La Fondation dresse un état des lieux régulier des actions prises par les institutions européennes, en lien avec les États membres, pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Théo Verdier, expert associé à la Fondation, analyse dans ce troisième volet l’avancée de la réponse économique de l’Union ainsi que les réactions aux menaces portant sur les principes de l’État de droit.
Depuis le début de la crise, les institutions communautaires centrent leur action sur la mobilisation des moyens communautaires et la coordination de l’action des États membres. Comme nous l’avons vu dans le précédent état des lieux, la réponse européenne au virus s’articule principalement autour de trois dimensions : la gestion des frontières intérieures et extérieures de l’UE, l’approvisionnement en matériel médical et le soutien économique aux États membres. Les deux premiers axes de son action se matérialisent de manière concrète : on peut citer à titre d’exemple le lancement d’une procédure de passation conjointe de marchés, concernant 25 États membres, pour l’approvisionnement en équipement de protection individuelle.
Sur le plan économique, les annonces importantes formulées par la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne, avec entre autres la dérogation aux règles de stabilité budgétaire, peinent à trouver un nouvel élan auprès des chefs d’État. Les dirigeants doivent statuer sur leur réponse commune à la crise. Les discussions – en cours au moment où nous écrivons ces lignes – au sein de l’Eurogroupe laissent apparaître les dissensions entre États membres sur la prochaine étape de la réponse économique. Sur la table, on retrouve l’ambitieux défi d’émettre des titres de dettes communs, sujet qui tend les dissensions au sein du Conseil. Le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES) pose lui la question des conditions qui y seront associées pour les pays qui en feront usage. De son côté, la Commission européenne innove en proposant la mise en place d’un système temporaire de financement européen du chômage partiel.
En toile de fond, les mesures d’urgence prises par les États membres ravivent le débat sur le respect des principes de l’État de droit au sein de l’UE. La mise en place en Hongrie d’un état d’urgence permanent, sans date de fin, met au défi les institutions communautaires, tout comme la diplomatie des États membres. L’urgence étant à la lutte contre le virus, se pose désormais la question de savoir si l’Union a les moyens de mener en même temps le combat pour ses valeurs.
Repères chronologiques à jour
Repères chronologiques des principales réunions tenues et actions annoncées par les institutions communautaires et acteurs du jeu politique européen depuis notre précédent état des lieux. Les informations ci-dessous sont à jour du 6 avril 2020.
- 31 mars :
- Commission européenne : déclaration d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, sur les mesures d’urgence et la protection de l’État de droit : « Toute mesure d’urgence doit être limitée à ce qui est nécessaire et strictement proportionnée. Aucune ne peut durer indéfiniment ». Aucune mention textuelle des États concernés.
- 1er avril :
- Commission européenne : la Commission européenne présente sa proposition d’un système de chômage partiel financé au niveau européen (SURE : Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency). Pour financer les prêts aux États membres, la Commission emprunterait sur les marchés financiers.
- 2 avril :
- 14 États membres, dont la France et l’Allemagne, alertent sur le respect de l’État de droit dans les mesures d’urgence. Aucune mention textuelle des États concernés.
- le jour-même, la Hongrie décide de s’associer à cette déclaration.
- 7-9 avril – En cours : vidéoconférence des membres de l’Eurogroupe
Financer au niveau européen le chômage partiel des États les plus atteints : une matérialisation de la solidarité européenne ?
L’Union européenne a su faire la preuve de sa plus-value pour faire face aux conséquences économiques du virus. En mobilisant plus de 1000 milliards d’euros à travers la Banque centrale européenne (BCE) et en laissant filer les déficits des États, la BCE et la Commission européenne ont vu leurs initiatives monétaires et budgétaires accueillies positivement à travers le continent.
« On peut saluer des mesures, comme la suspension du pacte de stabilité », reconnaît Manon Aubry, députée européenne de La France insoumise et co-présidente du groupe de la Gauche unitaire européenne au Parlement européen. « Mais si on le suspend dans l’urgence, ne devrait-on pas s’interroger sur son impact dans la réduction du nombre de lits et des moyens accordés au secteur sanitaire ? », demande-t-elle, appelant à ce que l’épidémie permette une remise à plat des pratiques budgétaires de l’Union.
Avant d’en arriver aux débats sur l’après-épidémie, se pose la question de la mutualisation des moyens financiers des États membres pour formuler une réponse commune à la crise. Comme nous l’avions signalé lors de notre second état des lieux, les membres du Conseil européen se sont affrontés sur la possibilité d’émettre des titres de dettes communs, ce que les « États frugaux », Pays-Bas en tête et l’Allemagne en prime, refusent de longue date.
« La gouvernance politique de l’UE est un savant mélange entre le supranational et l’intergouvernemental, et le principal blocage est comme d’habitude du côté de l’intergouvernemental», analyse Anne-Laure Delatte, chercheure et économiste au CNRS. Cette dernière salue l’action des institutions européennes – au niveau supranational donc –, sur le plan monétaire pour la BCE et budgétaire en ce qui concerne la Commission. « De façon surprenante, la levée des contraintes budgétaires par la Commission européenne a été finalement assez rapide. On vous aurait dit il y a deux mois qu’on allait lever les contraintes budgétaires, vous ne l’auriez pas cru », ajoute-t-elle.
La gestion des conséquences de l’épidémie « montre bien qu’en Europe, on a deux réalités politiques en opposition. D’un côté les États, de l’autre le niveau communautaire. Dans cette crise, l’État revient au cœur de sa fonction historique et symbolique, protéger ses citoyens en contrôlant la peur. Le rôle du Conseil s’en retrouve donc encore plus renforcé, mais d’une manière ambiguë », complète Gilles Gressani, directeur du Grand Continent, la revue du Groupe d’études géopolitiques.
Pour avancer d’un pas dans sa réponse, l’Union doit ainsi opérer la convergence entre les dirigeants des États membres. « La crise démontre, si besoin était, à quel point notre continent est interdépendant. Et donc le besoin d’une coordination des réponses sanitaires, économiques et sociales. Ou l’UE risque de s’écrouler avec le coronavirus », alerte la députée européenne Manon Aubry. Cette dernière souligne « la limite des moyens communautaires. Pour débloquer 37 milliards d’euros, l’UE a raclé les fonds de tiroir », ajoute l’eurodéputée, en référence au plan de soutien initialement enclenché par la Commission à travers l’utilisation des fonds européens.
Manon Aubry appelle à mettre en commun les dettes liées au coronavirus. Et ce, « sans les assortir de contraintes, pour ne pas prendre les États concernés à la gorge » ainsi qu’en « prévoyant dès à présent leur annulation partielle, voire totale ». Une position partagée par sa collègue socialiste, la députée européenne Nora Mebarek : « cet instrument des dettes communes ne doit pas manquer à l’attirail de réponses à la crise et à son impact après coup, pour financer notre système de santé et notre économie ».
Face aux risques de blocages, institutions et États membres travaillent à trouver une solution de consensus. Un nouveau pas a été franchi par la Commission le 1er avril dernier. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé de financer au niveau européen un système de chômage partiel à travers un programme intitulé SURE (pour « Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency »), conçu pour aider les États les plus touchés à financer le maintien dans l’emploi des travailleurs et accélérer le rétablissement de l’activité des entreprises.
Avec SURE, l’exécutif européen apporte une solution constructive à l’opposition au cours au Conseil. Les 9 États membres – dont la France – signataires d’une lettre commune en faveur des dettes communes font face à l’Allemagne et aux « États frugaux », partisans d’un recours aux outils existants. Au premier rang desquels le Mécanisme européen de stabilité, rejeté en l’état par l’Italie car conditionné à la mise en œuvre de réformes structurelles. « L’avis de la Commission est de dire qu’il ne faut pas discuter sur des slogans clivants, comme les coronabonds, mais sur des éléments qui peuvent débloquer la situation », appuie Mathéo Malik, rédacteur en chef du Grand Continent. D’où cette idée d’un fonds pour le chômage partiel. Il s’agit d’obtenir des retombées concrètes et d’aider les populations qui supportent la crise en première ligne ».
Pour ce faire, l’institution invoque l’article 122, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Ce dernier autorise le Conseil, sur proposition de la Commission, à fournir une « assistance financière » à un État membre lorsqu’il connaît « des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle ». La Commission européenne entend ainsi emprunter directement sur les marchés financiers pour prêter aux États membres qui en feront la demande. « Grâce à SURE, plus de gens garderont leur emploi pendant la crise du coronavirus et retourneront au travail dès que les mesures de confinement prendront fin », a voulu assurer Ursula von der Leyen dans une vidéo dédiée.
La proposition de la Commission a été accueillie positivement par le président de l’Eurogroupe. Dans une interview accordée à cinq médias européens, Mário Centeno propose de coupler ce mécanisme à une ligne de crédit dédiée du Mécanisme européen de stabilité (MES) pour les États qui en feraient la demande. Une facilité de caisse, en quelque sorte, estimée à 240 milliards d’euros. Ce qui s’ajouterait à la proposition de la Banque européenne d’investissement (BEI) de mobiliser 200 milliards au sein d’un « fond de garantie pan-européen ». L’ensemble est en cours de discussion au sein de l’Eurogroupe, étendue jusqu’à ce 9 avril et toujours sans consensus au moment où nous écrivons ces lignes. La proposition française d’un fond temporaire pour parer à la crise ainsi que la création d’eurobonds semble remise à la discussion en Conseil européen.
En tout état de cause, l’ensemble de mesures avancé par le président de l’Eurogroupe revient à annoncer près d’un demi-milliard d’euros de fonds. Serait-ce suffisant pour convaincre les États les plus atteints par le virus d’en rester là ? Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a déjà annoncé que le MES ne peut constituer qu’un premier niveau de réponse. « Le Mécanisme européen de stabilité peut être utile dans un premier temps pour fournir des liquidités aux économies européennes […]. Mais cela ne sera pas suffisant à moyen terme », avertit-il dans une tribune publiée par Le Monde. Le dirigeant socialiste appelle à matérialiser la solidarité européenne de manière concrète : « même les pays les plus européistes, comme l’Espagne, ont besoin de preuves d’un réel engagement ».
État d’urgence et État de droit au cœur de la crise
Les gouvernements européens ont massivement eu recours à des mesures d’exception pour endiguer l’épidémie. Face à une crise sanitaire d’envergure historique, inconnue en Europe depuis la grippe espagnole de 1918, il fait sens de mobiliser des moyens exceptionnels hors des cadres traditionnels de gouvernance. L’étendue de ces mesures pose toutefois question : ne risque-t-on pas d’enclencher un effet cliquet ? Les États abandonneront-ils les pouvoirs exceptionnels dont ils disposent temporairement ?
Ces appréhensions sont nourries par l’exemple, autour du monde, de la mise en place de mesures couplant efficacité et risques de restrictions des libertés. On peut citer à ce titre la Corée du Sud, qui a mis en place une application sur smartphone pour suivre l’état de santé des individus, assorti d’un traçage par GPS, de vidéosurveillance et du croisement de fichiers des malades et de leur entourage. Ces outils intrusifs ont fait l’objet en France d’une fin de non-recevoir, notamment pour des raisons légales. Le gouvernement français a en revanche annoncé travailler sur une application, intitulée StopCovid, qui fonctionnerait sur la base du volontariat.
« Nous ne sommes ni Taiwan, ni Singapour, on a en Europe un modèle de protection des libertés individuelles. Le confinement, c’est déjà beaucoup. Les gens en ont bien compris la nécessité mais il en faut en rester là », analyse la socialiste Nora Mebarek. L’urgence de la situation laisse toutefois percevoir des tendances favorables à la numérisation des politiques de sûreté. Huit Français sur dix se déclarent ainsi prêts à installer une application qui enregistrerait les relations sociales d’un utilisateur pour avertir les personnes à risque, selon une étude de l’université d’Oxford. 63% des répondants déclarent même qu’ils garderaient une telle application si elle était installée automatiquement par le gouvernement sur leur téléphone. De premières mises en pratique ont par ailleurs vu le jour au niveau européen, le Commissaire européen demandant aux opérateurs téléphoniques d’extraire les données de consommation pour suivre, de façon anonymisée, l’effet des mesures de confinement. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a par ailleurs ressenti le besoin de mettre en garde les autorités contre l’usage de telles mesures de surveillance, ainsi que le recours aux drones et à la vidéosurveillance.
Si de telles mesures peuvent inquiéter, on ne trouve pas d’exemples de mises en œuvre concrètes et massives, au cœur de la crise, sur le sol européen. Trois facteurs concourent toutefois à leur généralisation :
- d’abord, la nécessité de formuler une réponse urgente face à l’épidémie ;
- ensuite, l’assentiment perçu de la population pour une action radicale de l’État ;
- enfin, la difficulté d’organiser le travail parlementaire en ces temps de crise.
L’ensemble génère un sentiment d’insécurité quant à l’ampleur des mesures d’urgence prises par les gouvernements européens, ainsi que la difficulté pour le pouvoir parlementaire d’effectuer un contrôle effectif de leur mise en œuvre. Dans ce contexte, l’UE a vu ressurgir un débat rémanent de l’espace public européen ; le respect des principes de l’État de droit par les démocraties illibérales, en Hongrie avant tout.
La mise en place d’un état d’urgence sans date de fin par le gouvernement de Viktor Orbán concrétise les spéculations sur la possibilité pour un gouvernement de profiter de la crise en vue d’élargir sa marge de manœuvre politique. Interrogée pour les besoins de la présente note, Klara Dobrev, députée européenne hongroise, vice-présidente socialiste du Parlement européen, exprime ses inquiétudes : « En Hongrie, la question la plus urgente est sans aucun doute l’absence de limites temporelles. Tous les États européens ont instauré l’état d’urgence, mais avec des limites constitutionnelles. La raison pour laquelle l’opposition hongroise s’inquiète est qu’en 2015, nous avions des mesures extraordinaires pour la crise des réfugiés. Ces mesures sont toujours en vigueur », rappelle cette dernière, citant les pouvoirs étendus donnés à l’armée dans la limite de 15 kilomètres autour de la frontière du pays.
Interrogée sur les conséquences de l’état d’urgence mis en place, Klara Dobrev précise que « l’opposition avait trois demandes » qui se sont vues rejetées par le gouvernement. Une « limite dans le temps» tout d’abord. Une « limite dans le champ des mesures », objection dont la pertinence a été rapidement démontrée : « Nous avons vu la semaine dernière que le gouvernement a limité les pouvoirs du maire de Budapest. Viktor Orbán utilise son pouvoir non seulement pour lutter contre le coronavirus mais aussi pour combattre l’opposition », accuse-t-elle. En dernier lieu, l’opposition politique rejette la modification du code pénal, « pour condamner jusqu’à cinq ans de prison les personnes qui diffusent des informations qui rendraient difficile pour le gouvernement de lutter contre le coronavirus. Il existe déjà des procédures judiciaires pour les maires qui ont divulgué des cas positifs dans leurs villes. Et en fin de compte, cela concernera surtout les journalistes », analyse l’élue hongroise.
Ainsi décrites, les mesures prises par Viktor Orbán apparaissent clairement hors champ des principes de l’État de droit. Pourtant, institutions européennes et pays membres ont réagi mezza voce, tempérant leurs propos face à l’urgence de la crise. Ursula von der Leyen a rappelé par communiqué l’exigence de respecter les valeurs de « liberté, de démocratie, d’état de droit à travers les mesures d’urgence ». Et ce, sans citer la Hongrie. 14 États membres ont fait de même. Ce qui a permis au gouvernement de Viktor Orbán de finalement signer leur déclaration le jour de sa parution, rendant quelque peu grotesque l’appel à ce que les mesures d’urgence « soient limitées à ce qui est strictement nécessaire, être proportionnées et provisoires par nature ».
« Ce que fait Viktor Orbán ne concerne pas seulement la Hongrie. En Pologne, en Slovaquie, et même en Italie avec Matteo Salvini, des pays regardent ce que fait Orbán », souligne justement Klara Dobrev. Comme pour le rétablissement des frontières intérieures, il y a quelques semaines, le gouvernement hongrois définit finalement une sorte de standards a minima, permettant à tout État membre de justifier de mesures exceptionnelles face à ses voisins.
L’élue d’opposition hongroise appelle à une réponse renforcée. « En premier lieu, que le Parti populaire européen (PPE) expulse définitivement Viktor Orbán et son parti, le Fidesz », demande-t-elle, rappelant que les partis conservateurs d’Europe de l’ouest ne peuvent partager ses valeurs. La réponse partisane semble ainsi la plus efficace à court terme pour faire pression sur le dirigeant hongrois. Bien que suspendu du PPE, le Fidesz n’en a jamais été exclu. Ce que demande désormais plusieurs de ses membres, au sein d’un collectif de partis nationaux dont Les Républicains en France sont notamment absents.
Le parti conservateur européen se retrouve toutefois dans une impasse. Le Fidesz y occupe en effet une place majeure. « Quand on regarde la carte du PPE, on voit que la Hongrie y joue un rôle déterminant. Le PPE est encore aujourd’hui un parti crucial dans le jeu politique continental grâce aux forces d’Europe centrale et de l’est. Il est devenu très faible en Italie ou encore en France », analyse Gilles Gressani du Groupe d’études géopolitiques.
Quelle qu’elle soit, la réponse partisane ne saurait suffire. « On risque d’atteindre un point de non-retour. Si l’UE n’est pas l’outil de protection de la démocratie, n’est pas un outil qui sauve des vies en tant de crise, alors c’est quoi ? », interroge ainsi Manon Aubry. « L’UE a des marges de manœuvre, elle a le respect de l’État de droit inscrit dans ses valeurs fondamentales. À commencer par une action diplomatique, une prise de position de la présidente la Commission et du président du Conseil, ou encore l’article 7 des Traités », rappelle-t-elle, citant la procédure en cours qui permettrait de suspendre le droit de vote de la Hongrie au Conseil européen.
La réponse communautaire, on l’a vu, demeure toutefois bien éloignée d’une prise de position aussi affirmée. La question hongroise, et plus largement le respect de l’État de droit en Europe centrale et orientale, préoccupe vivement les dirigeants européens depuis plusieurs années. Pourtant, alors que les États et les institutions mobilisent l’ensemble de leurs moyens contre l’épidémie, il y a fort à parier que peu sera fait pour condamner plus avant l’état d’urgence hongrois, alors même que les voix de Viktor Orbán et de ses alliés polonais seront nécessaires au Conseil européen pour activer une partie de la réponse économique. « La Pologne et la Hongrie sont très bien intégrées au jeu politique européen. Il n’est donc pas exclu qu’après la crise, on en revienne au statu quo. Et ce, bien qu’on ait franchi une nouvelle étape, une nouvelle ligne rouge », conclut François Hublet, directeur du programme du Groupe d’études géopolitiques qui étudie l’Europe centrale.
Annexes : repères chronologiques complets
Le tableau suivant présente les principales réunions tenues et actions annoncées par les institutions européennes depuis début mars 2020 et l’émergence d’une réponse communautaire d’ampleur à l’épidémie.
Chronologie |
Institution |
Principales annonces |
---|---|---|
6 mars |
Conseil européen |
Activation complète du mécanisme de réaction de l’UE en cas de crise (dispositif IPCR). Permet notamment la coordination des États membres. |
10 mars |
Conseil européen |
Première vidéoconférence des membres du Conseil européen, réunissant les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres. |
13 mars |
Commission européenne |
Communication de la Commission européenne sur une réponse économique coordonnée. Propose notamment :
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17 mars |
Conseil européen |
Vidéoconférence des membres du Conseil européen. Parmi les annonces, on peut retenir :
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19 mars |
Banque centrale européenne |
Annonce d’un programme d’achat d’obligations de 750 milliards d’euros. Il s’ajoute aux 120 milliards décidés le 12 mars, soit 7,3% du PIB de la zone euro. Des mesures de soutiens aux entreprises sont également décidées, au sein d’un plan global évalué à hauteur de 1 050 milliards d’euros. |
19 mars |
Commission européenne |
Création d’une réserve stratégique de matériel médical. Sont concernés notamment les masques de protection et les respirateurs. Le budget initial est de 50 millions d’euros, l’ensemble étant effectif à partir du 20 mars. Est également rappelé que les États membres travaillent en parallèle à un accord de passation conjointe de marché pour se procurer des équipements de protection individuelle. |
19 mars |
Commission européenne |
La Commission européenne adopte un « encadrement temporaire » conçu pour permettre aux 27 « d’exploiter pleinement la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État pour soutenir l’économie ». |
20 mars |
Commission européenne |
Annonce par Ursula von der Leyen de la suspension des règles budgétaires européennes, via le déclenchement d’une clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance. « Les gouvernements nationaux peuvent injecter dans l’économie autant qu’ils en auront besoin », annonce la présidente de la Commission européenne. |
23 mars |
Commission européenne |
Annonce des lignes directrices pour assurer des « axes verts » et limiter les freins au trafic. L’objectif est de limiter à quinze minutes maximum le passage du trafic aux frontières intérieures. |
23 mars |
Conseil de l’Union européenne |
Réunion des ministres de l’Économie et des Finances en vidéoconférence. Les ministres de l’Économie et des Finances de l’Union donnent leur feu vert à la suspension des règles de discipline budgétaire qui s’appliquent aux États membres. |
24 mars |
Eurogroupe |
Réunion de l’Eurogroupe en vidéoconférence. Entre autres annonces, les ministres des Finances de la zone euro ouvrent la porte à un recours au Mécanisme européen de solidarité (MES) pour les États membres qui en feraient la demande. |
24 mars |
Commission européenne |
Annonce du lancement de la procédure de passation conjointe de marchés lancée par la Commission européenne en vue d’obtenir des équipements de protection individuelle. 25 États participent. Les équipements devraient être disponibles sous deux semaines. |
25 mars |
Neuf chefs d’État et de gouvernement européens |
Lettre au président du Conseil européen, Charles Michel. Le président français et huit Premiers ministres, dont les leaders espagnol et italiens, affirment notamment : « nous devons travailler à un instrument de dette commun émis par une institution européenne ». |
26 mars |
Parlement européen |
Session plénière du Parlement européen comprenant :
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26 mars |
Conseil européen |
Vidéoconférence des membres du Conseil européen. Parmi les principales annonces, on peut retenir les éléments suivants :
|
31 mars |
Commission européenne |
Déclaration d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, sur les mesures d’urgence et la protection de l’État de droit : « Toute mesure d’urgence doit être limitée à ce qui est nécessaire et strictement proportionnée. Aucune ne peut durer indéfiniment ». Aucune mention textuelle des États concernés. |
1er avril |
Commission européenne |
La Commission européenne présente sa proposition d’un système de chômage partiel financé au niveau européen, intitulé SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency). Pour financer les prêts aux États membres, la Commission emprunterait sur les marchés financiers. |
2 avril |
14 États membres |
14 États membres, dont la France et l’Allemagne, alertent sur le respect de l’État de droit dans les mesures d’urgence. Aucune mention textuelle des États concernés. Le jour-même, la Hongrie décide de s’associer à cette déclaration. |
7-9 avril |
Eurogroupe |
Vidéoconférence des membres de l’Eurogroupe |