrition

Prévenir

Améliorer l’état bucco-dentaire

Une bonne santé bucco-dentaire est un prérequis pour se nourrir correctement. Il existe un lien étroit entre le délabrement dentaire et l’apparition d’une dénutrition. L’état bucco-dentaire a tendance à se dégrader avec l’âge.

  • Un bilan de santé orale doit être mis en place à l’âge de la retraite et doit être répété à l’admission dans les établissements pour l’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad).
  • Ce bilan doit être gratuit et les soins minimaux indispensables à une mastication efficace et non douloureuse doivent être remboursés intégralement dans le cadre de référentiels de justes soins.
  • Les aidants familiaux et professionnels des personnes âgées, handicapées ou vulnérables doivent faire l’objet de campagne d’information quant à l’importance d’une bonne hygiène bucco-dentaire.
  • Un bilan de santé bucco-dentaire doit être inclus dans le bilan de pré-admission dans un établissement (hôpital, Ehpad, MAS, FAM…). Pour être certain que l’hygiène est conforme aux recommandations et aux bonnes pratiques, il faut mettre en place des formations avec l’application de référentiels, de protocoles et l’évaluation de leur mise en place.

Éviter les erreurs et combattre les idées reçues

La nutrition est un domaine à la fois médical et sociétal. Les messages les plus divers circulent et la population est souvent mal informée, voire est désinformée. Les messages de prévention des maladies de surcharge (obésité, diabète) sont parfois mal interprétés et mis en œuvre chez des malades pour lesquels ils sont inutiles et parfois délétères.

  • Un site d’information grand public centré sur la nutrition des malades et des personnes âgées apporterait une information validée par les sociétés savantes, sous l’égide du ministère de la Santé.
  • Les points prioritaires (mais non exhaustifs) à aborder sont les suivants : les risques du végétalisme chez le nourrisson, les recommandations actuelles sur certaines pratiques alimentaires durant le cancer, les risques des régimes restrictifs prolongés chez la personne âgée et les besoins protéiques augmentés chez les seniors.

Repenser l’offre nutritionnelle pour les malades et les personnes âgées

L’alimentation dans les établissements de soin, les Ehpad et lors du portage des repas à domicile est régie par les textes de la restauration collective, portant sur l’hygiène, la variété et les grammages. Elle n’est pas pensée en termes de besoins pour des malades (que ce soit à la phase aiguë de la maladie ou durant la convalescence), ou pour les personnes âgées. Les repas ne font pas l’objet d’un cahier des charges garantissant un seuil de calories et de protéines. Dans un contexte de restriction budgétaire et en l’absence de cahier des charges précis et adapté à la situation, la tentation est grande de considérer l’alimentation dans les établissements de soin comme une variable d’ajustement financier aboutissant à une offre alimentaire souvent inférieure aux besoins nutritionnels des patients. Actuellement, les enveloppes financières consacrées à l’achat des denrées alimentaires sont d’environ 3,73 euros à l’hôpital et 4,20 euros en Ehpad, par jour, ce qui ne permet pas de proposer des plats de qualité gustative et de densité protéino-calorique suffisantes.

  • Imposer un cahier des charges nutritionnel avec des seuils minimaux en calories et en protéines.
  • S’assurer de la conformité de l’offre par des analyses nutritionnelles régulières effectuées par un laboratoire agréé.
  • Augmenter le budget alloué à l’achat des denrées alimentaires afin d’atteindre 6 euros par jour.

Repenser l’organisation des repas dans les établissements

La durée du jeûne nocturne (délai séparant le dîner du petit déjeuner), à l’hôpital ou en institution, est souvent supérieure à douze heures, atteignant parfois quinze heures, ce qui est délétère chez les malades et les personnes âgées (utilisation des muscles pour fournir de l’énergie).

Les aides techniques (contenants et couverts adaptés) et humaines (personnel suffisant), ainsi que les propositions culinaires spécifiques (manger main) sont fréquemment insuffisantes, diminuant les apports alimentaires sans que cela ne soit dû à une anorexie. Les raisons de ce constat sont organisationnelles et financières.

  • Limiter le jeûne nocturne à douze heures maximum. Si le repas du soir ne peut pas être décalé (pour des raisons organisationnelles), proposer une collation au moins deux heures après le dîner.
  • Pour les personnes ayant besoin d’une aide à l’alimentation, imposer une démarche d’information explicitant la politique de l’établissement en la matière.
  • Développer chaque fois que cela est possible une alimentation « socialisée » dans des locaux adaptés.
  • Organiser une alimentation choisie par les patients (planification à l’avance et plats de substitution accessibles au moment du repas).
  • Laisser un temps suffisant (quarante-cinq minutes minimum) dédié au repas.

Rediscuter l’utilité des régimes

Dans de nombreuses pathologies, tant en préventif qu’en curatif, des régimes sont prescrits. Leur efficacité n’est pas toujours démontrée et leurs effets indésirables sont rarement pris en compte. Les régimes restrictifs favorisent la dénutrition.

  • Tout régime de longue durée chez un patient poly-pathologique ou souffrant d’une pathologie chronique sévère devrait être validé par un médecin nutritionniste.

Promouvoir l’activité physique

Maintenir une bonne masse et force musculaire (et prévenir la sarcopénie) ne peut se concevoir sans une activité physique. Ceci est vrai à tout âge, que l’on soit malade ou non. Mais cette notion est peu connue de nos concitoyens.

  • Lancer un programme d’information grand public centré principalement sur les personnes âgées et leurs aidants, expliquant ce qu’est la sarcopénie et attirant l’attention sur le fait qu’une activité physique adaptée à leur condition physique ou à leur pathologie peut limiter le risque de dépendance.

Dépister

Dépistage précoce de la dénutrition

La pesée des patients est un acte de santé qui n’est pas systématiquement effectué, retardant le diagnostic de dénutrition dont un des signes les plus précoces est la perte de poids. Ceci est préjudiciable tant pour connaître l’épidémiologie réelle de la dénutrition dans la communauté que pour une prise en charge précoce de la dénutrition.

  • Systématiser la pesée des patients à chaque consultation médicale et lors de chaque hospitalisation et inscrire ce paramètre dans le dossier médical partagé du patient (courbe de poids).
  • S’assurer que le poids inscrit n’est pas déclaratif, mais le poids réel du patient.
  • Favoriser la pesée dans les officines de pharmacie et dans les cabinets paramédicaux.
  • Faciliter l’acquisition de fauteuil-balance dans les établissements de santé pour peser les personnes qui ne peuvent pas tenir debout.
  • Chez la personne âgée, dont la taille est susceptible de diminuer, toiser les patients.

Comprendre les causes pour mieux anticiper

Il n’existe pas de registre national de la dénutrition. Les causes de la dénutrition peuvent être médicales ou sociétales et souvent mixtes chez la personne âgée. Une expérimentation est en cours visant à créer un registre observationnel de l’état nutritionnel des seniors. L’objectif est de mieux quantifier la fréquence de la dénutrition et d’en préciser les causes, en intégrant des données médicales et socio-économiques.

  • Créer un observatoire de la dénutrition en dehors du milieu hospitalier à la fois par une démarche rétrospective (analyse des items associés à la dénutrition dans les bases de données) et prospective (généralisation d’un registre de l’état nutritionnel des populations).

Repérer la dénutrition à domicile

Précédant et accompagnant la perte de poids, la diminution des ingesta est très fréquente mais difficile à objectiver chez les personnes vivant seules à domicile. Une étude a parfaitement montré la corrélation entre les ingesta de ces personnes et l’état des denrées alimentaires qu’elles ont à domicile (placard et réfrigérateurs vides ou au contraire remplis de denrées périmées).

  • Organiser une campagne d’information ciblant les aidants familiaux et professionnels des personnes âgées ou handicapées les sensibilisant sur l’importance de vérifier l’état des denrées alimentaires des personnes qu’elles aident.

Prendre en charge

Renforcer les moyens de prise en charge de la dénutrition en établissement

Au sein des établissements de soin, la prise en charge multi-professionnelle de la dénutrition n’est pas organisée au niveau national. Huit Unités transversales de nutrition clinique (UTNC) ont été financées transitoirement à titre expérimental. Leur utilité et leur efficacité ont été constatées par la Direction générale de l’offre de soin (DGOS). Toutefois, leur financement est indirect, basé sur une meilleure valorisation des séjours hospitaliers via la T2A. Malgré cette incitation financière (ou peut-être à cause d’un doute sur sa pérennité), très peu d’hôpitaux (environ 5-7%) se sont dotés d’une véritable UTNC.

  • Faire que la prise en charge de la dénutrition dans les hôpitaux devienne un des indicateurs de qualité. Pour cela, favoriser la création d’UTNC en pérennisant leur financement sur des critères d’activité authentifiés par la tenue d’un registre (objectivant le pourcentage de patients hospitalisés pris en charge) adressé annuellement aux tutelles. Pour assurer correctement leur mission, les UTNC devraient être dotées d’un médecin nutritionniste et de 10 diététiciens pour 600 lits.
  • Les missions des diététiciens à l’hôpital doivent être recentrées sur le soin pendant l’hospitalisation, sur les conseils diététiques au moment de la sortie de l’hôpital et sur la continuité des soins au retour à domicile.
  • Renforcer la présence des diététiciens dans les Ehpad, pour leur permettre d’assurer une organisation pluri-professionnelle pour maintenir la qualité de l’alimentation et le soin nutritionnel des résidents. Les petites structures pourraient mutualiser leur UTNC dans le cadre des groupements hospitaliers de territoires (GHT).

Prise en charge de la dénutrition en ville

La correction d’une dénutrition nécessite un temps long, bien supérieur à celui d’une hospitalisation, imposant une organisation de ce soin en dehors des établissements. Les prestataires de soins à domicile sont impliqués dans l’activité de nutrition artificielle à domicile. Les diététiciens libéraux sont peu nombreux (4500 environ, incluant ceux qui exercent à temps partiel), bien formés à l’obésité mais peu ou pas formés à la dénutrition et leur consultation n’est pas remboursée par la Sécurité sociale. La prise en charge nutritionnelle repose le plus souvent sur la nutrition orale. Si les conseils diététiques, l’enrichissement des repas et les collations ne suffisent pas, les compléments nutritionnels oraux hyperénergétiques hyperprotéiques (CNO, HCHP) doivent être prescrits. Les CNO augmentent les ingesta totaux (peu d’effet sur les ingesta spontanés), l’appétit et le poids des malades, diminuent le risque d’hospitalisation, de complications à l’hôpital et de réadmissions non programmées, sans augmenter les coûts de santé totaux (coûts des CNO compris). L’activité physique adaptée (APA) vient d’être reconnue comme un soin pouvant être prescrit, sans pour autant être remboursé par la Sécurité sociale. L’activité physique est indispensable à une bonne alimentation pour stimuler l’appétit et restaurer la masse musculaire.

  • Outre l’organisation des soins intra-hospitaliers, les UTNC devront élargir leur mission aux soins post-hospitalisation en collaboration étroite avec les acteurs qualifiés (médecins traitants, prestataires de soin à domicile, médecins nutritionnistes, diététiciens, professionnels de l’APA).
  • Les soins diététiques et d’APA devront faire l’objet d’une prise en charge par la Sécurité sociale. Ce remboursement fera suite à une prescription médicale, sur des critères reconnus de dénutrition. Concernant les diététiciens, ce remboursement sera assujetti à l’obtention d’une qualification authentifiant leur compétence dans le domaine de la nutrition clinique.
  • Maintenir le niveau de prise en charge des CNO par l’Assurance maladie et autoriser les diététiciens à prescrire des CNO avec les mêmes conditions de remboursement que lorsqu’ils sont prescrits par des médecins.

Redéfinition des missions des Comités de liaison alimentation nutrition (CLAN)

À l’initiative d’une circulaire DGOS, la majorité des hôpitaux s’est dotée de CLAN. Leur fonctionnement n’est pas financé et leurs avis ne sont que consultatifs, ne leur permettant pas d’instaurer des stratégies pérennes de dépistage et de prise en charge.

  • Inscrire les CLAN dans la loi. Les rendre obligatoires en précisant leurs missions, en assurant leur financement et en les dotant de réels pouvoirs auprès de la Commission médicale d’établissement (CME).

Mieux former et mobiliser

Former l’ensemble des professionnels à la prévention, au dépistage et à la prise en charge de la dénutrition

Durant les cursus de médecine, pharmacie, chirurgie dentaire et maïeutique, la dénutrition, malgré sa fréquence et sa gravité, ne bénéficie pas d’un enseignement suffisant. Un sondage effectué sur un échantillon représentatif de médecins généralistes par le Collectif de lutte contre la dénutrition, en 2017, confirme que ces derniers se sentent insuffisamment compétents dans ce domaine. En France, la formation de diététicien s’effectue en deux ans seulement (contrairement aux autres pays européens où la formation est au minimum de trois ans). Cette formation est généralement centrée sur la science de l’aliment et très peu sur le soin.

La sensibilisation ou la formation des aides à domicile à la dénutrition des personnes âgées (prévention et dépistage, notamment en les incitant à peser) est insuffisante. Si le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS) prévoit bien un module alimentation, moins de 20% des aides à domicile sont détentrices du DEAVS.

  • Augmenter significativement l’enseignement de la nutrition clinique dans tous les cursus de santé.
  • Avoir pour objectif que tous les futurs médecins généralistes puissent être compétents dans la prescription des soins nutritionnels de premier recours chez un patient dénutri.
  • Créer un nouveau cursus de diététicien, effectué en trois ans, différent des cursus existants, ayant pour objectif le soin nutritionnel, délivrant un diplôme de « diététicien clinique ». Organiser l’obtention de ce diplôme par la VAE pour les anciens diététiciens le souhaitant.
  • Augmenter le nombre de « diététiciens clinique » en ville et en établissement.
  • Augmenter le niveau de formation des auxiliaires de vie sur l’alimentation des personnes dépendantes.

Faire que la lutte contre la dénutrition soit une composante des politiques nationales et locales de santé

La dénutrition est insuffisamment connue de nos concitoyens et insuffisamment intégrée dans les politiques de santé. Le terme de dénutrition renvoie essentiellement, pour la plupart des citoyens, à des notions de famine (insuffisance d’accès à l’alimentation dans des pays ou temps lointains) et très peu à l’absence d’appétit dans les pays d’abondance alimentaire.

  • Maintenir un volet « lutte contre la dénutrition » dans le prochain PNNS (dans le prolongement des PNNS 1 en 2001, PNNS 2 en 2006 et PNNS 3 en 2011).
  • Décliner les actions du PNNS dans la stratégie nationale de santé.
  • Favoriser les partenariats entre le réseau des villes amies du PNNS et le réseau des villes Amis des aînés.
  • Veiller à ce que les documents d’orientation régionaux et départementaux (PRS et schémas autonomie des conseils départementaux) déclinent ces objectifs nationaux.

Hippocrate

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Méthodologie 

L’enquête a été menée par l’Ifop auprès d’un échantillon de 1028  personnes, représentatif de la population française âgée de dix-huit ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 29 au 30 octobre 2020.

Le Collectif de lutte contre la dénutrition

Créé en 2016 à l’initiative d’Éric Fontaine, alors président de la SFNEP (Société francophone de nutrition clinique et métabolisme), professeur de nutrition au CHU de Grenoble, le collectif regroupe des personnalités et des associations venues d’horizons divers : professionnels de santé, aidants, élus, patients, économistes, sociologues, acteurs de la nutrition clinique… Il a pour objectif de sensibiliser à la dénutrition, d’irriguer le débat public et de fédérer les acteurs, dans une logique de propositions et d’influence. Le collectif a publié Manifeste de lutte contre la dénutrition regroupant quarante-trois témoignages et entretiens pluridisciplinaires.

Jérôme Guedj

Jérôme Guedj est directeur de l’Observatoire des politiques sociales de la Fondation Jean-Jaurès. Il est par ailleurs engagé au sein du Collectif de lutte contre la dénutrition depuis sa création. Plus récemment, il coordonne pour le collectif l’organisation de la première semaine nationale de la dénutrition du 12 au 19 novembre 2020. Il remercie Éric Fontaine, ainsi que le Pr Agathe Raynaud-Simon, cheffe de service de gériatrie à l’hôpital Bichat, présidente de la Fédération française de nutrition, et le Dr Joseph John Baranes, chirurgien-dentiste, membre associé de l’Académie nationale de chirurgie dentaire, pour les nombreux échanges avec eux au sein du collectif, qui ont largement nourri cette note.

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